Les malentendus sociocognitifs

Pièges et contre-pièges

Les malentendus sociocognitifs sont inhérents aux pratiques enseignantes et certains d’entre eux sont « déployés inconsciemment » ou/et manifestement impossibles à éviter. Il est donc nécessaire de les identifier pour ensuite développer des stratégies qui permettent de les prendre en compte et de ne pas les laisser perdurer. Ce travail est d’autant plus important, car il doit permettre aux élèves en difficulté de se (re)saisir du sens donné aux tâches et de discerner ce qu’il s’agit d’apprendre au-delà de ce qu’il s’agit de faire.

L’analyse transversale produite dans le cadre de l’étude « Sortir de l’implicite, travailler les malentendus. Vous pouvez répéter » nous a permis de pointer et d’étayer en quoi le cadrage, le vocabulaire ou les mots utilisés, les distracteurs peu visibles, l’accueil des résultats des élèves, la synthèse ou la structuration des apprentissages ainsi que l’utilisation qui est faite des classements constituent des enjeux fondamentaux au cœur d’une séquence active d’apprentissages.

À ce stade de nos réflexions, nous proposions donc, en considérant ces enjeux de cibler les changements de dispositifs pédagogiques nécessaires. Mais encore fallait-il imaginer de nouveaux dispositifs, les expérimenter pour juger de leur fiabilité et de leur efficacité par rapport aux anciens. Puis comme praticiens-chercheurs, nous souhaitions également porter un regard sur ces nouveaux dispositifs et le cas échéant proposer de nouvelles suggestions d’aménagements.

Dans cette perspective, nous avons regroupé des enseignants, mais aussi des personnes-ressources membres de CGé intéressées à participer à un chantier didactique, à l’expérimentation et à l’analyse de nouveaux dispositifs en tenant compte du cadre théorique développé en 2017 (e. a. les enjeux transversaux) et en 2018 (les 3 concepts clés – rapports au savoir, sens des activités, malentendus sociocognitifs – ainsi que les 4 formes de malentendus).

Un temps de formation a été organisé dans le cadre des Rencontres Pédagogiques d’été 2019. Sur cette base, les enseignants et les membres se sont organisés en trois chantiers didactiques de 4-5 personnes en français, mathématiques et sciences ; ont co-construit et testé une séquence qui a été filmée pour pouvoir ensuite l’analyser collectivement.

Chaque chantier a ensuite produit un rapport d’observation et d’analyse de leur dispositif sur base d’un canevas commun et dont la mise en parallèle a permis une nouvelle analyse transversale portant cette fois-ci sur la gestion d’une séquence, les interactions enseignant-élèves ou élèves-élèves.

Par gestion d’une séquence, nous entendons par exemple le travail en amont nécessaire de l’enseignant pour maîtriser les aspects épistémologiques, didactiques et sémantiques d’un savoir à enseigner ; la prise en compte de la langue de scolarisation pour ce qui concerne la consigne, le savoir visé et les attitudes mentales demandées à l’élève pour construire le savoir ; la clarification de la tâche ou des traces par rapport au savoir à construire.

Concernant les interactions enseignant-élèves, nous nous sommes arrêtés à nouveau sur les consignes qui précisent l’objectif d’apprentissage, la tâche à réaliser et l’organisation du travail. Nous avons également pris le temps d’interroger le rythme des séances de travail, de traiter des moments-clés comme les échanges collectifs, les synthèses ou les corrections. Et lorsque les élèves sont au travail individuellement ou en petits groupes, nous nous sommes posé la question du rôle et de la posture de l’enseignant. Sa circulation en classe, les conséquences de ses (non) interventions et en particulier les formes de soutien aux élèves ont également été analysées.

Quant aux interactions élèves-élèves, nous avons essayé de comprendre les relations de pouvoir qui sous-tendent et parasitent le travail, et voir en quoi l’organisation du travail collaboratif pouvait y remédier et si oui à quelles conditions.

L’étude s’organise donc en deux grandes parties. La première est constituée des trois rapports d’expérimentation de français (La compréhension et la lecture d’un texte narratif), mathématiques (La dictée des solides) et sciences (La matérialité de l’air). La seconde partie reprend, quant à elle, l’analyse transversale sur les trois aspects que nous venons d’évoquer.

Cette étude est le fruit d’un important travail collaboratif coordonné par Benoît Roosens, chargé d’étude à ChanGements pour l’égalité. Nous tenons à remercier Véronique Baudrenghien, Sabine Daro et Benoît Jadin, responsables et moteurs du travail mené respectivement dans les chantiers didactiques de français, sciences et mathématiques. Merci également à Johan Baens, Marie Bebronne, Stéphanie Carels, Françoise Gavage, Catherine Lelion, Audrey Messotten, Alice Romainville, Lucie Taquet, Nathalie Thywissen, Catherine Simon, Claire Simon nos onze enseignants qui ont accepté de se former à la problématique des malentendus sociocognitifs et qui se sont ensuite laissé embarquer dans l’expérimentation et l’analyse de leurs dispositifs. Ce travail d’analyse n’aurait pas été aussi abouti sans les réflexions de Pascale Kaison, Sabine Kahn, Céline Mousset et Patricia Schillings toutes les quatre membres du comité d’accompagnement de cette étude.