L’occasion fait le larron ?

Fin mai 2001

Gare centrale, sacs à dos, valises, 13 élèves et 2 profs.

En passant devant le fleuriste, Antoine vole une petite boite contenant un bulbe de plante. Gros éclats de rire, il ne se cache pas de moi. Je récupère l’objet du délit et le pose le plus discrètement possible sur son étagère. Ça commence fort ! Un an pour préparer le voyage, quatre jours à passer ensemble… C’est vrai qu’il volait déjà des rames de papier de 500 feuilles à l’école…

Sur place, un village de vacances dont le gérant est le père d’une de mes collègues. Antoine : « Ici, madame, on vole comme on veut. Regardez, ils laissent le bar sans surveillance, les cartes postales sont là à la portée de tout le monde, les gens laissent trainer leurs bagages ! »

Je réponds : « Peut-être nous font-ils confiance ? » Mais les yeux me poussent dans le dos, la nuque, j’évite les endroits collectifs et pas de temps morts où les jeunes seraient trop livrés à eux-mêmes.

On visite une ardoisière. Le lendemain, un sourire aux lèvres, Antoine me montre une lampe de poche de mineur qu’il « croyait » appartenir à Marc. « Elle est belle, hein ? »

Matin : location de vélos, tous sont contents, je suis très fière de Cécile et Fatima qui ont appris à rouler pour cette sortie. Il fait beau…

Soirée : retour à pied pour deux élèves dont Antoine qui a voilé la roue de son vélo, abimé le dérailleur, piqué au passage une bouteille d’eau pétillante sur un pas de porte.

Début octobre 2000

Dès le troisième Conseil, Antoine s’adressait au groupe : « Vous parlez de voyages, vous voulez ci, vous voulez ça, moi je vous le dis : sans argent, vous n’irez nulle part ! Alors moi je le redis, il faut du pognon ! »

La caisse de classe a vu le jour, Antoine a été nommé trésorier pour l’année. Prenant sa responsabilité très au sérieux, il a apporté un coffre-fort et deux clés. Les comptes étaient tenus chaque semaine. Il a été l’instigateur d’une vente de chickenburgers et de pizzas, tous les jeudis midi. Il achetait les pizzas, apportait son four à micro-ondes.

C’est lui qui voulait faire du kayak et donc le groupe l’a suivi dans son envie d’aller dans les Ardennes. Ce voyage, cette vente, cette épargne ont beaucoup été son affaire. De toutes ses primaires, il n’avait pu partir en voyage scolaire à cause de son comportement… (Il était dans le spécial avec l’étiquette « caractériel »)

Plus la date du voyage se rapprochait, plus il multipliait ses bêtises. Quand la menace a clairement été posée par l’Institution : « Tu risques de ne pas pouvoir partir », indémontable, il répondait : « C’est pas grave, qu’est-ce que ça peut me foutre. J’aurai au moins le plaisir de savoir que si les autres partent, c’est en grande partie grâce à moi. »

Son plus grand plaisir était de compter l’argent qui s’accumulait. Il mettait les billets en éventail et, le sourire aux lèvres, les yeux pétillants : « On dit que l’argent n’a pas d’odeur, moi j’vous dis qu’il sent rudement bon ! »

Insolent avec certains professeurs, frondeur avec d’autres, bon camarade dans sa classe, il a investi le Conseil, les projets et surtout les finances avec une rigueur et un sérieux remarquables.

Juin 2001

À la fin de l’année, il apprenait qu’il ne serait pas réaccepté en septembre : « Madame, je vous offre le coffre-fort et les deux clés, je suis sûr que ça pourra servir à vos élèves de l’année prochaine. »