Le Pacte pour un Enseignement d’Excellence est une énorme machine. Mais ce n’est pas une usine à gaz. Mieux vaut tenter d’essayer de comprendre ce qui s’y passe et comment.
Depuis le début, le Pacte pour un Enseignement d’Excellence est centré sur trois finalités : améliorer l’utilisation des ressources dans le système scolaire (faire des économies), améliorer la qualité des apprentissages des élèves (grimper dans le classement PISA) et lutter contre les inégalités au sein du système scolaire. Ces trois finalités peuvent entrer en opposition, mais sont, cependant, aussi potentiellement complémentaires. Les économies réalisées grâce à une meilleure utilisation des ressources permettraient de dégager des moyens pour améliorer la qualité des apprentissages et lutter contre les inégalités. L’amélioration de la qualité des apprentissages ferait réaliser des économies (moins de redoublement) et permettrait de lutter contre les inégalités si cette amélioration s’étendait à tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale. Et enfin, la lutte contre les inégalités ferait réaliser des économies (moins de retards scolaires, arrêt des relégations couteuses vers le qualifiant) et améliorerait la qualité des apprentissages puisque les enfants, les jeunes qui sont le plus mis en difficulté par le système scolaire sont issus des catégories sociales les plus défavorisées.
Cela ne va évidemment pas de soi. Il faut sans cesse rappeler les finalités, en particulier, la priorisation de la lutte contre les inégalités générées par le système scolaire. C’est une opportunité que le Pacte a ouverte.
Différents acteurs sont impliqués à différents niveaux. Il y a bien sûr les acteurs institutionnels habituels : les représentants du cabinet de la ministre Milquet, de l’administration, les représentants des réseaux, les syndicats et les associations de parents. Mais il y a aussi quelques représentants issus du monde associatif (dont CGé), des représentants du monde de l’entreprise et des chercheurs issus de toutes les facultés de pédagogie de toutes les universités francophones à titre d’experts académiques. Tous ces acteurs sont présents dans les groupes de travail (GT) qui ont pour mission de trouver des consensus autour de propositions de réformes. Parallèlement aux GT, des focus groupes sont organisés afin de tenter de faire remonter vers ces groupes les points de vue des acteurs de terrain (enseignants, directeurs, etc.). Des consultations des acteurs de terrain sont aussi organisées sous forme d’enquêtes par questionnaire ou via le site (http://www.pactedexcellence.be). Un comité d’accompagnement présidé par la ministre et composé, en plus des membres du Groupe Central (GC), de divers représentants issus du gouvernement de la Région wallonne et de la FWB, des recteurs et des directeurs de hautes écoles et d’universités, d’acteurs économiques et sociaux du monde de l’entreprise ou de l’associatif se réunit, en fin de chaque phase, pour donner son avis.
Le processus de consultation ne joue cependant qu’à la marge, l’essentiel des débats prenant place dans les GT qui se sont réunis, durant cette troisième phase du Pacte, au rythme d’une réunion de 3 heures par semaine entre septembre 2015 et février 2016. Et les arbitrages sont réalisés par le GC ou le cabinet de la ministre.
Dans la première phase du Pacte, deux GT comprenant les mêmes acteurs ont fait l’état des lieux de l’enseignement et ont dégagé une vision d’avenir pour l’école. Les rapports de ces deux groupes ont été transmis au cabinet de la ministre qui en a proposé une synthèse au GC du Pacte. Ce groupe, composé uniquement des acteurs institutionnels, est le pilote du Pacte. C’est avec lui que le cabinet négocie un consensus sur la suite des travaux du Pacte. C’est au GC que se tranchent les éléments de désaccords.
La synthèse adoptée par le GC dans cette deuxième phase du Pacte a dégagé quatre axes de travail : « Axe 1 : adapter les compétences et savoirs aux besoins de l’école du 21e siècle », « Axe 2 : améliorer le parcours scolaire de l’élève et lutter contre les échecs et les inégalités scolaires », « Axe 3 : soutenir et investir dans les équipes pédagogiques pour leur permettre de répondre aux défis de l’école du 21e siècle » et « Axe 4 : adapter la gouvernance du système scolaire en vue de responsabiliser ses différents acteurs, améliorer le pilotage du système et ses performances et optimaliser l’organisation et les ressources ».
Chacun de ces axes a été décliné en 3 GT. Pour l’axe 1, un GT a débattu des savoirs et compétences, un autre du numérique, un troisième de l’enseignement qualifiant. Pour l’axe 2, un GT a débattu de l’enseignement maternel, un autre de la lutte contre l’échec scolaire et un troisième des inégalités scolaires. Pour l’axe 3, un groupe a débattu de la formation continuée, un autre de la fonction enseignante et un troisième des directions d’école. Pour l’axe 4, un groupe a débattu du pilotage du système scolaire, un autre de l’optimalisation des ressources et un troisième de la démocratie scolaire, de la gratuité et de la qualité de vie à l’école. Deux groupes ont travaillé en parallèle au Pacte : un sur la réforme de la formation initiale des enseignants et un autre sur les relations École-Culture.
Chacun de ces groupes de travail s’est réuni une fois par semaine entre septembre et novembre sur base d’un cahier des charges assez fourni. Chaque groupe a alors écrit un rapport d’orientation qui traçait dans les grandes lignes les directions que prenaient les débats. Ce rapport contenait les premières ébauches de propositions de mesures. Sur base de ces rapports, le GC a essayé de faire de la cohérence entre les GT et a précisé leur cahier des charges. Les groupes se sont remis au travail entre janvier et mars et ont produit chacun un rapport intermédiaire contenant de nombreuses propositions de réformes.
Tous ces rapports intermédiaires ont été synthétisés et évalués par un consultant (la multinationale McKinsey) qui en a fait la présentation lors d’un séminaire de trois jours au GC, aux Présidents des groupes de travail et aux experts académiques. Ce séminaire a alors été suivi de réunions du GC qui devraient aboutir à un texte de synthèse dont l’objet sera d’organiser et d’orienter les travaux de la fin de la phase 3 du Pacte. Celle de la rédaction des plans d’action pour mettre en œuvre les réformes dégagées. L’enjeu de ces débats est énorme : c’est à ce stade que se jouent les arbitrages sur le sens que va prendre le Pacte.
Fin mars 2016, nous en sommes là. Que se passera-t-il ensuite ? Adoption de la synthèse du GC par le gouvernement ? Sous quelle forme ? Nous ne sommes pas au bout des difficultés.
Une fois les plans d’action adoptés, la rédaction du Pacte sera finalisée. Commencera alors une phase 4 appelée « dispositif de participation, d’information et d’appropriation » sous forme de conférences-débats, forums, campagnes de sensibilisation, etc. au terme de laquelle, éventuellement ajusté, le Pacte sera soumis au Gouvernement pour adoption.
Dans la phase 5, il faudra envisager toutes les conditions de sa mise en œuvre, notamment le phasage des mesures et leur suivi, tenant compte de toutes leurs implications sur le terrain.
La mise en œuvre du Pacte devrait prendre au moins dix ans. Pour en assurer la continuité, un comité de suivi devrait être installé. On ne sait encore rien de sa composition future.