Pièce importante d’un pan d’histoire de Belgique, ce livre1 a été voulu
par « Le Foyer ». Et ce n’est pas un hasard… Attentif aux nouvelles migrations
de ce siècle (Roms, personnes venues d’Afrique subsaharienne, d’Afghanistan, de Syrie…), le Foyer (ASBL) situé à Molenbeek, a été présent dès la première heure des plus anciennes migrations, multipliant des initiatives variées, toujours émancipatrices et de qualité, avec toute une population, en général issue de milieux socio économiquement défavorisés.
Dans le cadre des 50 ans de l’immigration marocaine et turque, le Foyer
a tenu à rendre hommage à la première génération de ces hommes et de
ces femmes venus ici, en réponse aux demandes de main d’oeuvre, ou pour
rejoindre la famille, dans les années 60 et au début des années 70.
Pour ce faire, le Foyer a chargé le bureau de recherche historique
« Geheugen Collectief » (Collectif de la mémoire) de faire revivre cette
époque en interrogeant ceux qui l’ont connue de près : 34 Bruxellois et
Bruxelloises d’origine turque ou marocaine ainsi que 9 autres témoins qui
ont été en contact étroit avec eux, souvent pour des raisons professionnelles.
Le choix de la période est voulu. Il s’agit des années qui séparent la
signature des accords bilatéraux avec le Maroc et la Turquie et l’annonce
de l’arrêt officiel de l’immigration. Il était grand temps que la parole soit
donnée aux pionniers de ces années-là.
« L’histoire du petit travailleur étranger qui a participé à la construction du
Berlaymont ou du métro reste à écrire. Et il serait bon qu’on le fasse. Toutes les
vertèbres brisées qui ont fait de Bruxelles ce qu’elle est méritent bien un musée,
une statue, ou à tout le moins une étude. » écrivait Hans Vandecandelaere.
« On est là » est une contribution qui répond à ce souhait.
Le livre nous plonge dans une réalité à la fois historique, collective et
propre à chaque protagoniste. Son fil rouge est constitué par le parcours de
ces travailleurs, depuis leur départ du pays d’origine, de tel ou tel petit village
souvent. La question centrale est de savoir comment cette génération
de migrants est parvenue à se construire une existence nouvelle à Bruxelles.
Les auteurs ont tenu à situer ces récits dans le contexte historique (économique,
politique, social, syndical) de l’époque. Ils nous expliquent leur
méthode de rencontre avec les personnes interviewées et confrontent les
récits de ces personnes à des données scientifiques et à d’autres sources. Un
travail d’historiens donc, avec une accentuation de l’importance accordée
au vécu des personnes (et pas seulement aux statistiques et aux documents
officiels). Ce livre se lit facilement, presque comme un roman. Il nous met
en présence de morceaux de vies tour à tour émouvants, durs, amusants,
étonnants, attendrissants.
Vraiment un beau livre, important pour les cours d’histoire, de sciences
sociales et d’étude du milieu. Important pour les générations suivantes,
issues de ces migrations ou non. Important pour tracer des fiertés et aussi
peut-être pour puiser dans le souvenir des points d’appui pour l’avenir.
« On est là », Texte en néerlandais par J. Raats, I. Léonard et
H. Vandenbroek, traduction française