En sortant de l’école normale, je n’y étais pas du tout préparée. Armée du livre recommandé par notre professeur « Des mathématiques aux enfants – Savoirs en jeu(x) » de A. Lemoine et P. Sartiaux, j’étais convaincue que les jeux, libres ou de société, représentaient des situations stimulantes qui permettaient un accès naturel aux savoirs, au contraire d’activités plus traditionnelles au cours desquelles les enfants étaient invités à relier une carotte à chaque lapin ou à colorier autant de pommes que de poires, rejetant la correspondance terme à terme avec l’eau du bain.
Quand je suis devenue titulaire d’une classe de troisième maternelle, mes collègues de primaire, qui utilisaient tous les propositions de la collection ERMEL, m’ont invitée à me plonger dans le livre consacré à la numération en grande section. S’il m’a permis de mieux percevoir les enjeux didactiques des situations proposées et surtout de comprendre l’importance de la résolution de problèmes pour donner du sens à l’apprentissage des nombres, il m’a encouragée à le faire en m’appuyant sur les connaissances hétérogènes des élèves et sur l’apprentissage ritualisé de la comptine numérique.
Cependant, si ces propositions méthodologiques étaient productives pour de nombreux enfants, plusieurs s’enfermaient dans des actions stéréotypées de comptage alors qu’ils ne parvenaient pas à se représenter les premiers nombres ou à les utiliser pour agir. La lecture du livre « Premiers pas vers les maths – Les chemins de la réussite à l’école maternelle » de R. Brissiaud ainsi que l’utilisation des albums à calculer qu’il a conçus avec A. Ouzoulias m’ont sensibilisée aux différentes façons de représenter les nombres et en particulier aux spécificités des signes linguistiques et des collections-témoins pour permettre aux élèves de se créer des représentations mentales porteuses de sens.
Toutefois, c’est le livre « Le nombre à l’école maternelle – Une approche didactique » de C. Margolinas et F. Wozniak qui m’a le plus éclairée sur la dialectique enseignement/apprentissage et sur la nécessité de partir des fondements si on veut éviter de participer à la construction d’inégalités scolaires : les savoirs mathématiques à transmettre aux élèves, mais aussi les savoirs didactiques de l’enseignant pour y arriver.
Quand j’enseigne, est-ce que je propose des activités (en cherchant à les comprendre et à les aménager en fonction des circonstances) ou est-ce que, consciente des enjeux de l’acquisition du nombre en maternelle, je parviens à traduire dans la vie de la classe les situations fondamentales qui permettront à chacun des élèves de s’y investir avec succès ?