Education prioritaire

Cela fait 30 ans que la France a adopté le dispositif des « zones d’éducation prioritaires » (ZEP). Ce fut la première mesure prise par Alain Savary, le ministre de l’éducation du nouveau président François Mitterand. Il la jugeait emblématique dans son ambition de « donner plus à ceux qui ont moins ».

Les évaluations se multiplient à l’approche de cet anniversaire … et « le bilan est bien maigre », comme l’écrit le très sérieux journal La Croix qui a consacré un dossier au sujet. « A moitié plein » titre l’édito du quotidien qui refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain et qui conclut : « l’éducation prioritaire doit rester une priorité ». Le mérite des évaluations est de pointer les faiblesses des dispositifs mis en œuvre et donc d’indiquer les correctifs qui s’imposent.

Mais parlons d’abord des réussites. Il y en a et, elles aussi, doivent inspirer les décideurs et les mesures à prendre. « Les vraies réussites tiennent souvent à la qualité, à la motivation et au dévouement des personnels ». Cela concerne surtout des établissements qui ont privilégié la formation de ces personnels et qui ont pu s’appuyer sur des équipes stables. Alors que, le plus souvent, pour travailler « dans les tranchées », on trouve des débutants qui rêvent de les quitter au plus vite !

Autre acquis incontesté : la « pacification » d’établissements en zones dites sensibles. C’est un socle indispensable pour assurer les apprentissages. Mais c’est néanmoins sur ce plan-là, celui des savoirs garantis à tous, que les résultats sont les plus mitigés. Rien d’étonnant quand on sait que les moyens mis en œuvre, en France comme chez nous, n’ont jamais été à la hauteur des défis à relever. Pis : ces écoles en ZEP coûtent …moins cher que les autres ! « La masse salariale y est en général inférieure de 10 à 20% à celle des autres établissements ». Normal puisqu’il s’agit essentiellement de salaires de débutants.

A noter que, en France, les personnels qui travaillent dans ces zones reçoivent une modeste prime annuelle de l’ordre de 1.500 euros. Avec l’accord des syndicats …français. Mais il est bien clair que, outre les rémunérations, ce sont les conditions de travail qui doivent être améliorées : accompagnement et supervision des équipes, allègement administratif, renforcement par des éducateurs, médiateurs, logopèdes, … Pas seulement des profs en plus. « Si on se contente de cours magistraux, si on continue à donner des devoirs à des élèves qui, à la maison, ne bénéficient d’aucune aide, on ne va pas bien loin. Là où ça marche, on fait participer davantage les élèves en classes, on leur demande de travailler en groupe, … et surtout on les amène à réinvestir dans la vie quotidienne ce qui a été appris en cours ». Propos de Jacques Hazan, responsable de la principale association de parents français.

Question pour la route : plutôt que de vouloir à tout prix extraire de ces zones quelques « bons » élèves et les transférer vers des écoles d’autres quartiers, ne vaudrait-il pas mieux mettre le paquet dans l’éducation prioritaire ? Mais, chez nous, on a abandonné ce vocabulaire : on préfère « encadrement différencié » ! Voilà qui est fort et mobilisateur ! Qui plus est, nous n’y consacrons même pas 1% du budget enseignement de la communauté française. Des mots et des chiffres qui parlent d’eux-mêmes.