P56 au travail !

Nous le savions déjà : P56 c’est cette grande classe de quarante-huit élèves de 5e et 6e primaires qui fonctionnent ensemble avec deux institutrices drôlement organisées et très heureuses de leur coopération.

Après avoir lu les prémisses de cette classe, les découvertes des enfants en classe verte, le chemin fait par et avec les parents, il convient de s’arrêter aux activités de la classe bien sûr.

J’ai vu trois modalités de travail.

La première, c’est le travail séparé : des activités, pour chaque classe, les deux titulaires dans un des deux espaces séparés par une porte-accordéon. Les enfants de 5e étaient confrontés à une situation-problème en mathématiques. Ils découvraient la mise en place de la technique opératoire de la division euclidienne en devant résoudre un problème par manipulation.

Pendant ce temps, les enfants de 6e suivaient le cours de néerlandais avec un professeur spécialisé.

Plan de travail personnel

La seconde, c’est le travail autonome : chaque enfant possède un classeur comprenant un plan de travail et des documents à traiter de façon individuelle, dans différents domaines. Il s’agit de pouvoir faire seul, une série de travaux en mathématiques, en français ou en éveil. Certains exercices sont des drills de calcul mental, d’autres sont des situations problèmes, une lettre à rédiger pour les correspondants, des exercices d’entrainement en rapport avec une nouvelle matière découverte les semaines précédentes. Chaque enfant dispose d’un plan d’avancement où sont reprises toutes les fiches à faire accompagner d’une case à colorier lorsque le travail est effectué. La date de remise du classeur terminé est notée sur le plan d’avancement. Le délai de ce travail varie entre quatre à six semaines.

Des fardes avec les correctifs sont à disposition des enfants. Ils doivent se corriger eux-mêmes et noter leurs résultats sur leur plan d’avancement. Si l’enfant a réussi au moins huit exercices sur dix, il peut colorier sa case en vert : ça marche, il a compris ! S’il a réussi sept exercices sur les dix, il écrira « 7 » dans sa case et doit se corriger et comprendre ses erreurs. S’il a en dessous de sept, il colorie sa case en rouge : ça veut dire que ça ne va pas et qu’il doit s’organiser pour demander de l’aide et l’obtenir auprès d’un autre enfant ou d’un professeur.

Ce travail les prépare à des tests qu’ils passeront la semaine qui suit la remise des travaux terminés.

Après les tests, les résultats sont repris de la même manière que sur le plan d’avancement, avec les couleurs vertes, rouges et le chiffre « 7 ».

Chaque enseignante responsable chacune d’un niveau (l’une la 5e, l’autre la 6e), note les résultats de chacun de ses élèves dans son journal de bord. On passe alors à la semaine de remédiation. Les enfants font des demandes par écrit pour avoir l’aide désirée à propos de leurs tests rouges qu’ils devront repasser.

Un tableau mural s’organise pour savoir qui a besoin d’aide et qui veut bien aider. Les remédiations se font la semaine suivante pendant les heures de travail individuel.

J’ai été impressionnée par le calme et l’autonomie des enfants pendant ce temps de travail-là. Chacun était occupé par sa tâche, se déplaçait pour aller chercher des informations ou demander un conseil à l’une des deux enseignantes. Celui qui m’a donné des explications (très claires) aimait manifestement s’organiser de cette façon.

Tous ensemble

La troisième façon de travailler, c’est ce qui se fait à quarante-huit, les deux classes ensemble donc. J’ai participé à une de ces activités qui a lieu tous les vendredis : des enfants apportent des faits d’actualité. Ils les présentent en quelques traits, à l’aide d’une fiche pareille pour chacun. Sur la carte du monde sont pointés chaque fois, les lieux où se passent les faits.

Les enseignantes racontent : « En février, dans le cadre de ces cours-là, les enfants ont fait un grand travail à propos d’Ingrid Bétancourt. »

Neuf heures, cloison ouverte, espace transformé et dégagé pour un temps d’écriture, quelques tables espacées dans le grand local avec des bougies allumées, une lumière tamisée, le son de la musique de la chanson de Renaud. Une dizaine d’affiches sur les tables reprenant les premiers mots, les premières phrases et des dessins qui exprimaient le ressenti des enfants après le visionnement d’un reportage sur la Colombie et de l’interview d’Ingrid Bétancourt par Michèle Cédric, peu avant sa capture par les Farcs.

