Édito

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De très nombreuses générations d’enseignants ont vécu l’échec de leurs élèves comme un phénomène naturel inhérent à l’enseignement rendu obligatoire. C’est ce qu’André Antibi a appelé la constante macabre : pour que le système soit crédible, les notes d’une classe donnée doivent se répartir suivant 1/3 de mauvaises, 1/3 de moyennes et 1/3 de bonnes.

Aujourd’hui, la société est entrée, tout au moins par le discours mais avec une belle unité spectrale du paysage politique, en croisade contre l’échec scolaire couteux du point de vue budgétaire, destructeur de potentialités intellectuelles et contre-performant en termes d’apprentissage. Il s’agit de faire reculer, de lutter, de combattre, le langage est guerrier.

Pour atteindre l’ennemi, il faut le connaitre. On finance des armadas de sociologues et de philosophes qui analysent les mécanismes de la relégation, on subsidie des bataillons de psychologues qui décryptent les comportements des apprentis et des formateurs, on déploie des régiments de pédagogues qui expliquent ce qu’il ne faut plus faire et parfois par quelles méthodes vaincre le mal, on s’appuie sur des légions de didacticiens qui abattent les procédés obsolètes, les acteurs sclérosés et parfois prônent des stratégies gagnantes… Mais on ne voit presque rien bouger.

Nous les praticiens, ceux qui se retrouvent au front des classes, nous n’avons peut-être pas encore bien compris l’échec scolaire, nous ne voulons peut-être pas entendre ou nous sommes tout simplement bouchés ? Nous faisons des efforts, il n’y a pas de raison que nous soyons plus bêtes que d’autres corporations. Mais nous voulons surtout savoir ce qu’il faut faire. Comment réduire l’échec scolaire ? Comment rendre le système un peu moins inéquitable ? Quelles pratiques adopter en classe ? Quelles structures mettre en place au sein des écoles ?

Dans ce numéro de Traces, nous avons voulu dépasser le cap des constats et faire des propositions de pratiques terreau de réussites. Un apport de presque rien dans la bataille à mener… Parce qu’ils sont difficiles à recueillir ces récits.

Il est temps de vous y mettre. Praticiens acteurs enseignants ou formateurs, prenez vos plumes et écrivez. Écrivez et échangez. Échangez et faites circuler vos récits de pratiques. Faites circuler et pillez les pratiques des autres. Pillez et réécrivez. Réécrivez et échangez. Échangez…