Un numéro sur les difficultés professionnelles : chouette, ça va être drôle ! Où sont les toilettes que je puisse tchouler tranquille ?
Ça commence avec l’entrée dans le métier, où chacun peut mesurer l’écart entre ce qu’il a appris en formation initiale et ce qui se passe, en classe, quand on est seul. On se sent tout nu. Perdu. Avec un peu de chance, ce n’est pas un intérim trop long…
Si c’était si facile tout le monde le ferait[1]Musique du groupe Casseurs Flowters, « Facile ». et beaucoup moins changerait d’orientation professionnelle. Mais, c’est un métier utile où on peut être cet enseignant qui émancipe ses élèves, grâce au travail dans la classe et au cadre que l’on garantit, à force d’avoir su apprivoiser les difficultés et chercher à inventer d’autres dispositifs, d’autres manières de répondre aux conflits qui surgissent, d’avoir pu établir des priorités entre les savoirs. Être celui qu’un ancien élève interpellera dans la rue, le sourire large, heureux du hasard des retrouvailles. N’oublie pas tes rêves[2]Musique du groupe Casseurs Flowters, « Facile ». …
Mais Qui tu serais pour réussir où tous les autres ont échoué[3]Musique du groupe Casseurs Flowters, « Facile ». ?, dans un système de quasi-marché scolaire, où les enseignants sont placés dans des injonctions paradoxales : faire réussir tout le monde (décret mission) et sélectionner les meilleurs (pour donner de la valeur aux diplômes, faire vivre le système des filières de relégation). Comme l’a dit Jacques Cornet : « Chaque enseignant doit faire de chacun de ses élèves à la fois un petit Bill Gates, un petit José Bové et un petit Dalaï-lama ou Paris Hilton selon la conception qu’il a de l’épanouissement personnel[4]J. Cornet, « L’enfer scolaire est pavé des bonnes intentions des catholiques », Revue politique, 2010. . » Mission impossible. Une fois qu’on le sait, ça va déjà un peu mieux. On est pris dans une machine, mais collectivement, on peut essayer de la transformer, de revendiquer des changements.
Les difficultés ont différents aspects entremêlés : politiques, institutionnels, pédagogiques, didactiques, relationnels, organisationnels, socioculturels, économiques, conjoncturels…
Et d’ordre matériel, liées aux infrastructures parfois à la limite de l’insalubrité : un trou béant dans le plafond de la salle de gym, des locaux qui limitent les possibilités, une simple cloison pour faire d’une classe deux…
Et puis, ce n’est pas facile de se mettre dans la tête de l’élève qui ne sait pas, qui ne comprend pas. Mais comme l’élève, nous pouvons apprendre, avec les autres, de nos difficultés. Nos actions pédagogiques sont faites d’un dispositif, de consignes et de mille petits riens. Il n’y a pas de honte à travailler la complexité toute crue avec d’autres, car tout le monde éprouve des difficultés. Et ceux qui disent ne pas en avoir mentent ou sont aveugles, peut-être parce que les voir n’est pas supportable pour eux. La gestion de classe, ce n’est pas tabou. Il faut rompre le silence.
On n’aime pas trop donner des conseils, mais il y en a quand même un dont on a hérité et qui s’avère précieux : ne pas rester seul. Avec ses déclinaisons à prendre ou pas : chercher à faire du travail collaboratif avec des pairs aidants dans son école ou ailleurs, se syndiquer et connaitre ses devoirs contractuels pour pouvoir mesurer ses marges d’action, rejoindre un mouvement pédagogique, continuer à se former et à lire. Ce TRACeS, par exemple ! Vous nous direz si ça vous a fait du bien.