Le haricot ne pousse pas tout seul, il faut le planter. Il faut le mettre dans de bonnes conditions de croissance, répondre à ses besoins et en prendre soin.
Quand les enfants arrivent à l’école maternelle et la découvrent, ils sont souvent très petits. Certains sont préparés et stimulés aux milieux scolaires et à la vie en collectivité, mais ce n’est pas le constat le plus fréquent. Une rentrée en première maternelle est parfois un vrai déchirement à vivre pour toute la famille. Source de peur, d’angoisse, d’inconnu et d’incompréhension. Beaucoup de larmes partagées et de stress pour un petit de deux ans et demi. Sans parler du système immunitaire mis à rude épreuve et de la fatigue accumulée.
N’est-ce pas le travail des enseignants ? Oui, mais d’abord il faut des élèves, c’est-à-dire des enfants qui se mettent en projet d’apprentissage. Devenir un élève, devenir un apprenant en milieu scolaire n’est pas une évidence, mais c’est fondamental.
Certains petits ont compris les codes de l’école et sont sécurisés plus rapidement, ce qui leur permet de rentrer facilement dans les stratégies d’apprentissages.
D’autres auront besoin de temps et de bienveillance pour accéder aux savoirs scolaires. Du temps pour que le monde connu jusque-là s’accorde avec ce nouveau monde chargé de bruit, d’enfants et de nouvelles contraintes.
Pour apprivoiser l’école, l’enfant doit découvrir et prendre du plaisir. Il doit découvrir qu’il peut et sait faire seul. L’adulte, en lui laissant la liberté de faire seul, autorise l’enfant à apprendre. Un enfant même tout petit qui apprend à accrocher son manteau, prendre son cartable, mettre ses chaussures, s’habiller, manger seul va pouvoir se libérer de sa dépendance à l’adulte. L’enfant comprend qu’il est acteur, qu’il est capable de faire des choses comme les grands. Accumuler les fiertés pour s’émanciper : c’est l’apprentissage de l’autonomie. C’est ce qui conduira l’élève vers l’exploration, la curiosité, l’envie de grandir et d’apprendre.
Dans ma classe, j’ai toujours travaillé avec un portfolio. Cet outil de travail m’aide à mettre en valeur toutes les réussites de mes élèves. Chaque moment de la journée est propice à révéler les émancipations. Une photo, un dessin, une phrase, un objet, un caillou. Tous collectionnés dans le portfolio retrace le parcours vers l’autonomie.
Il ne s’agit pas ici de lister les savoirs scolaires, mais bien de mettre en valeur le cheminement, la progression, la conscientisation d’un enfant qui apprend.
Les traces sont diverses et servent de support à la communication : une tétine pour se souvenir qu’on n’est plus un bébé. Une photo du jour où j’ai enlevé ma couche pour dormir la nuit. Un dessin de ma journée au zoo. Une photo du jour où j’ai perdu ma première dent. Le premier dessin de ma maman. Une feuille ramassée au parc. Une médaille reçue du professeur de gymnastique. Mon livre préféré. Des coquillages. Une carte postale. Une photo de quand j’étais bébé. Un bricolage. Une photo de papa et maman. Un petit mot doux. Un défi réussi… tout ce qui mettra l’enfant en valeur.
Des trésors qui réchauffent le cœur et qui mettent le cœur à l’ouvrage. Toutes les petites réussites qui conduiront vers les grands apprentissages fondamentaux en ayant pour prérequis l’estime de soi.
Dès lors, le rôle de l’adulte serait d’accompagner, de montrer les différents voies et outils, de suggérer des pistes et stimuler les dépassements de soi. Finalement, c’est facile ce boulot. ó