Monographie, un regard (La)

Aout 1975, je fais mon troisième stage de Pédagogie Institutionnelle avec ceux qui s’appellent alors les G.E.T. À la fin de ce stage, on me propose de faire un groupe monographique qui travaillera sur ma classe. Le groupe se forme : à 9 nous nous réunissons en week-end, travaillons pendant deux ans sur les notes des conseils, sur ce que je raconte moi, institutrice d’école élémentaire, de ce qui s’y passe. Et surgissent des personnages : ceux qui font plus ou moins craquer les institutions que je mets en place, particulièrement Patrick et Yoni. Apparaissent aussi les petites filles sages, Christiane et les autres, si sages, si efficaces. Mais elles restent en arrière-plan ; je les oublie un peu, et le groupe avec moi ; il entérine tout au long de ces deux ans l’idée d’une histoire à trois : Patrick, Yoni et moi. Et c’est maintenant que le paradoxe pour moi devient évidence, moi qui prétendais rendre la parole à tous, faire une place à chacun et aider particulièrement les filles à prendre la leur ! En fait, les filles je ne les écoutais pas, elles ne m’intéressaient pas vraiment. Mon regard était tourné vers ces deux ou trois « Vedettes » qui remuaient, me provoquaient, me fascinaient. Je me reconnais en eux et ils sentaient qu’ils m’intéressaient. Ce paradoxe entre l’intention si fermement ancrée et la situation créée, je n’ai pu le découvrir que grâce à cette écriture finalement solitaire à partir du travail monographique poursuivi pendant deux ans. Le regard étonné que je porte maintenant sur cette classe montre que ce travail a changé quelque chose pour moi, et je crois pour tous les participants à ce groupe. De ce que nous cherchions, rien n’était donné d’avance. Mais pour arriver à ce regard neuf, quelle aventure ! Christiane ou le paradoxe des petites filles sages

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