Quand des élèves de septième professionnelle tirent le bilan de leur scolarité, cela révèle : constantes et surprises, hommages et coups de gueule. Des extraits de leur rédaction en forme de coups d’œil dans le rétroviseur. Un patchwork de témoignages disant les transformations, les difficultés et les fiertés.
Évidemment, faire écrire ses élèves de septième n’est pas sans risques. On pourrait, par exemple, se poser la question de la sincérité des propos dans ce contexte scolaire. Balayons cela d’un revers de la main car les élèves n’hésitaient pas à balancer les noms et les anecdotes, avec une franchise étonnante. Mais gardons à l’esprit que ces témoignages proviennent des derniers résistants d’un système scolaire réputé pour son tri social. Ceux et celles qui, malgré les échecs, n’ont pas abandonné et sont arrivés au bout du qualifiant, en surmontant, voire en contournant pas mal d’embuches rencontrées à l’école. Et, cela dès le plus jeune âge.
« J’étais timide, réservé et effacé en classe. Mais, au fil du temps, grâce à l’école, j’ai appris à oser, à mettre la main à la pâte. L’école m’a transformé en une personne que je n’aurais jamais pensé être un jour : un jeune adulte débrouillard. (…) Cette institutrice m’a littéralement transformé. Elle m’a transmis sa détermination et m’a encouragé à poursuivre le combat. (…) »
« En primaire, ma prof voulait me mettre dans le spécialisé parce que je n’arrivais pas à suivre les cours comme les autres, j’avais plus de difficultés. (…) »
« En première primaire, j’ai eu un professeur extra qui savait comment nous parler, nous rendre heureux en classe : on rigolait beaucoup. Il lui arrivait même d’enfermer un élève dans l’armoire ! Mais, à la fin de l’année, les enseignants et mes parents ont décidé de me faire doubler à cause de mes difficultés pour lire et écrire. (…) En sixième primaire, nous étions tous très stressés par le ceb. Je pense que j’avais beaucoup de difficultés dans beaucoup de domaines. Je me souviens que je devais présenter un chanteur devant les autres. J’ai pleuré tellement le fait d’être devant les autres me dérangeait. »
« J’ai doublé ma cinquième primaire. J’ai demandé à mes parents de changer d’école. Je m’y suis très vite fait des copains, mais les profs n’appréciaient pas trop notre petite bande, bêtises à la chaine et punitions presque trois fois par semaine. Presque tous nos temps de midi se déroulaient dans le bureau de la directrice. Elle a dû apprécier sa retraite, pauvre femme. »
« Alors, l’école a fait appel à un bénévole qui venait me chercher en classe, et pendant une heure et demie, je travaillais plus, je faisais tout ce que je voulais. Au début, c’était amusant, mais, par la suite, les autres élèves me faisaient des réflexions, parce, d’après eux, j’avais des privilèges. (…) Vu mes difficultés, mes parents ont pris la décision de ne pas me faire passer le ceb. Cet évènement m’a fort affectée, car, à la remise des diplômes, j’étais la seule à ne pas recevoir de document. Malgré cela, tous les professeurs m’ont félicitée et encouragée pour les années à venir. (…) »
« Fin de primaire, j’ai commencé à moins aimer l’école, je préférais aller travailler avec mon papa plutôt que de travailler pour l’école. Tout le monde disait que j’allais être manuel. (…) J’ai réussi facilement le ceb. (…) »
« Pour tout vous dire, je pense que c’est la quatrième année primaire qui a été décisive en ce qui concerne mon parcours scolaire et qui je suis aujourd’hui. (…) Beaucoup de problèmes me sont tombés dessus sur un délai de quatre mois, les conséquences et ses effets secondaires ont fortement fait baisser mon moral. L’école n’était plus une priorité, je devais gérer d’autres choses qui prenaient toute mon attention et mon temps. (…) J’ai bien cru à ce moment-là que mon année était fichue, mais grâce à un professeur — j’aimerais le remercier — qui m’a boosté jusqu’au bout, qui m’a permis de ne pas abandonner, de me battre, j’ai pu réussir mon année. (…)
« Pour m’aider, j’ai eu une logopède jusqu’à la sixième primaire. Le redoublement m’a déçu, mais avec de la volonté, on peut toujours arriver à réussir ses études. (…) J’ai surtout appris à ne rien lâcher, à continuer. Je savais que je pouvais y arriver, grâce à mon courage. (…) Aujourd’hui, je suis au bout de mes études et j’en suis fier. Malgré tout, je garderai toujours de bons souvenirs de l’école. »
« Arrivée en secondaire, j’étais perdue. C’était plus grand, il y avait plus de monde et beaucoup de personnes mieux habillées que moi. (…) J’ai fait plein de rencontres super. (…) J’ai beaucoup de chance d’être tombée sur des profs qui croyaient en moi (…) Je suis devenue beaucoup plus forte et plus courageuse qu’avant. »
« En secondaire, j’avais beaucoup de difficultés en math et en français, ce qui ne m’aidait pas beaucoup à m’intégrer dans ma nouvelle école. Je n’étais pas un enfant modèle, je perturbais les cours. (…) Je n’ai pas réussi ma première année secondaire. (…). Ensuite, la directrice m’a proposé d’aller en 1 St comme j’étais manuel et pas intellectuel. (…) C’est ce métier que je veux faire, cette année aura été l’année où j’aurai appris le plus de choses en pratique et où j’aurai été le plus épanoui. »
