La formation des enseignants primaires et des régents en Belgique : quelques singularités par rapport aux autres pays européens.
Avec le projet de réforme de la formation des enseignants primaire et du secondaire inférieur en Communauté française de Belgique et la mise en place du processus de Bologne, la comparaison avec la situation dans les autres pays européens est souvent appelée à la barre pour nourrir l’actualité.
De la norme à l’exception
Avant de pointer les grands modèles de formation actuels en Europe, il n’est pas inutile de retracer les grandes évolutions historiques des changements de la préparation à ce métier sur un siècle. En effet, en 1900, on observe une grande similarité dans la formation des enseignants du primaire entre les pays européens : les « instits » étaient formés quasi partout au niveau secondaire supérieur après ce qu’on appelait l’école moyenne.
En 1970, date retenue ici du fait du passage des écoles normales au niveau supérieur non universitaire en Belgique, la situation a beaucoup changé ailleurs en Europe aussi et le profil de la Belgique se fond encore parmi les autres pays. Presque partout, la formation initiale a basculé vers le niveau supérieur. Quelques pays conservent un profil mixte offrant les deux voies possibles comme la France où il faudra attendre 1980 pour que s’éteigne définitivement l’école normale de niveau secondaire.
En 2007, la situation de la Belgique fait progressivement figure d’exception. En effet, depuis 1984, à part le changement d’appellation de « institut supérieur pédagogique » en « hautes écoles », c’est un fait que le niveau et la durée de la formation sont restés particulièrement stables dans notre pays en comparaison des autres pays européens.
Il faut aller en Roumanie et en Autriche pour trouver une situation similaire (la Roumanie a réinstauré la formation secondaire supérieur en raison des pénuries d’enseignants, mais tente aujourd’hui d’organiser un bachelor universitaire, de même l’Autriche est en réforme et à partir de 2011, le niveau bachelor universitaire devrait être mis en place). Quasi partout ailleurs, la formation universitaire s’impose. La Pologne a maintenu les deux voies non universitaires et universitaires possibles, mais il faut savoir que 97 % des enseignants primaires y sont qualifiés avec un master universitaire.
Quand on observe l’évolution de la formation des enseignants du secondaire inférieur, la situation de la Belgique est encore plus atypique. Déjà en 1900, bon nombre de pays organisaient leur formation au niveau supérieur (universitaire ou non). En 1970, la formation universitaire est de plus en plus répandue et, actuellement, seule la Belgique n’a pas encore passé le cap. L’Autriche est dans la même situation pour ses enseignants des Haupschulen qui accueillent certes un bon tiers des élèves, mais le certificat obtenu par ces derniers ne leur donne pas accès au secondaire général supérieur. On peut donc considérer que cette différence dans le niveau de formation des enseignants est à mettre en parallèle avec les différences de niveau académique entre les deux types d’enseignement séparé du secondaire.
Modèle simultané, modèle le consécutif
Ces changements de niveau opérés depuis un siècle ont peu modifié les « modèles du parcours » de formation. On distingue classiquement deux grands modèles : l’un est dit simultané et l’autre consécutif. Le premier est très répandu en Europe pour les enseignants primaires. Le choix de devenir enseignant se fait dès le début des études supérieures et ce, même si la formation est universitaire et organisée selon la structure « Bachelor, Master ». Dans les pays nordiques, par exemple, mais aussi dans le Sud de l’Europe, le passage au niveau universitaire et la mise en place de la structure Bologne n’ont pas modifié le modèle simultané de la formation des enseignants du primaire.
En étant le seul pays en Europe à former, depuis 1989, tous ses enseignants du primaire selon le modèle consécutif (prenant la forme de la préparation d’un titre universitaire dans un domaine pendant trois ans suivi d’une ou deux années de formation professionnelle en Institut de Formation des Maitres (IUFM)), la France fait figure d’exception. Le maintien du modèle consécutif et l’introduction de la « masterisation » (septembre 2008) renforcent la singularité française. En effet, sur ce point encore, la France se différencie dans la mesure où les futurs enseignants français ne sont pas tenus d’obtenir un Master dans le même domaine d’études que leur diplôme de licence. Leur diplôme de Master ne devra en outre pas nécessairement inclure des matières à composantes didactiques même si certains masters de ce type s’organisent.
