Lieux de parole (Les)

Donner la parole aux élèves, en instituant des lieux appropriés, est la marque première du respect qui leur est dû, en même temps qu’elle permet à l’enseignant de mieux gérer les problèmes de discipline.

Les lieux de parole sont pour nous une solution pour traiter les problèmes de violence et pour aider les élèves dans leur apprentissage de la citoyenneté.
Un lieu de parole est un espace symbolique défini quant à sa durée, son objet, sa périodicité et sa place dans l’emploi du temps. Dans une Classe, il existe plusieurs lieux de parole, différenciés et clairement définis. Ils vont servir essentiellement à différer la parole des enfants pour mieux l’entendre : aucune demande ne sera traitée dans l’urgence, aucune parole ne sera entendue dans un lieu qui ne lui est pas réservé. L’enfant est renvoyé systématiquement au lieu approprié (« quoi de neuf », bilan, « ça va, ça va pas », Conseil…), car le seul moyen de garantir à chacun un temps personnel de communication est d’instaurer un espace-temps reconnu par tous. Sans lieu de parole institué, comment écouter chacun sans faire de favoritisme, sans renvoyer arbitrairement celui qui a peut-être le plus besoin d’être entendu ?

Le « quoi de neuf »

C’est le lieu de la parole personnelle, libre. II peut se dérouler tous les jours et durer entre 15 et 30 minutes. Chacun y raconte ce qu’il veut. L’enfant se fixe là ses propres limites de ce qu’il veut dire ou non au groupe. Il est également libre de se taire. Un rituel d’ouverture et de fermeture clôt cet espace. Un président note les inscriptions, distribue la parole pour permettre les échanges et la communication. On y apprend donc à s’exprimer, à· se faire entendre dans un groupe, à échanger avec les autres.
À la fin du temps imparti, des élèves qui n’auraient pas pu s’exprimer sont inscrits en priorité au prochain « quoi de neuf ». Deux règles peuvent être mises en place, dès le premier « quoi de neuf » : – On écoute celui qui parle. Celui , qui est « gêneur » deux fois sort du « quoi de neuf », pour la séance. – Ce qui est dit au « quoi de neuf » n’est pas répété en dehors de la classe. [1]L’enseignant prend lui aussi l’engagement, sous réserve que les propos du « quoi de neuf » ne tombent pas sous le coup de la loi (violences, actes délictueux…)

Le « ça va, ça va pas »

Il permet de terminer, de commencer une activité ou une journée en exprimant son ressenti.
Le président ouvre le moment, puis fait un tour de table où chacun s’exprime brièvement (« ça va » « ça va pas »… ). Pendant ce moment, on parle pour soi-même et on n’intervient pas sur la parole de l’autre.

Le conseil

Institution centrale de la classe, le conseil est le lieu de décision, de régulation des conflits (râlages), de règlement des infractions et des transgressions à la loi et aux règles, Il est aussi le lieu de reconnaissance des progrès (félicitations, attribution des ceintures de comportement), de supervision des projets collectifs (journal, sorties, nouvelles activités) et de prise de responsabilités par les élèves.
Le conseil est la réunion la plus importante de la classe institutionnalisée car les décisions y sont prises par les membres de la classe. Problèmes, conflits mais aussi progrès, propositions, mode d’organisation du travail y sont débattus et traités.
C’est l’institution la plus difficile à mettre en place, qui demande un certain temps de pratique. [2]Voir pour le démarrage du conseil : Fernand OURY et Catherine POCHET, Qui c’est l’conseil ?, Paris, Maspero, 1978.
Le conseil a lieu généralement une fois par semaine et dure (selon l’âge des enfants) de 30 minutes à une heure. Il vaut mieux que sa place à l’emploi du temps soit fixe, car cette institution fait souvent repère et trace [3]Nous entendons « trace » au sens de Max Pagès : il y aurait une connexion entre quelque chose de psychologique t quelque chose de corporel (être assis là ensemble, au conseil). Max PAGÈS, … Continue reading pour les élèves.
Il existe de nombreuses manières d’animer un conseil. Le président commence la plupart du temps par ouvrir le conseil, noter les absents, relire les décisions du conseil précédent puis définir l’ordre du jour. Chaque participant peut inscrire une question à l’ordre du jour. Pour chaque question, le président peut établir un minutage et un ordre de passage (points 1, 2… ). Ensuite, il donne la parole à celui qui s’est inscrit. Le président ouvre la discussion par un maître-mot : « Qui veut prendre la parole sur ce sujet ? ». Lorsque la discussion s’enlise, il relance : « Qu’est-ce que tu proposes ? » Puis à l’issue du débat, le président fait reformuler les différentes propositions. Enfin, il fait voter la décision écrite ensuite par le secrétaire.
La difficulté est de s’assurer que les propositions soient compatibles entre elles et avec la loi (voir le chapitre 2), de veiller à ce que certains ne prennent pas le pouvoir sur d’autres par le biais du vote. Aussi, on pourra prendre les décisions à l’essai, ce qui permettra d’y revenir au prochain conseil. Lorsqu’une décision est prise d’effectuer quelque chose, il est important de désigner qui en sera chargé. Le conseil est le lieu de la parole efficace.
On peut, également diviser le conseil en parties, chacune déterminée dans le temps : propositions, tour des responsables, râlages, félicitations. Lorsque le temps imparti est terminé, les questions non traitées inscrites à l’ordre du jour deviennent prioritaires pour le prochain conseil. Des cahiers (ou des affichages) peuvent être mis en place pour aider à préparer l’ordre du jour : affichages ou cahier de râlages, de critique à responsable, de félicitations, de propositions.
EN BREF : l’être humain est d’abord et avant tout un être de langage. Savoir s’exprimer devant le groupe, utiliser les lieux de parole adaptés à ce que l’on veut dire pour que son propos puisse être entendu et reçu sont des apprentissages essentiels. Ils sont rendus possibles dans la classe institutionnalisée, où l’enfant dispose de différents lieux de parole variés quant à leurs objets, qu’il peut utiliser pour se faire entendre. Les lieux de parole travaillent aussi fondamentalement et directement à la prévention de la violence et à l’apprentissage de la citoyenneté. Peu à peu, des mots peuvent éviter des violences physiques, tandis que se constitue un espace où les droits et les devoirs de chacun sont sans cesse travaillés, explicités.

Documents joints

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 L’enseignant prend lui aussi l’engagement, sous réserve que les propos du « quoi de neuf » ne tombent pas sous le coup de la loi (violences, actes délictueux…
2 Voir pour le démarrage du conseil : Fernand OURY et Catherine POCHET, Qui c’est l’conseil ?, Paris, Maspero, 1978.
3 Nous entendons « trace » au sens de Max Pagès : il y aurait une connexion entre quelque chose de psychologique t quelque chose de corporel (être assis là ensemble, au conseil). Max PAGÈS, Trace ou sens, le système émotionnel, Paris, Hommes et groupes éditeur, 1986.