Nouvelles écoles. Choix nouveaux ?

Tout le monde crie à l’explosion démographique en Communauté française. Les chiffres alarmants annoncent une surpopulation des écoles (et des crèches) pour les années à venir. Tout le monde y va du sien pour tenter de trouver des solutions pour caser ces bambins.

Bruxelles est constituée de quartiers aisés, mixtes et pauvres. Les migrations de nouveaux sédentaires, les restructurations de certains quartiers, l’envolée des prix du logement et la crise immobilière ont modifié ou renforcé les compositions de certains de ces quartiers. Les familles avec des enfants en bas âge préfèrent (ou n’ont pas trop le choix) rester en ville et tenter de garder la tête hors de l’eau. Les quartiers défavorisés permettent peu ou pas d’émancipation sociale ou économique.

Quelles nouvelles écoles ?

La question de la scolarité de ces publics – quels qu’ils soient – émule nos instances. Où créer ces établissements qui accueilleront les élèves ? Comment les gérer ? Quelles pédagogies ? Pour quels publics ? Autant de questions qui se doivent d’être débattues avant la mise en place d’infrastructures.

La tendance du moment voudrait que l’on ouvre des écoles à pédagogies particulières. Est-il encore utile de rappeler ce vers quoi tendent ces écoles ? Les écoles de type Decroly, l’Autre école accueillent un milieu assez aisé. Forcément, ces écoles parlent directement aux parents de ces milieux et ce sont les parents de ces milieux-là qui poussent pour la création d’écoles à pédagogies actives ou particulières. Pourtant, la problématique n’est pas tant le type d’école à ouvrir, mais plutôt quels moyens mettre en œuvre pour les élèves de milieux défavorisés.

Il est de connaissance publique que les écoles rêvées par les professionnels de l’éducation sont des écoles dans lesquelles on abolirait le transmissif. Par transmissif, s’entend que le maitre est seul détenteur du savoir qu’il transmet à ses élèves, ces derniers étudient puis appliquent leurs connaissances lors d’exercices ou de contrôles. Le modèle connu des milieux populaires est ce modèle de pure transmission des savoirs. Personne n’est à blâmer, ce modèle est le seul connu dans ce milieu-là et il a ses côtés rassurants. Il est intéressant de laisser s’exprimer toutes les voix pour la création des écoles, mais il est aussi de notre devoir de remettre sur la table la discussion du rapport aux savoirs, de guider tout qui entre dans ces décisions pour ouvrir vers des opportunités de lancement d’écoles à pédagogies particulières pour tous les milieux de notre société.

La relation école-famille, école-milieu

Quelle place pour quels parents ? Pour créer ces nouvelles écoles, il serait intéressant de repenser la place de la famille au sein de l’école. Multiplier les accès compliqués à l’école ne ferait que renforcer les inégalités entre parents « concernés » et parents « démissionnaires ». Permettre des lieux et des moments d’explicitations et d’échanges entre parents et enseignants renforcerait par contre le partenariat entre l’école et la famille. Cependant, gardons à l’esprit que les parents de classe « moyenne » participeront à ces échanges mais que les familles populaires, lorsqu’on leur ouvre nos portes de classes et d’écoles, ne viennent que très rarement. Il faut dès lors repenser l’accueil de ces parents : faut-il ne les faire venir que lorsqu’il s’agit de rendre le bulletin ? Manifestement non ! Ouvrons les portes de nos classes pour faire travailler parents et enfants dans un but commun, constituer un rapport à l’école qui soit positif, qui n’effraie plus et dans lequel chacun trouve une place cohérente. Il faudrait amener les parents à l’école via le quotidien et la réalité de leurs enfants, cela favoriserait – à mon sens – une compréhension de l’Institution et diminuerait idéalement les écarts entre parents.

La mode de la mixité à l’école bat son plein. Cette mixité, tout le monde la prône et tout le monde la veut : c’est une valeur tellement évidente de vie en société qu’il faudra faire avec. Seulement, les moyens pour y arriver peuvent jouer en la faveur des uns ou des autres. Les changements démographiques prévus risquent de fortement troubler les petites cases fraichement construites. Des priorités devraient être ciblées pour que chacun trouve une place dans cette relation des plus complexes. La mixité se fait, mais elle se provoque aussi. Le décret pour l’inscription dans le secondaire est fastidieux, mais il permet de pallier en quelque sorte aux inégalités d’accession aux écoles « prisées ». Tout le monde est remis sur la ligne de départ et attend le coup de feu qui annonce le début de la course. Les enjeux de la mixité dans les écoles sont nombreux, cette mixité permettra une évolution de la société vers un mieux tant au niveau éducatif que social. Les pouvoirs organisateurs devront faire un réel travail d’informations et d’accompagnement lors de la création de ces écoles.

Un chantier qui promet

Il est assez évident que la question de la création de nouvelles écoles ne va pas se résoudre en quelques jours. Nombreux seront les questionnements qui surgiront tout au long du processus et nombreuses seront les phases de recul nécessaire pour anticiper les complications d’un tel chantier. Cependant, c’est dans des moments et des lieux de recherche d’un mieux que les solutions pourraient surgir. C’est en collaborant avec les professionnels de l’enseignement (de tous les niveaux et de tous les milieux qui soient) que des avis intéressants se dégageront. Inutile de foncer tête baissée, car tout acte impulsif ne ferait qu’engorger ce dossier déjà bien brulant.

Avancer à petits pas, avec des remises en question des modèles trop ancrés dans notre société, permettra une meilleure compréhension des enjeux de la création de ces nouvelles écoles. Bien entendu, on assistera peut-être à des « gue-guerres » entre parti(e)s, on se noiera dans une course aux euros, mais il est évident qu’il faudra créer ces écoles, quoi qu’il en soit. Au mieux, les instances publiques prendront les décisions et trancheront dans les débats, des écoles s’ouvriront, mais doit-on pour cela accepter toutes les propositions aussi saugrenues qu’elles soient au nom du manque de place… ?