Je trouve que…
je propose que…
nous décidons que…
C’est bien connu : ce qui empoisonne la vie des groupes qui doivent réaliser une tâche en commun, c’est l’implicite diversement interprété par chacun, les « on n’avait jamais dit ça ! » ou les « mais je l’avais dit que… » ou encore les « moi, je ne l’avais pas compris comme ça »…
Chacun au cours des activités du groupe a des sentiments, des impressions sur ce qui se passe, sur comment on travaille, sur comment il faudrait travailler, sur l’implication d’un tel ou d’un tel, sur la vie du groupe. Bien sûr, pour commencer, si on veut changer quelque chose, il est nécessaire de l’exprimer, mais ce n’est pas si facile. Il faut encore savoir comment le dire, où, à qui et quand le dire. Et le dire ne suffit pas toujours.
Si, au cours d’une évaluation d’une séance de travail écoulée, je dis que je suis fatigué(e) et que je trouve qu’on travaille trop tard et si j’en vois d’autres qui acquiescent, je peux croire que le groupe a décidé de travailler moins tard par la suite. J’ai exprimé un sentiment, il a été accepté et j’en déduis que la réalité va s’adapter à mon désir. Il y a peu de chances pour que cela soit vrai.
Si je veux que le groupe tienne compte de mon sentiment, je dois porter ma demande jusqu’au bout. Cela veut dire que je dois exprimer mon sentiment à un moment et dans un lieu prévus pour que le groupe puisse décider de changer son horaire. (Cela veut dire par exemple que je dois mettre l’horaire de travail à l’ordre du jour d’un Conseil.) Et à ce lieu – moment prévu, je dois exprimer mon sentiment en proposition. Moi, je suis fatigué(e), je trouve qu’on travaille trop tard, je propose qu’on arrête dorénavant le travail à telle heure. Qui s’oppose à ma proposition? Le sentiment peut alors aller, si le groupe ne s’y oppose pas, jusqu’à la décision explicitée et actée.
Autre exemple. Au cours d’une discussion devant aboutir à une décision pour le groupe, j’ai exprimé un sentiment qui est apparu comme minoritaire. Il a été bien compris, mais la majorité du groupe a exprimé des opinions contraires. J’en déduis donc que le groupe a décidé de ne pas tenir compte de mon avis et j’écrase, je me tais, ou pire, je quitte le groupe. Or, si je n’ai évidemment pas le droit de paralyser le groupe, j’ai malgré tout le droit d’exiger que le groupe tienne compte de mon avis même minoritaire. Et je n’ai pas le droit d’estimer que le groupe a déjà décidé de me rejeter tant qu’il n’y a pas eu de décision explicite sur une proposition explicite. Je n’ai pas le droit de faire un procès d’intention d’injustice au groupe dont je fais partie. J’ai le droit et le devoir d’exprimer mon avis jusqu’à la décision explicite.
Les membres d’un groupe à projet doivent donc être attentifs et rigoureux sur les moments et les lieux où ils expriment leurs sentiments : je trouve que…, leur propositions : je propose que… et/ou leurs décision s: nous avons décidé que… Et ils ne peuvent tenir pour acquis que ce qui a été décidé explicitement et encore mieux, acté par écrit. Entre le sentiment personnel et la décision collective, il y a tout un travail.
D’après “Dynamique des Groupes”
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