Le Test de l’Enseignement Secondaire Supérieur vise à égaliser le niveau des écoles en instaurant une évaluation en fin d’études secondaires. Tentative bien vaine, sachant que les moyens ne suivent pas ! En tant qu’élève, je pense que nous devons tous nous mobiliser pour nous y opposer.
Le CEF, Comité des Élèves de la Communauté française, a été créé en 2005 par quelques élèves liégeois qui avaient comme objectifs d’agir sur les problèmes liés à l’enseignement dans le secondaire, de développer la démocratie dans l’école et d’ouvrir l’école à la société. Nous fonctionnons un peu comme un syndicat d’élèves.[1]Nous avons, à ce jour, plus de 1000 membres et sommes présents dans plus de vingt écoles de tous les réseaux. Depuis trois ans, nous essayons de nous organiser pour devenir des élèves actifs et citoyens comme le veut la Communauté française. Pas facile évidemment. Dans certaines écoles, la direction fait pression sur les représentants ou menace les élèves qui se joignent aux actions du CEF et on ne nous prend pas au sérieux, surtout le gouvernement. Mais nous sommes déterminés !
Le TESS est un examen que chaque élève doit réussir en fin de 6e. Il concerne toutes les filières (générale, technique et professionnelle). Le questionnaire du TESS sera préparé par quatorze personnes dont seulement quatre seront de vrais professeurs de terrain. Le TESS est censé résoudre le problème de différence de niveau entre les différents établissements scolaires, sous prétexte qu’en réalisant le même test pour toutes les écoles, on va pouvoir mesurer le niveau de chaque école.
Le TESS n’est pas approprié à la pédagogie de chaque l’école et à la matière vue au cours par les élèves puisque chaque établissement connait une réalité différente. Et parfois fort différente. Chaque école a sa propre pédagogie, et c’est quelque chose d’extraordinaire d’assurer une telle diversité dans une société qui prône de plus en plus l’uniformité. Le test n’est pas adapté à chaque école, car il va se contenter d’être général et va donc supprimer cette diversité. De plus, il sera nettement différent d’un examen de juin, car il n’aura pas la même approche de la matière que celle du professeur toute l’année. Donc, on mettra toute l’expérience et les acquis du professeur et de sa classe de côté pour se référer à un système indifférent aux lacunes des élèves et aux différences de niveaux entre écoles.
De plus, ce test est censé montrer à l’élève ses lacunes et mieux l’orienter. Mais pourquoi alors le faire en fin de 6e année ? Pendant toute l’année scolaire, nous avons déjà beaucoup de tests. Selon notre ministre, c’est « pour mieux orienter l’élève dans son choix d’étude ». On approche du « bac à la française » avec cette phrase…
Pour moi, c’est une très mauvaise idée, car si on avait vraiment voulu aider l’élève lors de son apprentissage pour s’assurer qu’il fasse de bonnes études, le gouvernement aurait mis plus de moyens en place pour l’aider, notamment plus de remédiations, des meilleures salles de classe, plus de professeurs, etc. De plus, pour faire le bilan de nos compétences, on a déjà les examens et interrogations de nos professeurs.
Ce test ne sert à rien et il ne fera que rabaisser le niveau des écoles et créer encore plus d’inégalité. Si le test entre en application, comment, lors des premières années, les professeurs peuvent-ils s’aligner avec le TESS pour être sûrs que leurs élèves auront bien vu la matière à étudier pour cet examen en fin d’année ? Il risque donc d’y avoir beaucoup d’élèves mis en difficulté simplement parce qu’ils n’auront pas eu les cours qui correspondent aux attentes du TESS. Ensuite, les écoles favorisées peuvent mieux aider leurs élèves. Ayant plus de moyens, elles n’ont aucun souci pour proposer des remédiations ou des petits cours pour des groupes d’élèves en difficulté. Les écoles moins « riches » ne peuvent pas proposer tout cela à cause d’un cruel manque de moyens.
Qu’est-ce qui nous prouve que le niveau va pour autant remonter ? Si on adapte le TESS aux écoles en difficulté, les écoles favorisées vont voir le niveau s’abaisser et si on adapte le TESS aux écoles favorisées, les écoles en difficulté verront leur taux d’échecs augmenter…
Et pourquoi faire directement un test alors que tout le monde sait, sauf nos ministres apparemment, que les écoles manquent cruellement de moyens ? Il y a des écoles où l’eau passe à travers les toits, où il n’y a aucune isolation thermique, où les cours se déroulent en hiver avec des températures avoisinant les 15°C, où les classes sont surchargées (plus de 30 élèves par classe !), où des professeurs sont en pénuries, etc.
Est-ce normal, pour nous, pays dit « civilisé » ? Nos ministres s’imaginent des plans pour « aider » les élèves, mais ont-ils des enfants ? Si oui, leurs enfants vont-ils dans des écoles défavorisées ou des écoles hautement cotées ? Eh oui, leurs enfants vont surement dans ces dernières, ils ne connaissent pas les soucis de classes en surnombre, le manque de professeur, le temps qu’il faut pour trouver un professeur en intérim. Est-ce donc ça notre « éducation de la Communauté française » ? Et les choses ne vont pas en s’améliorant, malheureusement.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de prendre mes responsabilités et, en tant qu’élève mais aussi en tant que « futur citoyen actif de notre société », de lutter pour qu’on puisse enfin avoir les moyens qu’il faut pour remettre nos écoles en bon état et pour permettre à chaque élève d’avoir une scolarité correcte, où il est encadré comme il le faut.
Dans le fond, ce système peut être intéressant, mais il faudrait tout d’abord refinancer l’enseignement avant de vouloir imposer un test commun. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs ! Si la ministre veut vraiment un enseignement juste et égalitaire, il faudrait peut-être le permettre. Voilà quelqu’un de fort optimiste. Si elle voulait mettre les écoles sur pied d’égalité en matière d’enseignement, il faudrait que toutes les écoles puissent offrir « un service égal », c’est-à-dire un encadrement pour chaque élève qui rencontre ses besoins, et que ce soit pareil dans n’importe quelle école de n’importe quelle commune de la Communauté française.
Notes de bas de page
↑1 | Nous avons, à ce jour, plus de 1000 membres et sommes présents dans plus de vingt écoles de tous les réseaux. |
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