Édito

Dans l’école, il y a les littéraires, les scientifiques et les « intelligents concrets ». Les deux premiers sont entrés avec bonheur dans l’écrit, les troisièmes ont un esprit plus pratique qui les écartent d’un rapport à la langue écrite qui exige de l’abstraction, un usage de la langue qui n’est pas directement utilitaire et qui s’intéresse à la langue en soi. C’est bien pratique et ça permet de trier sans trop se poser de question.

Entrer dans l’écrit, ce n’est pas juste apprendre à lire et à écrire, ce n’est pas que maitriser une technique, c’est aussi subir l’épreuve d’un changement de rapport à la langue. Et réussir à passer cette épreuve, ce n’est pas une question de don.

Ceux pour qui l’imprégnation à la culture écrite a déjà commencé dans l’entourage familial rencontreront des difficultés et des ruptures moins nombreuses et plus aisées. Ils feront de bons petits élèves de l’enseignement général. Par contre, pour beaucoup d’élèves dont le cadre de référence est essentiellement constitué de la culture orale et qui n’ont pas expérimenté progressivement dans leur entourage l’initiation à la culture écrite, les exigences scolaires imposent des déplacements majeurs et décontextualisés qui ne sont pas sans leur poser d’énormes difficultés. Ils feront partie de ces élèves qui échouent, prennent du retard dans leur scolarité et seront rapidement orientés vers d’autres filières dans lesquelles on renoncera souvent aux exigences de l’entrée dans l’écrit. La maitrise de l’écrit est plongée dans les rapports sociaux et directement liée à des enjeux de pouvoir et de domination.

Les difficultés que ces jeunes rencontrent sont peu connues ou sont caricaturées, réduites à l’obstacle de la langue parlée à la maison ou au manque de « prédispositions » et placent très vite les enfants, les jeunes qui y sont confrontés dans un rapport conflictuel avec l’écrit qui fait obstacle à un apprentissage crucial pour réussir dans la culture scolaire.

Ce dossier tente de mettre en évidence le lien entre la méconnaissance des enjeux liés à l’entrée dans l’écrit pour ces élèves et la production des inégalités scolaires. Il propose aussi des réflexions et des propositions à partir de pratiques avec différents types de publics.

Il ne s’agit pas, comme trop souvent, de finir par renoncer aux exigences liées à l’entrée dans l’écrit, mais tout au contraire de prendre en compte les difficultés qui y sont liées afin de garantir, à tous, la possibilité de les surmonter.

Comité de rédaction