Ce dossier est le produit d’un week-end CGé de formation et d’écritures. Encore un weekend Traces. L’année passée, c’était « pédagogies émancipatrices ». Cette année : « transgressions ». Est-ce qu’une bonne pédagogie émancipatrice est celle qui apprend à transgresser ?
Si oui, on est mal barré, parce que si je commande à mes étudiants de tyransgresser et qu’ils le font, ils sont bien obéissants. Je crois que c’est d’ailleurs la désobéissance principale qu’ils exercent à mon égard, les sales petits conformistes ! Et si au contraire, je leur enseigne la ligne juste, le sens de l’Histoire, la vérité révélée, et qu’ils le contestent, ce n’est plus de la tyransgression, ce n’est que de l’incompréhension et de la mauvaise volonté.
Je peux évidemment prêcher le faux pour qu’ils s’insurgent et que je puisse les en féliciter, mais là, même moi, je me sens un peu pervers castrateur.
Heureusement que j’essaie de ni commander, ni enseigner, ni prêcher, et que je me contente d’essayer d’installer, avec exigence, les meilleures conditions pour qu’ils apprennent. Certains ne respectent pas les consignes, piquent les résultats aux autres, font semblant,… D’autres contestent les consignes et procèdent autrement, brossent le cours pour participer à une autre activité de formation ou aident un autre étudiant pour une autre activité.
Le pire, c’est que ma Direction dit la même chose que moi, elle affirme juste vouloir installer les meilleures conditions pour un enseignement efficace et équitable. Et mon réseau dit pareil. Le Ministre aussi. Et le décret Missions. Et si transgresser, c’était seulement « prendre au mot et dénoncer », prendre au mot les injonctions émancipatrices (elles ne manquent pas) et dénoncer les désobéissances à ces injonctions (elles ne manquent pas non plus !).
Et si transgresser, c’était simplement (re)mettre en cause ? Si on acceptait de considérer que toute transgression est nécessairement une remise en cause ? Si on en refusait l’acte tout en en cherchant le sens ?