S’il y a un domaine dans lequel le mythe du don a la vie dure, c’est bien celui des maths. Tel le nez de Cyrano, le mythe de la bosse des maths pointe son évidence : il y a ceux qui l’ont et ceux qui bossent sans résultat. Dès lors, tris, sélections et orientations apparaissent comme des évidences : sur la péninsule des maths, ne s’aventureront que ceux que la nature a favorisés d’une éminence génétique, les autres iront nourrir les bancs des littéraires, artistes et autres intelligences manuelles au nom d’un appendice manquant, siège de l’esprit mathématique, de l’intuition mathématique, par Dieu ou génétiquement attribué.
Mais Cyrano, lui, bien que fier de son pic, a de l’humour et se met en garde lui-même : « Gardez-vous, votre tête entrainée par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! » dit-il et, finalement, pour tous ceux qui donnent aux érectiles monuments une importance qu’ils n’ont pas, il signe : « Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres, vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot ! »
Bon, moi ça me soulage de le dire comme ça, avec des « lettres » et des « inventions », mais ça ne suffit pas. Parce qu’à la tronçonneuse des maths, les massacres sont quotidiens. Combien d’estimes de soi anéanties, combien de portes fermées, d’exclusions sociales et de violences technocratiques par ces simples mots : je suis nul en maths, je n’y comprendrai jamais rien, ce n’est pas pour moi ?
Alors quoi, ce serait possible ? On pourrait être « tous capables » même en math ? Non seulement c’est possible, mais Traces vous en glisse la clé entre les mains…
Bon d’accord, faut inventer et ce n’est pas gagné d’avance. Mais pourquoi les maths seraient-elles la seule matière qui fasse exception ? Au lieu de répéter qu’il y a des doués et des pas doués, une fois de plus, il faut réfléchir sur ce qui fait obstacle et créer, imaginer, faire confiance et s’inspirer les uns des autres. Et il ne suffit pas de faire « autrement » pour que ça marche. Comme le dit Jane B., faut encore « torturer 36 milliards de serrures » si on veut que ça reste des maths, et si on y gagne parfois « un bon tour de reins », on y trouve aussi sa part de plaisir.
Comme pour le reste en somme, si on se donne la peine de comprendre pourquoi les serrures coincent, « c’est les clés du paradis, sans déc’, c’est les clés du paradis, j’te jure ».