Pour le secondaire inférieur, la situation est plus partagée et les deux modèles coexistent dans bon nombre de pays.
Généralistes ou spécialistes
Le degré de polyvalence des matières qui devront être enseignées est une autre caractéristique qui distingue traditionnellement la formation des enseignants selon le niveau où il va exercer : généraliste au primaire et spécialiste au secondaire.
Pour le primaire, la situation au Danemark contraste avec ce profil dominant de généraliste, les enseignants de la Folkeskole (structure unique entre 6 et 16 ans) sont tous semi-spécialistes. Jusqu’en 2007, ils se formaient dans 4 matières dont deux obligatoires pour tous : danois et math. Actuellement, ils peuvent se former dans deux ou trois matières seulement et le caractère de spécialisation s’accentue. Ils reçoivent une formation didactique dans les matières choisies et ne pourront enseigner que celles pour lesquelles ils sont qualifiés. La répartition des enseignements se fait donc dès la première année du primaire.
Ailleurs, au primaire, les choses changent cependant : si l’enseignant généraliste reste très répandu pour la plupart des matières, il est remplacé par un spécialiste pour des matières spécifiques dans quelques pays. La situation peut aussi varier au sein d’un même pays selon la région ou l’école.
Par exemple, pour l’enseignement des langues au primaire, matière qui devient progressivement obligatoire à des âges de plus en plus jeunes, une dizaine de pays dont la Belgique autorise encore que cet enseignement soit confié à un généraliste, d’autres font recours à des spécialistes ou des semi-spécialistes c’est-à-dire des enseignants formés pour trois ou quatre matières. _ En République tchèque, depuis la nouvelle loi de 2005 sur le personnel éducatif, ce sont des enseignants généralistes qui ont désormais la charge d’enseigner les langues au niveau primaire. Les programmes de formation initiale incluent l’apprentissage des langues étrangères, permettant ainsi aux futurs enseignants de disposer des compétences nécessaires. Dans le cas où les enseignants en poste ne disposent pas de ces compétences, ce sont des enseignants spécialistes qui donnent les cours de langues étrangères.
L’enseignement artistique est le plus souvent confié au titulaire de la classe au niveau primaire, mais la situation peut varier selon la matière artistique. Dans les pays où la situation varie selon la matière, c’est la musique qui est le plus souvent aux mains d’un spécialiste. Tout l’enseignement artistique peut aussi être considéré dans certains pays comme une discipline qui requiert un spécialiste et ce, dès le début du primaire : c’est le cas en Allemagne et en Lettonie. Au Portugal, en Estonie, en Pologne et en Islande, le spécialiste prend la relève après les premières années du primaire.
Au terme de leur formation, selon de nombreuses enquêtes, les enseignants débutants ne se sentent pas souvent suffisamment armés pour faire face au métier, et ce, même si une formation pratique en milieu scolaire est organisée durant la formation. Les abandons durant les premières années de la profession ne sont pas rares. Il en est de même en Communauté française de Belgique. Pour lutter contre ce phénomène, de plus en plus de pays (une quinzaine actuellement dont la Communauté flamande de Belgique depuis 2007) ont mis en place des soutiens spécifiques qui prennent des formes diverses selon le pays comme la désignation de Mentors parmi les plus expérimentés, les retours hebdomadaires ou mensuels à l’établissement de formation, les observations et les réunions.
Ces mesures de soutien visent à améliorer la phase de transition entre la formation et le métier, en permettant aux jeunes formés de compléter leurs acquis professionnels juste après leur recrutement en cette période critique de débutant dans l’emploi.