Les sociologues du Girsef (UCL) ont, à juste titre, dénoncé la « passion des résultats » qui inspire les derniers décrets en matière d’enseignement. S’appuyant sur des recherches internationales, ils n’hésitent pas à écrire : « les résultats constituent un mauvais indicateur, ou en tout cas très partiel, de la qualité de l’enseignement. » Voilà qui vaut pour tous les établissements.
Mais le récent décret « fourretout » prétend aussi régler le sort des écoles qui accueillent les publics les plus fragiles dans les quartiers les plus déshérités. Il fut un temps où on appelait un chat un chat, on parlait de zones d’éducation prioritaires. Des écoles qui étaient prioritaires. Des zones qui auraient dû avoir la priorité. Des vœux pieux certes… et on voit ce que ça donne !
Au fil des années, on a préféré parler de « discriminations positives » (D+) et d’encadrement différencié. Aujourd’hui, le décret atteint le sommet de la clarté et de la concision puisqu’il va imposer des « plans de rattrapage aux écoles dont les performances présentent un écart significatif en dessous de la moyenne des établissements comparés » ! Texto. Cela parait évidemment plus civilisé que « écoles-poubelles ».
Mais il s’agit bien de ces mêmes écoles, victimes du marché scolaire et du quasi-apartheid urbain. Il s’agit des mêmes élèves de familles pauvres ou venues d’ailleurs, touchées par le chômage et peu scolarisées. Il s’agit des mêmes enseignants qui le plus souvent se démènent, se dévouent, se dépensent « comme des fous » dans des conditions que ne peuvent imaginer celle et ceux qui décrètent : « Eh bien, les amis, vous aussi, vous allez savoir ce que c’est un “dispositif de rattrapage” ! » Je vous passe les détails du dispositif en question. En tout cas, un gros travail supplémentaire pour des directions et des équipes au bord de l’épuisement.
Tout cela pour essayer que ces « écoles en difficulté » atteignent le niveau moyen (ah les moyennes !) des écoles de même catégorie. Comme si ce niveau moyen était suffisant ! Tout cela parce qu’on refuse d’organiser un véritable Plan Marshall pour ces écoles. De les considérer comme tout à fait prioritaires dans la lutte qu’on prétend mener contre les inégalités. Donc, en transformant en profondeur les conditions de travail, la formation du personnel, la stabilité des équipes, les rapports avec les familles, la rigidité des programmes, des horaires… Non, on choisit de faire porter la responsabilité des défaillances graves de notre système éducatif sur les personnels de première ligne.
Qu’on le sache aussi : ce pilotage par les résultats et ces plans de rattrapage, ce sont les premiers enfants du Pacte d’excellence. En effet, on lit avec stupéfaction que « cet objectif correspond à la volonté unanime des acteurs de l’enseignement telle qu’exprimée par le groupe central du Pacte . Des « acteurs » autoproclamés dont la plupart n’ont jamais mis les pieds dans une classe des écoles « fourretout » !