« Plus j’avançais, plus je creusais des lacunes qui resteront presque irréversibles. Les profs privilégiaient les plus forts et avançaient sans se préoccuper de ceux en difficulté. (…) Ma première secondaire, je l’ai très mal vécue, car je suis tombée sur une titulaire qui, au lieu de faire progresser les élèves, préférait les enfoncer. Tous les mercredis, je les passais en retenue à cause d’elle et de notes pour des motifs tels que Elle n’a pas écrit dans son journal au stylo bleu. Cela m’ajoutait une difficulté supplémentaire. (…) Ma scolarité ne s’est pas toujours bien passée. Mais socialement, j’ai appris à m’ouvrir aux autres, à prendre confiance en moi. Au niveau des cours, malgré quelques changements d’orientation et d’école, j’ai fini par trouver ma voie. Je ne regrette rien de ce que j’ai vécu, car cela a fait de moi ce que je suis aujourd’hui… »
« Après plusieurs changements d’options à cause de mon incompétence à étudier, j’ai finalement trouvé ma voie en professionnelle. »
« En secondaire, je me suis vite rendu compte que l’école n’était pas faite pour moi. J’ai été viré pour quelques bagarres et de nombreuses notes. (…) Le prof nous prenait pour des m. si on ne savait pas faire les exercices, il nous laissait sans aides. Je ne l’ai pas accepté. (…) Une autre école m’accepta, je n’avais plus le choix, on ne voulait plus de moi nulle part. Il restait deux places en tournage et donc mon frère et moi avons pris cette option-là. J’étais heureux dans cette école, j’y ai découvert la soudure. J’ai de suite su que je voulais en faire mon métier plus tard. Aujourd’hui, je suis en septième et j’aime ce que je fais. Je veux continuer dans la soudure et ouvrir mon entreprise. »
« À partir de ma troisième professionnelle, ça n’a été qu’une partie de plaisir. Les profs étaient respectueux et ne nous parlaient pas comme à des chiens et je pense que rien que ça m’a permis de devenir quelqu’un, d’apprendre beaucoup de choses et surtout un métier. En conclusion, mon parcours scolaire a été semé d’embuches, mais je n’ai jamais baissé les bras et suis fier d’où j’en suis aujourd’hui. À partir de maintenant, le monde s’ouvre à moi. »
« Après l’obtention de mon cess, j’aimerais aller en Haute École en infirmière. Je suis contente de ce que l’école m’a apporté, car malgré mes changements d’option à la suite de mes difficultés, j’ai pu apprendre énormément. Si j’étais restée chez moi, je n’aurais surement rien fait de bon de ma vie. »
« Me voilà donc sur les traces de mon frère et de ma sœur, dans une école où me sont proférés et imposés des cours tels que l’anglais, l’allemand, la physique, la biologie, les maths fortes… Le fait d’être dans une grande école me perturbait, je devais me faire de nouveaux amis parmi lesquels les plus forts pétaient toujoursplus haut que leur nez, grâce à leurs parents bien fortunés. Ce qui n’était pas mon cas. (…) Je commence à en avoir marre de rater des années parce que je n’ai pas d’objectifs. Je décide d’aller au siep pour chercher un futur métier, pour m’informer sur des métiers qui me sont encore inconnus. Finalement, c’est la menuiserie qui m’intéresse le plus ! Changement de monde, je passe en professionnel menuiserie. »
« Enfin mon parcours à l’école s’achève et j’en suis bien heureux, car je trouve que l’on ne nous apprend rien de concret dans les cours généraux, rien qui va me servir dans mon métier de menuisier. Nous sommes en professionnel, car on a trouvé notre voie. Il faut arrêter de nous ennuyer avec des bêtises et des cours inutiles. On devrait se concentrer sur ce que l’on veut vraiment et se consacrer à notre option. »
« Si je pouvais changer quelque chose à l’école, j’essaierais de trouver un moyen pour valoriser l’enseignement professionnel aux yeux des autres élèves qui considèrent ce système comme destiné aux élèves idiots ou moins doués. J’élèverais le niveau des cours généraux pour permettre aux élèves qui le désirent de poursuivre des études supérieures… »
« Au vu des lacunes que je rencontrais en math, j’ai préféré me sécuriser en allant en troisième professionnelle. Depuis lors, je n’ai plus rencontré de difficultés. Le directeur m’avait proposé d’aller en qualification au vu de mes merveilleux résultats, mais je suis restée en professionnel. »
« J’ai effectué tout mon parcours scolaire dans le professionnel, avec beaucoup de filles, pas toujours sympathiques, mais cela m’a aidée à forger mon caractère. (…) Je ne regrette pas du tout le choix de mes parents de m’avoir mise directement dans le professionnel. »
« Dernière année, septième aide-soignante. Cette année conclut mon parcours scolaire. J’ai eu la chance de faire un voyage humanitaire au Sénégal qui m’a fait comprendre la chance que j’avais. (…) Je réalise, à mon retour, la chance que j’ai d’être ici, d’avoir été scolarisée, d’avoir eu un encadrement qui a complété mon éducation, m’a appris à vivre en société et, sans le savoir, m’a fait grandir. »