Sans-papiers, illégaux, clandestins, centres fermés, ordre de quitter le territoire… le vocabulaire révèle l’intention. Il ne s’agit pas d’accueillir le migrant. On n’en veut pas de ce migrant. Il est là, mais on n’en veut pas.
Réfugié, bénéficiaire de la protection subsidiaire, aide matérielle, aide médicale urgente, accès à la scolarité… les mots fleurent bon la bonne conscience de bénitier. Alors, on le prend en charge, on va l’aider un peu… pour l’occuper… parce que c’est humain. Un peu, mais pas trop : il ne faudrait pas que, par l’odeur, alléchés, ses petits camarades ne rappliquent. En l’absence d’une véritable politique d’accueil des migrants, la solidarité n’est pas de mise.
Alors, on bricole, on pousse les systèmes dans leurs limites, on mobilise les solidarités individuelles et l’on se persuade comme on peut, qu’on a fait « son possible ». Dans les associations, dans les écoles comme dans les formations, les rencontres révèlent les conditions de vie, les angoisses, les vies brisées et les sourires. Elles tissent les liens de relations certes plus chaleureuses et solidaires, mais montrent aussi vite les limites des moyens qui leur sont alloués. C’est que la distance entre l’aide-réparatrice et l’aide-émancipatrice n’est pas tant technique que politique. Il ne suffit pas de prouver que techniquement, scientifiquement, c’est mieux pour les familles de migrants. Encore faut-il que politiquement le désir de faciliter l’intégration et l’installation des migrants existe.
Et on est loin du compte. Les centres fermés sont toujours là pour nous le rappeler. Quelle éducation les enfants y ont-ils ? Cette question a-t-elle un sens ? Et pourtant, nous sommes contraints de nous la poser. Les bonnes intentions ne suffisent pas, on le sait. Mais même quand des démarches réfléchies, professionnelles et solidaires s’implantent dans les pratiques et font leurs preuves, elles demeurent sous-financées, tributaires de la résistance physique et psychologique de ceux et celles qui les portent. De même, les migrants restent in fine à la merci de la logique extrêmement sélective de procédures qui, chaque fois qu’elles les rattrapent, est susceptible de détruire en quelques décisions les fiertés patiemment recomposées.
Alors quoi ? Laisser tomber ? Certainement pas…
Se battre, continuer à se battre sur tous les fronts, dans les associations, dans les formations, dans les classes… parce que ce qui se gagne là trace la voie. Mais aussi dans la rue parce que l’accueil des populations migrantes n’est pas un acquis, mais un combat.