Les « Mineurs étrangers non accompagnés » sont des mineurs arrivant d’un autre pays sans responsable légal, dans la plupart des pays européens. Entre mille et deux-mille de ces jeunes arrivent en Belgique chaque année. Ils ne choisiraient surement pas de tout quitter s’ils disposaient de conditions d’existence convenables dans leur pays, auprès de leur famille. Comment leur prise en charge se déroule-t-elle en Belgique ?
Soit les MENA sont interceptés par la police au cours de leurs pérégrinations, soit ils font une demande à une institution. Leur signalement est envoyé à un service de tutelle du Ministère de la Justice qui les envoie d’abord dans un des centres fédéraux à Neder Over Hembeek ou à Steenokerzeel où ils passent par une phase d’observation et d’orientation. Une équipe éducative assez étoffée les y accueille et leur fournit une aide psychologique et sociale. Il s’agit là pour eux d’expliquer pourquoi ils sont en Belgique.
Ils sont demandeurs d’asile selon les conventions de Genève (ceux qu’on appelle « réfugiés politiques ») et la règlementation de leur résidence suit les mêmes procédures que pour les majeurs, même si l’Office des Étrangers et le Commissariat général ont chacun mis sur pied une cellule « mineurs non accompagnés ». Ou, ils ne le sont pas et passent par une déclaration d’arrivée. C’est souvent le cas de jeunes d’origine maghrébine dont le pays est politiquement stable et qui sont donc plutôt des réfugiés économiques.
Après la phase d’observation-orientation, les MENA sont envoyés vers un centre fédéral ou communautaire « de deuxième ligne » où ils mettent en place, avec l’aide d’adultes, un projet. Entre autres, celui d’aller dans une école puisqu’ils sont soumis à l’obligation scolaire.
Une des difficultés qu’ils rencontrent est de trouver une école qui les reçoive : leur passé scolaire chaotique ou le fait qu’ils soient sans documents, rend frileux. Ils trouvent généralement une école en discrimination positive. Souvent, ils se retrouvent dans le même genre d’école, dans des quartiers défavorisés. Ils se vivent alors comme étant relégués dans des « écoles pour étrangers ». Ils aimeraient entrer en contact avec toutes sortes de jeunes et ce premier sentiment d’être comme assigné à un type de lieu n’est pas porteur pour eux.
Ce serait d’ailleurs formateurs pour les jeunes des écoles en quartiers plus favorisés : ils pourraient entrer en contact avec des jeunes fragilisés et apprendre d’eux, à eux, avec eux.
C’est comme si les uns se protégeaient des autres. Mais qui a le plus besoin de protection ?
Pas seulement pour protéger ces mineurs, mais pour leur permettre de trouver une accroche et du sens à leur projet d’école. Rencontrer des enseignants patients et ouverts leur est précieux, d’autant plus qu’ils ont dû aménager leur projet : souvent, ils espéraient travailler le plus vite possible pour pouvoir aider leur famille, mais voilà qu’il faudra plus de temps puisqu’ils doivent d’abord aller à l’école.
Une bonne expérience dans une école, de bons rapports avec des enseignants leur allègeraient aussi un peu la dureté des procédures. Les adultes de l’école sont souvent pour eux plus que des enseignants. Ils leur permettent d’être dans une relation par laquelle ils pourraient reprendre confiance, produire des savoirs. Autre chose donc que les rencontres plus liées au judiciaire même si le soin apporté à celui-ci s’est trouvé travaillé par des adultes alertés.
Parce qu’une question importante pour ces mineurs concerne leur représentant légal, entre autres dans toutes les procédures qu’ils sont amenés à suivre, la loi Tabita adoptée le 24 décembre 2002 et entrée en vigueur le 1er mai 2004 a permis de créer un service de tutelle. Depuis lors, tout MENA doit se voir désigner un tuteur chargé de le représenter, de l’assister, de défendre ses droits et de veiller à ce que ses intérêts soient garantis. Des associations réunies en plateforme « mineurs en exil »[1]Plateforme constituée en juin 1999 face aux constats des vécus de ces mineurs et à un certain manque de volonté politique pour les améliorer., y ont largement contribué. Elles continuent à poursuivre trois objectifs majeurs :
– échanger des informations sur les interventions respectives de chaque association en vue de tenter de décloisonner la prise en charge de ces mineurs ;
– améliorer cette prise en charge, dans l’état actuel de la législation (ex : si des mineurs sont en centre fermé, quelles humanisations ? NDLR) ;
– formuler des propositions de modifications de la législation, des règles administratives et des procédures.
À la suite de l’affaire Tabita[2]Petite congolaise de cinq ans expulsée seule au Congo alors que sa maman l’attendait au Canada., une section d’avocats volontaires a aussi été créée pour suivre les dossiers des mineurs et un système d’alerte a été mis sur pied chaque fois qu’un mineur arrive en centre fermé.
C’est bien utile parce que la matière est complexe : au croisement du droit des étrangers, de la protection de la jeunesse, de l’aide à la jeunesse, de l’aide sociale et même de procédures pénales. Et s’y surajoutent l’organisation de la scolarité (inscription, obligation, homologation des diplômes, équivalence des études faites à l’étranger), l’accès à certains droits sociaux (mutuelle, allocations familiales…). Cela signifie que plus que pour d’autres personnes, parce que celles-ci sont particulièrement démunies, il importe qu’existent des avocats spécialisés.
Il importe qu’il existe des écoles, des associations, des enseignants, des tuteurs, des avocats compétents et attentifs.