Depuis 2013, le TOSS, test d’orientation du secteur de la santé, a été instauré pour tout étudiant désireux de s’inscrire aux études de médecine et de sciences dentaires. Une initiative à généraliser pour diminuer l’échec ?
Le TOSS a été introduit à l’initiative de la FWB dans la foulée de la réforme des études de médecine de 2012 et est mis en œuvre depuis 2013. Il s’est ensuite élargi aux études de dentisterie. Le test est organisé en deux sessions (juillet et septembre) et porte sur les prérequis jugés nécessaires pour ces études dans des disciplines fondamentales (mathématiques, physique, biologie, chimie, français, anglais). Il a été mis au point à un niveau interuniversitaire. Le test est obligatoire, mais non contraignant.
Une note « significativement différente » de 0 suffit à permettre à l’étudiant de s’inscrire aux études visées. L’objectif est de permettre aux étudiants d’évaluer leur degré de maitrise des prérequis nécessaires aux études envisagées. Il s’agit donc de montrer aux étudiants ce qui est attendu comme prérequis. Il s’agit aussi d’un test d’orientation qui vise à les amener à envisager leur choix de façon plus éclairée quant à leurs chances de réussite. Cela peut épargner une année d’échec à des étudiants qui ne possèdent manifestement pas les acquis nécessaires.
Derrière cela, il y a une volonté politique d’introduire une certaine diminution du nombre d’étudiants en médecine, en lien avec la fameuse question des numéros INAMI disponibles. Mais le changement d’orientation n’est pas le seul aboutissement possible du test. Cela peut amener l’étudiant à prendre le temps de mieux se préparer par une année de propédeutique, par exemple une spéciale sciences au secondaire, ou encore à envisager d’emblée l’année en saisissant les opportunités de remédiation qui sont proposées.
Quelle est sa valeur prévisionnelle ? Une étude menée pour l’ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur) montre en effet des corrélations entre le succès au test et la réussite en première année. Cela n’est guère étonnant. Ce test mesure la qualité de la scolarité antérieure (filières, options) dont on sait qu’elle joue sur la réussite. Celui qui sort de maths fortes, sciences fortes et qui est ainsi mieux positionné dans la hiérarchie du secondaire est davantage préparé à ce test. Cela veut dire aussi que le test possède une certaine qualité prédictive, en tout cas pour la première année.
On sait, par d’autres études, que la réussite ultérieure dépend bien sûr d’autres facteurs. Les Flamands, par exemple, font passer un test d’empathie sur des situations relationnelles et ses résultats sont fortement corrélés aux compétences cliniques de fin de premier cycle et de deuxième cycle. Donc, un des problèmes de ce test d’orientation est qu’il se limite aux savoirs de base liés aux cours de première année. Or, pour réussir la suite des études et à fortiori pour exercer au mieux son métier, il faut d’autres compétences, liées à l’empathie et au raisonnement, clinique, notamment, qui sont assez différentes.
Mais voilà, on est bien obligé de travailler avec ce qu’est la première année. Il faudrait aussi vérifier si ce sont à chaque fois des prérequis strictement indispensables. Je n’en suis pas toujours absolument convaincu quand on voit les moyennes dans certaines matières, notamment en physique, qui tournent autour de 3 sur 20. Or, on sait que 45 % environ des étudiants vont réussir. Ça veut dire quand même que 42 % d’entre eux n’avaient pas la maitrise des prérequis et s’en sont tout de même sortis.
L’étudiant en tient-il compte dans son choix ? Là, il apparait que non. Globalement, les étudiants n’en tiennent pas compte pour éventuellement modifier leur choix. Malgré des notes parfois très faibles, ils s’inscrivent tout de même dans les études visées. Ceci peut s’expliquer par plusieurs raisons.
Tout d’abord, de par son caractère non contraignant, il n’est pas certain que la majorité des étudiants le prennent réellement au sérieux. Entre la fin de la rhéto et la rentrée dans le supérieur, en plein été, il n’est pas certain du tout qu’ils privilégient réellement la révision de leurs cours et la préparation du test. S’ils le préparent peu, ils seront peu prédisposés à en tenir compte. De plus, dans certaines matières, les moyennes sont très faibles. Ceci tend à relativiser le lien entre leurs résultats et la réussite ultérieure.
Enfin, il me semble qu’il y a une dimension psychologique dans l’idée de persévérer dans leur choix malgré des notes faibles. Qui va d’emblée accepter l’idée que ses chances sont nulles ou faibles ? Je pense que pour protéger leur estime d’eux-mêmes, les étudiants sont enclins à se dire qu’ils s’en sortiront quoiqu’il en soit de leur passé. Croire en ses chances est une variable réellement importante sur le plan psychologique. Parfois on dit, les étudiants ne sont pas réalistes. Mais l’être humain n’est pas réaliste. Il pense toujours que ce qu’il va entreprendre, il va le réussir ; il a d’ailleurs intérêt à le penser, car ce sentiment de compétence le pousse à investir dans les activités.
On peut envisager étendre un tel test à d’autres études, mais essentiellement avec pour objectif un effet d’alerte. Croire que cela va modifier les choix est illusoire. Ce n’est pas le cas ou seulement très marginalement. En revanche, alerter d’emblée les étudiants de leurs éventuelles lacunes n’est pas une mauvaise idée. Mais pour moi, cela ne peut se faire qu’à la condition d’accompagner ces tests d’actions des institutions pour permettre aux étudiants de combler leurs lacunes, via des séances de remédiations, par exemple. Oui donc, mais à condition d’accompagner la seule mesure d’un volet formatif.
Un tel test mériterait-il de devenir contraignant et permettre de refuser des étudiants n’ayant pas les prérequis nécessaires ? Là, je pense qu’il faut être prudent. Pour se permettre cela, il faudrait déontologiquement être très sûr du pronostic. Or, ce serait donner à ce test une valeur prédictive qu’il ne saurait avoir. Il est impossible d’être sûr à 100 % d’un pronostic individuel de réussite.
La réussite dans les études est liée à de nombreux facteurs. Par exemple, un élève peut ne pas se montrer très motivé au secondaire et se « réveiller » subitement dans des études qui l’intéressent. L’étudiant peut alors passer au-delà de lacunes ponctuelles. Il peut aussi être bon dans des disciplines non liées au test. On peut prendre l’exemple de John Gurdon, prix Nobel de médecine. Son professeur de biologie lui avait dit qu’il était « inapte aux sciences »… Les prévisions individuelles, en sciences humaines, sont toujours très incertaines.