C’est l’affiche sur laquelle on s’inscrit pour le conseil : « Je demande, je propose, je remercie… ». Deux élèves sont responsables de la préparer, et de l’afficher sur la porte de la classe.
Chaque mardi, le président ouvre le conseil avec l’affiche posée devant lui, sur la table. Cette affiche est la solution trouvée au problème récurrent, en début d’année, à la surcharge répétée de l’ordre du jour du conseil. En effet, les premières semaines, l’ordre du jour était élaboré en début du conseil. Ce qui, d’une part, prenait du temps de conseil, et d’autre part, ouvrait le conseil sur des interventions surenchérissant les unes sur les autres, sans aucune distance salutaire.
Au moment de la distribution des métiers pour ce mois, il y avait de nombreux candidats. Ce sont Jordan (élève de sixième année) et Nicolas (élève de troisième) qui seront choisis pour le métier d’afficheurs.
Ce mardi matin : pas d’affiche… et le conseil est prévu à 14h dans l’emploi du temps. Au tour de parole en début de journée, je rappelle l’importance de cette affiche pour pouvoir s’inscrire au conseil : pas d’affiche, pas d’inscription !
Treize heures : les deux enfants qui avaient convenu de monter en classe pour s’en occuper ne sont pas là ! Ce jour-là, le conseil sera ouvert pour constater qu’il n’y a pas d’inscrits. Au président qui me demande que faire, je propose de faire noter au rapport ce qui se passe, puis de fermer le conseil sur ce constat.
Je m’interroge. Qu’y a-t-il derrière cet « oubli » ?
Des enfants volontaires et enthousiastes pour un métier… qu’ils n’exercent pas. Ou qu’ils exercent d’une façon qui me pose question, qui dit quelque chose, mais quoi ? Le conseil aux oubliettes ? On veut vérifier ce que M. Lambert va dire et faire ?
Je ne sens aucune provocation, aucun défi. Ils se disent – et je les crois – sincèrement désolés d’avoir oublié à cause du foot.
D’habitude, l’ordre du jour est bien garni et souvent, on n’arrive pas au bout dans les 25 minutes prévues. Il y a des choses à dire, à organiser et le temps du conseil me semble investi de questions qui comptent pour les enfants.
La semaine suivante, rebelote ! Scénario identique… L’affiche sera cependant en place à midi… et ce sera la ruée pour les inscriptions à l’ordre du jour. Pourtant, à part moi, personne n’avait rien demandé aux deux responsables. Comme s’il était clair et convenu que le rappel viendrait bien, et qu’il viendrait de moi. _ Et il y a en effet quelque chose qui me titille (et même plus, qui me touche !) dans cette absence, dans ce métier qui semble démissionné quelque part à mes yeux alors que les deux enfants concernés – mais cela nous concerne tous, non ? – ne souhaitent pas d’aide et encore moins remettre leur métier à d’autres.
Comme si, finalement, j’étais le seul tracassé…
Et en y regardant de près, oui, cela me travaille, cette question des engagements qu’on ne tient pas. C’est même peut-être l’écho le plus clair de cette porte blanche, sans affiche. De qui est-ce le rôle de porter cette affiche, de veiller à ce que les rôles et métiers soient rappelés ?
Si cela me touche tant, il est peut-être inconsciemment écrit pour nous (la classe) que « Monsieur en est préoccupé… et Monsieur s’en préoccupe » que, par voie de conséquence, cette place n’est plus à prendre, et dès lors n’offre aucun intérêt, ne fait l’objet d’aucun désir…
Il y aurait alors une sorte de paradoxe : tant que je n’ai pas éclairci mon désir d’instit (et d’Homme) autour de ce que je vois comme un manque – en est-ce un ? -, ce que je souhaite et attends n’est plus « libre » pour les élèves, qui ne peuvent s’en emparer.
Ce qui est trop l’affaire du maître n’est plus disponible…