L’apprentissage de la démonstration

Et si l’apprentissage de la démonstration contribuait au travail de compétences transversales relevant de la citoyenneté ? Allons faire un tour en troisième année de l’enseignement secondaire.

C’est l’anniversaire de Christian aujourd’hui. Démontre, à l’aide des propriétés proposées ci-dessous, qu’il va attraper des boutons[1]Inspiré de http://tinyw.in/9FdN.
Propriété 1 : Si Christian mange des lacquemants (A), alors il attrape des boutons (B).
Propriété 2 : Si Christian fête son anniversaire (C), alors il va se promener à la foire à Liège (D).
Propriété 3 : Si Christian se promène à la foire à Liège (D), alors il mange des lacquemants (A).
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Cette activité permet, hors de tout contexte mathématique, d’approcher les concepts :
d’hypothèse[2]Hypothèse et thèse au sens mathématique : une hypothèse, c’est une donnée qui est le point de départ de ce qu’on va démontrer (la thèse) (C’est l’anniversaire de Christian, aujourd’hui.) ;
de thèse (Christian va attraper des boutons.) ;
de démonstration (C’est l’anniversaire de Christian aujourd’hui. Or, si Christian fête son anniversaire, alors il va se promener à la foire à Liège (propriété 2). Nous savons que Christian se promène à la foire à Liège, il mange donc des lacquemants (propriété 3). Or, si Christian mange des lacquemants, alors il attrape des boutons (propriété 1).
Une démonstration par le dessin :
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Vers le codage mathématique

Lors de cette première activité, il est intéressant de demander aux élèves de dessiner les propriétés énoncées. Cette étape de représentation permet de coder le texte qui est présenté dans un autre langage que le français écrit, et de s’assurer de la compréhension des différents énoncés. Le codage mathématique proposé plus tard nous permet d’expliquer que le mathématicien est paresseux, mais rigoureux et qu’il préfère coder de la manière la plus simple, mais la plus précise possible, les concepts utilisés. Il préfèrera des symboles de types lettres, nombres, opérations… aux dessins.
Ce passage par le dessin, je l’utilise également lorsque je demande à mes élèves de mettre des problèmes en équation (et ce, dès la première année commune).
Problème énoncé en français => Dessin => Codage mathématique (équation dans ce cas-ci).
Il est plus facile de demander à l’élève de vérifier si toutes les données utiles de l’énoncé sont présentes dans le dessin, avant d’effectuer ce même travail dans l’équation qu’il propose.
Mais revenons-en à l’apprentissage de la démonstration en troisième année. À ce stade, les élèves comprennent qu’une démonstration s’appuie sur un enchainement logique de propriétés qui permet, en partant des hypothèses de départ, de démontrer la thèse. Les élèves commencent donc à comprendre ce qu’est une démonstration et les éléments qui la composent, mais ils ne savent toujours pas pourquoi on va leur demander, à partir de cette année, de démontrer la plupart des propriétés et théorèmes que nous allons rencontrer. Est-ce le sadisme du prof de math qui explique ce nouvel apprentissage ou y a-t-il une autre raison ?
Proposition : « Les nombres pairs sont divisibles par 4. »
Il est possible de trouver une infinité d’exemples qui montrent que cette proposition semble vraie. En effet, 0 ; 4 ; 8 ; 12;… sont des nombres pairs divisibles par 4, mais 2 en est un contrexemple (nombre pair qui n’est pas divisible par 4). Pour vérifier la véracité d’une proposition, on ne peut donc pas se contenter d’une infinité d’observations concluantes. Il faut la démontrer ou l’infirmer, et pour cela, il suffit d’un seul contrexemple. Cet aspect est primordial à mes yeux. Le mathématicien n’utilise que des propriétés qui ont été démontrées. On touche ici à la perfection du raisonnement.
« La somme de deux nombres naturels consécutifs est un nombre impair. »
Exemples :
5 +6=11
13 +14=27
100 +101=201
Démonstration :
Soit n un nombre naturel. Son consécutif se note n+1.
n+n+1=2n+1
Or, 2n+1 est un nombre impair car il s’agit d’un multiple de 2 augmenté de 1.
Lorsque les élèves sont familiarisés avec les concepts d’hypothèse, de thèse, de démonstration et surtout, qu’ils savent pourquoi il est nécessaire de démontrer des propriétés avant de les utiliser, il est possible d’aborder plus sereinement les chapitres concernés dans le cours de troisième année par des démonstrations comme les démonstrations par les cas d’isométrie des triangles[3]Manuel Amplitude 3, Érasme.

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Les tâches réalisées par l’élève, dans cette première démonstration à compléter peuvent être classées dans les prérequis car les élèves sont sensibilisés aux concepts développés plus tôt d’hypothèse, de thèse, de démonstration (en troisième année), mais aussi au codage mathématique et à la justification d’égalités d’amplitudes d’angles particuliers (au premier degré).
L’intérêt de proposer cette activité est de permettre aux élèves de focaliser leur attention sur la structure particulière donnée à ces démonstrations par les cas d’isométrie des triangles et l’enchainement logique des justifications qu’elles contiennent.
Après avoir complété quelques démonstrations suivant le même principe, je demande à mes élèves répartis en groupes, d’écrire la démonstration complète d’un énoncé. L’idéal est de proposer une démonstration où plusieurs raisonnements différents sont possibles. Lorsque les différents groupes ont rédigé leur démonstration, ils viennent, chacun à leur tour, présenter leur démonstration aux autres élèves de la classe. Ils vont devoir me convaincre et convaincre les autres élèves. Mais ils ne feront pas de nous des cons-vaincus facilement. Nous allons relever les imprécisions et incohérences, vérifier la fiabilité des arguments avancés.
À travers l’apprentissage de la démonstration, on encourage nos élèves à raisonner, présenter et argumenter, mais aussi à développer un esprit critique. Ne serait-ce pas un acte citoyen ?

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Inspiré de http://tinyw.in/9FdN
2 Hypothèse et thèse au sens mathématique : une hypothèse, c’est une donnée qui est le point de départ de ce qu’on va démontrer (la thèse
3 Manuel Amplitude 3, Érasme