En date du 3 juillet 2002, deux nouveaux décrets relatifs à la formation en cours de carrière (FCC) des enseignants ont été adoptés par le Conseil de la Communauté française.
Précisons d’emblée que ces deux décrets ne seront pas encore appliqués cette année-ci. Leurs arrêtés d’application sont en cours de rédaction et sont attendus avec impatience. Pour cette année scolaire 2002/2003, les formations ont donc été organisées conformément à l’ancien décret de 1990.
Ces deux nouveaux décrets, l’un pour l’enseignement fondamental et l’autre pour l’enseignement spécial, l’enseignement secondaire et les centres PMS, modifient considérablement la conception et l’organisation de la formation continuée. Nous allons tenter de vous en faire percevoir les grandes lignes ainsi que les implications pour notre mouvement pédagogique.
Avant parution
Un mot d’abord sur la situation qui a prévalu et qui restera d’application jusqu’en juin 2003. Le paysage de la formation continuée est assez fragmenté et cloisonné en fonction des réseaux, rien n’est fait par exemple pour que des enseignants de différents réseaux et niveaux se rencontrent. Le budget attribué aux formations était de 76 millions [1]Source: Cabinet du Ministre Nollet. de BEF en 1999, globalement répartis comme ceci: 90% pour les réseaux, 10% pour les instituts supérieurs de pédagogie et autres opérateurs interréseaux (dont l’Intermouvement [2]En 1999 et avant, les RPE n’étaient pas reconnues dans le cadre de la formation continuée.). Dans ce contexte se pose légitimement la question de la cohérence de l’offre de la FCC (Formation en Cours de Carrière) en Communauté française et du contrôle d’un organisme extérieur. Autre constat: les enseignants ne se poussent pas au portillon de la formation (environ deux jours par enseignant par année) et rien n’est prévu budgétairement pour les remplacements des enseignants du secondaire en formation. Par contre, pour le fondamental, deux mesures existent:
– Remplacement par des temporaires (en priorité dans des classes en D+, des petites écoles rurales, des écoles avec des directions avec classe, et des écoles bénéficiant des mesures “primo arrivants” (1896 journées-remplacement pour l’enseignement officiel subventionné et 1272 pour le libre).
– Encadrement des élèves par des “APA [3]Mis en route depuis 3 ans déjà…”, activités pédagogiques d’animation. Autrement dit, un animateur culturel, sportif, musical, peut venir prendre la classe en charge pendant que l’instit est parti se former. C’est le PO qui avance les 95 euros par jour. Il sera remboursé dans les limites du budget prévu par la Communauté: 1876 journées pour l’officiel et 1665 pour le libre.
Un opérateur de formation externe aux réseaux telle la CGE se trouve exclu du champ de la formation continuée à moins de passer par les réseaux! C’est à ce titre que la CGE a contribué à la mise sur pied de l’Intermouvement Pédagogique dans le fondamental. Les participants aux RPE, organisées depuis plus de 30 ans, y sont allés de leur poche pour pouvoir bénéficier de nos formations.
Depuis plusieurs années, différentes demandes de formation ont vu le jour, comme les nouvelles missions demandées à l’école (Décret Missions de 1997), la maitrise des nouveaux outils technologiques, les demandes groupées d’équipes pédagogiques démunies, les formations sur sites,…
Un élément politique a également joué un rôle important dans cette évolution: l’arrivée au pouvoir de la majorité arc-en-ciel en Communauté française avec dès le départ dans la Déclaration de Politique communautaire une volonté de faire avancer ce dossier et de gonfler le budget de la FCC interréseaux alors qu’il n’était toujours pas question de refinancement (1999).
Sortie prévue pour juin 2003
C’est sur cette toile de fond que doit être approchée l’émergence des nouveaux décrets. En voici les lignes de force principales:
– Le projet de la FCC est réactualisé en fonction des derniers textes décrétaux en vigueur.
– Il organise la formation à trois niveaux: le niveau macro (= l’interréseaux), le niveau meso (= le réseau) et le niveau micro (= le PO).
– Les formations macro (interréseaux) sont organisées pour l’ensemble des PO par un nouvel organe: l’Institut de la Formation en Cours de Carrière (IFCC), indépendant des réseaux qui ne détiendront plus le monopole des formations. Cet Institut organise ces formations, après que la Commission de pilotage ait proposé au gouvernement les thèmes et les orientations prioritaires, sur lesquels le gouvernement se sera positionné au plus tard le 15 février. Les offres de formation devraient arriver aux établissements avant le 15 mai! Cet Institut a un Conseil d’administration composé de vingt-quatre personnes: quatre représentant l’Administration (dont l’administrateur général, qui préside le Conseil), cinq inspecteurs, quatre représentant l’enseignement officiel, quatre l’enseignement libre, trois représentant les syndicats, deux les universités et deux les hautes écoles. Cet Institut s’occupe des formations pour l’enseignement ordinaire et spécial fondamental, secondaire, et pour les centres PMS.
– La FCC devient obligatoire (six demi-jours) et est considérée dorénavant comme un droit pour les enseignants. Quatre fois une demi-journée seront des formations meso ou micro, deux fois une demi-journée seront des formations macro, organisées par l’IFCC.
