Les examens sont-ils nuisibles à l’élève ?

Du primaire à l’université, l’heure est au blocus. Notre école n’évalue-t-elle pas trop ? Ne tue-t-on pas le plaisir d’apprendre ?

Que faire pour que la session d’examens ne se transforme pas en supplice angoissant pour les enfants ?

Il y a un problème de système, d’abord. Pour CGé, il ne devrait pas y avoir de session d’examens, au primaire en tout cas. Au secondaire, ces sessions devraient être introduites progressivement. Cela devrait être moins fréquent et plus diversifié, dans la forme. Les sessions, telles qu’organisées aujourd’hui, rendent l’école encore plus inégalitaire car elles renvoient les élèves chez eux pour étudier – on renvoie donc parfois des très jeunes à eux-mêmes, sans se soucier du cadre, sans savoir s’ils sont accompagnés.

Restons au primaire. Vous prônez plutôt une évaluation formative…

Continue, étalée dans le temps. Il faudrait que l’école arrête d’être organisée en permanence autour de l’évaluation. Or, c’est le cas, souvent, et dès le primaire. Ensuite, l’école se plaint que l’élève perde le goût d’apprendre et ne travaille que pour les points. Et il n’y a que les élèves qui réussissent, qui ont une estime d’eux-mêmes assez forte, qui combinent le goût d’apprendre et la réussite.

Et chez la plupart, le goût d’apprendre devient donc l’angoisse de rater ?

Oui. Et ça vient vite. Je suis outrée qu’on donne des points en 1re primaire. L’enfant arrive tout feu tout flamme – on va apprendre à lire, compter. Et on lui donne des 9/10, des 7/10, des 5/10. Se construit peu à peu la peur de l’évaluation et la mésestime de soi alors que l’école devrait apprendre la confiance.

Et les parents mettent la pression…

L’école n’est pas seule responsable du système – beaucoup de parents cherchent à décoder le niveau de l’enfant à travers les bulletins. Et le système est pervers. Il forme une élite au détriment de tous les autres. Mais ça existe, des écoles primaires sans examens, avec de l’évaluation continue, avec de l’auto-évaluation. C’est donc possible.

Parlons du CEB qui est le gros examen du primaire.

Pour beaucoup d’élèves, il est une énorme source d’angoisse. D’autant plus qu’on y met du décorum, qu’on l’organise parfois en des lieux que l’enfant ne connaît pas.

Que faut-il faire avec un enfant qui angoisse ? Bon, certains s’en fichent…

Celui qui s’en fiche est un enfant qui a abandonné le combat. Qui se dit : il vaut mieux dire que je m’en foute plutôt que d’essayer et rater. C’est une réaction de défense, une stratégie de repli. Pour le reste : face au stress, il faut donner le plus d’informations possibles. L’enseignant doit être explicite sur le contenu – sur quoi porte l’évaluation, quels sont les savoirs et compétences à maîtriser ? Être explicite sur le déroulement de l’événement – ça se passera dans tel lieu, avec telle personne, ça durera tel temps, etc. Donner de l’info – un maximum ! C’est l’information qui déstresse. Il faut aller de l’émotionnel au rationnel. Et le rationnel, c’est savoir.

Parlons du secondaire… Là, il faudrait y aller progressivement, disiez-vous.

Decroly est la seule école secondaire à ne pas organiser de session avant les 3e et 4e – avant, c’est de l’évaluation continue et ce n’est qu’en 6e qu’on a une session complète. Ailleurs, ce sont de vraies sessions. Et on applique le même modèle pour petits et grands, pour général, technique, professionnel – c’est terrible d’entendre qu’il y a des sessions en professionnelle avec des élèves dont on dit qu’ils ne travaillent pas chez eux.

Ce qu’il faudrait éviter, au moins, ce sont les ambiances de blocus.

Éviter ça. Éviter l’impression que tout se joue pendant la session. Le plus fou, c’est que les écoles ne sont pas obligées d’organiser des examens. Le seul obligatoire, c’est le CEB, hormis les évaluations externes. Pour le reste, les écoles sont libres – elles peuvent organiser une session par an, aucune…

On est donc vraiment dans une tradition : juin = examens.

Quand ce n’est pas, en plus, Noël et Pâques…

Propos recueillis par Pierre BOUILLION