Proposer une autre formation à des jeunes de deuxième année professionnelle qui doutent d’eux-mêmes et de l’utilité de l’école, voilà le défi que nous nous sommes lancé pour cette rentrée scolaire.
Cette expérience, nos activités et notre vie de classe, nous allons vous la raconter tout au long de l’année. Commençons aujourd’hui par l’installation.
Dans le courant du mois de juin, la Direction faisait part à l’ensemble des professeurs du collège, de l’existence d’une maison libre d’occupation appartenant à l’école pour tout projet pédagogique. Il s’agissait d’une ancienne maison d’habitation attenante à l’école. Notre équipe saisit alors l’opportunité d’utiliser ces locaux pour une classe de deuxième professionnelle.
La réflexion autour de ce projet, de l’occupation de cet espace nouveau nous a amenés à poser nos objectifs. Pour atteindre ceux-ci, il nous est apparu essentiel de penser plus en termes de formation qu’en termes d’heures de cours.
Notre objectif premier est de permettre à des élèves malmenés par la structure scolaire de tenter de renouer avec l’école. Il s’agit également de proposer une organisation particulière qui permette un travail différent. Nous disposons de trois pièces principales (les toilettes et le hall d’entrée non compris) qui ont chacune une fonction particulière : « On a plusieurs classes, au rez-de-chaussée, on a un grand local pour les cours généraux. On y a installé des armoires, un porte-manteau, un évier et on a même la chance d’avoir un frigo ! Au second, on a un local conseil. C’est l’endroit où l’on prend toutes les décisions, où l’on organise tous les projets. On y a mis des fauteuils pour être assis plus confortablement (Thomas) ». « On a une bibliothèque où l’on fait nos activités de lecture et de recherche. On a apporté des livres. En dehors de la maison, on a un atelier. On pratique l’électricité la mécanique et la menuiserie (Jonathan) ». Il est intéressant de noter qu’ils parlent de cette maison comme étant la leur : « En fait, on a toute une maison et elle est rien que pour nous (Julien) ! ».
Tout naturellement, elle a très rapidement été surnommée « la maison », sans doute en référence à son allure, mais aussi aux personnes qui y « vivent » et au projet pédagogique particulier mis en place. « Salut, je suis élève de la maison des 2P1. Au début, je ne savais pas où aller et je ne connaissais pas la maison. Mais dès que j’y suis entré, je me suis cru comme chez moi. Ça m’a aussi étonné de voir la place qu’on avait (Florent) ».
Toute la vie scolaire s’y déroule, entrecoupée par les récréations, les temps de midi avec les autres élèves de l’école et par les heures en atelier pour les cours pratiques (électricité, menuiserie et mécanique).
Notre second objectif étant de les responsabiliser face à leur milieu de vie, le local conseil et les métiers sont créés. Le premier « conseil de tous » est donc consacré à sa définition. Tous les professeurs et tous les élèves sont présents. Nous leur expliquons que c’est un endroit, un moment où chacun peut prendre sa place, toute sa place et rien que sa place, un espace de propositions, de discussions, d’échanges et de décisions. « Le conseil est un lieu où l’on prend des décisions sérieuses pour la classe », explique Julien ; et Jonathan ajoute : « On peut faire nos réunions si on veut proposer des changements dans la classe ». Le conseil a des lois et des limites qui garantissent l’intégrité et le respect de chacun dans sa formation. La structure de l’organisation mise en place (président, secrétaire, gardien du temps, …) est importante, elle est mise au service du conseil.
Dès le mois d’octobre, certains élèves émettent le souhait de présider le « conseil de tous » avec l’aide des professeurs. Celui qui s’est proposé établit alors un ordre du jour acté par la classe et préside les débats. Des décisions importantes pour le groupe sont prises. Par exemple : rafraîchir les locaux, organiser une journée pour mieux se connaître, mettre en place des métiers et un projet d’échange avec une autre classe de 2P. Et des conflits sont résolus, des engagements concrets sont pris (différents entre élèves, dégradation de la cage d’escalier) ainsi que des échanges autour de la formation (par exemple : les ceintures). Thomas qui a émis le souhait de présider nous fait part de ses impressions après le conseil : « J’ai bien aimé être président, je me suis senti utile ! ».
Petit à petit, les élèves sont parties prenantes du conseil et le nourrissent de propositions plus personnelles. Ainsi, dans le courant du mois de novembre, un élève inscrit à l’ordre du jour un projet d’échange avec les 2P3 en proposant d’utiliser les savoirs-faire respectifs des deux classes pour améliorer leur cadre de vie. Florent (responsable du local conseil) propose : « Ce serait bien de demander aux élèves de 2P3 (section arts ménagers et arts-couture) de faire des tentures et de donner des idées de décorations pour le local-conseil. En échange, nous pourrions réaliser des bacs de rangements, des étagères et des tabourets en bois pour leur atelier ». Ce qui est important, c’est d’engendrer une idée et qu’ensuite, nous la travaillions ensemble pour la réaliser (organisation et implications de chacun dans les tâches). Le « on » ou « ce serait bien » devient progressivement un « je vais faire », « je propose » c’est-à-dire choisir devenir responsable et acteur constructif de son milieu de vie.