– À partir de 2006, les six demi-jours passent à dix dont obligatoirement cinq demi-jours organisés au niveau macro.
– Le budget global des formations est presque triplé et sera de 178,5 millions de BEF, soit 4 millions quatre-cent-vingt-cinq mille euros en 20031. Il est réparti entre les trois niveaux (macro, méso et micro): 40, 40 et 20%. Au moins 15% du budget global doit être consacré aux remplacements (temporaires ou APA).
– Les enseignants (en plus des jours obligatoires) pourront également disposer de dix jours de formation en tant que formateurs, cumulables avec cinq jours de formation suivie en tant que “formé”. À relever pour les enseignants de notre mouvement qui souhaitent donner des formations.
– Les formations volontaires suivies en dehors du temps scolaire (telles que les RPE) pourront (enfin!) être reconnues et subsidiées. Elles ne sont pas limitées en nombre de jours (!).
– Le compagnonnage (qui consiste à aller visiter une autre classe, même d’un autre réseau!) est remis à l’honneur dans le fondamental et reconnu comme activité de formation.
– Les équipes pédagogiques des écoles fondamentales rédigeront un plan de formation. L’équipe y définit ses orientations, ses choix, et met en lien son projet d’établissement avec la formation de ses enseignants. Donc un espoir de plus d’autonomie et de plus de moyens pour les écoles. (Rappelons-nous que chaque PO disposera d’un budget spécifique à consacrer à la formation, budget qu’il emploiera pour ses formations micro, ou qu’il transférera à son réseau s’il a décidé que c’est cet organe de formation du réseau qui prendra en charge la formation de son équipe.)
Considérations à chaud
Cette réforme de la FCC tant sur le fond que sur la forme nous parait inévitable au regard des missions assignées à l’école. La formation des enseignants fait partie d’un tout et il nous semble cohérent que les responsables de l’enseignement en Communauté française ouvre cette boite de Pandore réservée au monopole des réseaux. À partir du moment où le pouvoir politique souhaite mieux définir, piloter, évaluer les politiques éducatives, il nous semble cohérent et légitime de réformer en profondeur la FCC.
La CGE place au centre de ses préoccupations la formation continue des enseignants. Nous avons été pionniers dans ce domaine, estimant que le métier d’enseignant ne s’arrête certainement pas avec la formation initiale. Que ce soit au travers des formations en cours d’année ou durant les RPE, la formation continuée est là pour améliorer, modifier les pratiques individuelles et collectives des enseignants.
Ces nouveaux décrets ouvrent la porte de la FCC à différents opérateurs externes et cette concurrence est saine car chacun pourra mettre en évidence ses spécificités. La CGE dans la conception de ses modules de formation a toujours mis en avant un travail par “isomorphisme” (c.-à-d. faire avec les enseignants comme on dit qu’il faut faire avec les élèves), ce qui implique une méthodologie basée sur l’induction et l’auto-socio-construction des savoirs. La CGE ne développe pas un discours qui veut convaincre à tout prix mais des pratiques qui valident nos choix et les rendent crédibles.
Au cœur de nos formations se trouve également la mise en évidence qu’une pratique pédagogique va toujours de pair avec un rapport politique et que l’organisation du système scolaire favorise ou défavorise une école et une société démocratique.
Et la CGE?
À ce stade-ci, il s’avère encore difficile de préciser concrètement la place que la CGE va prendre dans cette nouvelle mouture. Vraisemblablement, la CGE inscrira ses formations là où ses objectifs sont rencontrés, nos offres de formations devraient donc se retrouver dans les trois niveaux.
Qui décidera du choix de ces opérateurs externes? Sur base de quels critères? Ce n’est pas encore clair. Ce serait un comble que la CGE qui a été la première à mettre en place des formations interniveaux, interréseaux, sur des thèmes transversaux de formations, ne soit pas reconnue.
Autre point d’interrogation: le nombre de journées de formation devrait croitre, le nombre de formateurs également. La formation d’adultes de qualité ne s’improvise pas. Qui prendra en charge ces journées de formation?
Nous sommes demandeurs depuis longtemps de pouvoir détacher des enseignants d’une partie de leur charge pour qu’ils se consacrent à de la formation. Des enseignants reconnus, ayant mené un travail réflexif de qualité, devraient avoir la possibilité de faire bénéficier de leur expérience d’autres enseignants. Les réseaux disposent de cette facilité de disposer de “détachés”, chargés de missions bien spécifiques (conseillers pédagogiques, inspecteurs,…). Pourquoi pas les autres opérateurs externes?
Quid de la reconnaissance des formations volontaires, hors temps scolaire, suivies par des enseignants?
Un avenir proche devrait nous permettre de donner réponse à ces différentes interrogations. L’assemblée générale statutaire du 30 novembre nous a permis de faire en interne un tour d’horizon global de la politique de la CGE en matière de formation continuée. Il nous reste maintenant à l’inscrire de manière structurelle et durable dans la nouvelle mouture de la formation continuée pour enseignants telle qu’elle se profile à l’horizon.