Exploiter des comptines

Dans ma classe de troisième maternelle, je propose d’exploiter différentes comptines pour faire découvrir le monde des syllabes et de la lecture. Voici un exemple.

Nous découvrons une première fois une comptine de quatre phrases que j’ai écrites sur quatre grandes bandes de papier.

Bonjour monsieur loup
Ce matin, que faites-vous?
J’enfile mon caleçon
Et je mets mon pantalon

De l’oral à l’écrit

Je récite une première fois la comptine et les enfants placent une image à côté de chaque phrase afin de s’en souvenir.

« Voir que, quand on écrit, on sépare les mots, mais pas les syllabes. »

Pour commencer l’exploitation, je récite une phrase à la fois et les élèves la répètent. Quand je récite, je marque le tempo et j’insiste sur le découpage des mots en syllabes : BON/JOUR/MON/SIEUR/LOUP. Avec mon doigt, je montre où je me situe dans la phrase et dans le mot pour marquer le découpage de la phrase en mots, mais également des mots en syllabes. L’objectif, annoncé explicitement aux enfants, est d’apprendre que les mots sont constitués de morceaux plus petits, les syllabes. Durant l’exploitation de la comptine, les objectifs sont régulièrement rappelés. Chanter, c’est plaisant, mais nous le faisons pour prendre conscience du fonctionnement de la langue.

Ensuite, je récite à nouveau une phrase à la fois en tapant les syllabes avec les mains et les enfants m’imitent. Pour varier, nous frappons les syllabes avec les pieds, avec les mains sur les jambes ou avec des instruments à sons courts. Pour complexifier la tâche, en cachant une phrase sur deux, j’invite les enfants à réciter les phrases visibles et à frapper les syllabes de celles qui sont cachées. L’objectif est cette fois-ci de segmenter un mot en syllabes tout en les frappant.

Sur les bandes de papier où sont écrites les phrases, nous marquons la séparation entre les mots avec des petits bâtons et nous plaçons, en dessous de chaque mot, des petits ponts qui représentent les syllabes. Les bandes permettent aux enfants de comprendre que la comptine est découpée en phrases, les bâtons permettent de comprendre qu’une phrase est découpée en plusieurs mots et les ponts permettent de comprendre que les mots sont constitués d’une ou plusieurs unités, les syllabes. L’objectif est d’utiliser des symboles visuels afin de représenter les mots et les syllabes et de voir que, quand on écrit, on sépare les mots, mais pas les syllabes.

En parallèle à ce travail sur cette comptine, d’autres activités de phonologie, présentées dans d’autres contextes et avec un autre matériel, mais avec les mêmes objectifs sont également réalisées afin de transférer et réinvestir les différents apprentissages.

La phonologie est l’étude des phonèmes et de leur(s) graphème(s) tandis que la conscience phonologique est définie comme la capacité à percevoir, à découper et à manipuler les unités sonores du langage telles que la syllabe, la rime, le phonème.

La conscience phonologique joue un rôle majeur dans l’apprentissage de la lecture (décodage) et de l’écriture. Le lien entre conscience phonologique et lecture s’explique par le fait qu’en français, l’orthographe est alphabétique et les caractères écrits représentent une unité sonore. Pour maitriser le décodage, l’élève doit connaitre le son des lettres et savoir découper la chaine sonore en phonèmes. Les objectifs des activités de phonologie sont donc de faciliter l’apprentissage de la lecture puisque lire c’est, entre autres, établir des liens entre l’écrit et l’oral, entre les mots et leur face sonore et entre les graphèmes et les phonèmes. Si l’élève n’établit pas correctement ces relations, il risque d’être pénalisé tout au long de sa scolarité en lecture et en écriture.

De la phrase au mot

Nous sortons de la comptine en choisissant un seul mot de celle-ci sur lequel travailler. Je propose aux élèves de choisir un mot parmi ceux qui contiennent deux syllabes, afin de voir s’ils sont capables de découper le mot en deux unités distinctes. Par exemple, si nous choisissons le mot matin, je leur demande d’isoler les deux syllabes en citant la première (ma) et la deuxième (tin). Nous choisissons une des deux syllabes qui deviendra alors notre syllabe modèle pour plusieurs défis. Pour le premier défi, j’écris la syllabe modèle au tableau, les enfants lamettent dans leur tête en l’écoutant et en la photographiant. Je cite plusieurs mots, s’ils entendent la syllabe modèle dans un mot, ils lèvent la main. Ensuite, ils doivent me dire si elle se trouve au début, au milieu ou à la fin du mot. Je choisis des mots à deux ou trois syllabes. Ici, l’objectif est d’encoder un modèle auditif et de le mémoriser afin de localiser une syllabe.

Pour le deuxième défi, l’objectif est à nouveau d’isoler une syllabe et de la mémoriser afin de sélectionner des mots. Pour ça, je demande aux enfants de trouver des mots dans lesquels ils entendent la syllabe modèle. Cela me permet de savoir s’ils sont concentrés sur l’objectif visé ou s’ils sont concentrés sur la sémantique du mot matin. Par exemple, si un enfant me ditsoir, je sais qu’il n’a pas compris l’objectif et il est alors très important de lui rappeler celui-ci. En effet, pour pouvoir manipuler les sons, les identifier, les dissocier et montrer de l’intérêt aux syllabes et aux phonèmes, il faut que les élèves fassent abstraction du sens des mots.

Du mot à la syllabe

Troisième défi, je montre des images aux enfants, celles-ci sont triées en deux groupes, celles où on entend la syllabe modèle quand on dit le mot et celles où on ne l’entend pas. Je leur annonce qu’il y a des erreurs dans le tri et qu’ils doivent les retrouver.

Ces activités représentent un petit échantillon de ce qu’il est possible de faire pour développer les compétences phonologiques et doivent être adaptées au niveau de chaque groupe.

Pour terminer, dans le courant de l’année, plusieurs comptines sont présentées et exploitées avec les enfants. Après analyse de celles-ci avec eux et avec une certaine maitrise des compétences phonologiques nécessaires, il peut être intéressant d’inventer une comptine en respectant le nombre de syllabes ainsi que les rimes (AABB, ABBA, ABAB). Par exemple, la comptine du loup proposée ci-dessus est écrite sous le modèle AABB puisque les deux premières phrases terminent par le sonou et les deux dernières par le sonon.

Et puis, pourquoi ne pas la présenter aux différentes classes? Et pour aller encore plus loin, pourquoi ne pas proposer aux enfants de sa classe de préparer et faire vivre les activités autour de la comptine aux élèves des autres classes? En donnant eux-mêmes les consignes, en annonçant les objectifs et en régulant les réponses des élèves participants? Tout ça en étant aidés par leur enseignant et en ayant eux-mêmes participé à la création de la comptine et à la préparation des activités.