…Si votre enfant n’a pas soif de connaissance, s’il n’a aucun appétit pour le travail que vous lui présentez, ce sera de même peine perdue que de lui “entonner ” dans les oreilles vos démonstrations les plus éloquentes. C’est comme si vous parliez à un sourd. Vous pouvez flatter, caresser, promettre ou frapper, le cheval n’a pas soif! Et méfiez-vous : par votre insistance ou votre brutale autorité, vous risquez de susciter chez vos élèves une sorte de dégoût physiologique pour la nourriture intellectuelle, et vous boucherez à jamais peut-être les chemins royaux qui mènent aux profondeurs fécondes de l’être.
Donnez soif par quelque biais que ce soit. Rétablissez les circuits. Suscitez un appel du dedans vers la nourriture souhaitée. Alors les yeux s’animent, les bouches s’ouvrent, les muscles s’agitent. Il y a aspiration et non atonie ou répulsion. Les acquisitions se font désormais sans intervention anormale de votre part, à un rythme qui est sans commune mesure avec les normes classiques de l’École.
Toute méthode est regrettable qui prétend faire boire le cheval qui n’a pas soif. Toute méthode est bonne qui ouvre l’appétit de savoir et aiguise le besoin puissant de travail.
Célestin FREINET, Les dits de Mathieu, (Donner soif à l’enfant p. 25), Delachaux et Niestlé Ed.
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