Les quarante-huit enfants voyagent en silence dans la grande classe pour découvrir le contenu des affiches. De temps en temps, une des deux enseignantes arrête la musique, aussitôt les enfants s’arrêtent et l’autre enseignante interpelle l’un et l’autre enfants qui liront à haute voix un mot ou une phrase qui se trouve sur l’affiche qu’ils ont devant eux. La musique reprend, on repart dans la balade, et ainsi de suite. 07-illu-saga.jpg

Moment fort, respectueux, calme, émouvant ! Les enfants se partagent ainsi leurs ressentis en exprimant des choses fortes. « La Colombie souffre », « Ingrid, de l’endroit où je suis, j’ai une pensée pour toi », « Je trouve que tu es une femme courageuse », Être humain, c’est aller au-delà de ce qu’on sait faire ! », « Rien n’est impossible quand on y croit vraiment », « Ton histoire restera dans nos mémoires », « Tout le monde te soutient, reviens-nous ! » Etc.

Le voyage se termine quand on a tout lu. Chaque enfant s’installe alors à une table où il trouvera deux feuilles de brouillon, un crayon et un Eurêka (dictionnaire orthographique). Consigne, toujours dans une ambiance calme et sereine : « Vous allez écrire un texte. Ce texte peut être une lettre adressée à Ingrid Bétancourt, à Mélanie (sa fille), à Lorenzo (son fils), aux parents d’Ingrid ou un texte à dire au rassemblement du 13 février et qui s’adresserait alors à tout le monde. Vos lettres seront envoyées à la famille Bétancourt. »

Et voilà les quarante-huit enfants plongés dans un plaisir d’écrire, illuminés par une petite flamme posée sur leur table et entourés d’un fond de musique latino. Au fur et à mesure qu’un enfant avait fini son texte, Florence ou Bernadette allait près de lui pour corriger son travail avec lui. Une fois corrigé, il recevait une feuille de couleur pour rédiger son texte au propre et faire une illustration ou bien lui apporter une petite touche personnelle.

À midi, toutes les productions étaient terminées.

L’animation de cette matinée par les deux titulaires fut productive pour tout le monde. Le rythme était soutenu et varié. Les enfants n’ont pas vu le temps passer et les enseignantes elles-mêmes étaient surprises d’être arrivées si vite à un travail fini et superbe !

Les enfants ont aussi appris la chanson de Renaud, « Dans la jungle » et l’ont chantée sur la Grand Place de Louvain-la-Neuve, le 13 février, journée de solidarité organisée par la ville.

Ingrid,

De l’espoir, tu en apportes en Colombie,

Aller au-delà de ce qu’on peut faire, tu l’as dit,

Aller jusqu’au bout, tu le voulais,

Ton arme et ton bouclier sont tes mots.

Nous espérons que tu vives encore,

Tu dois rester vivante pour les Colombiens, pour tes enfants, pour l’espoir que nous avons.

La justice en Colombie n’est pas juste,

C’est pour faire régner la paix et la justice que tu as tout abandonné : ta belle vie luxueuse, tes enfants, ton mari.

Ce qui a été le plus dur pour toi, tu nous l’as dit dans une interview avec Michèle Cédric, c’était de quitter tes enfants.

Voilà, je crois que je t’ai tout dit en espérant que tu ressortiras vivante et qu’un jour, tu verras ce message et aussi et surtout que tu pourras faire régner paix et justice et rendre l’espoir à la Colombie.


Inès, 12 ans

Cher Lorenzo,

Salut, je m’appelle François et je voudrais te dire bon courage et je te soutiens à 100 %. Je comprends ta tristesse car ça doit être dur d’entendre que ta maman Ingrid a été kidnappée et c’est pour cela que nous allons nous rassembler sur la « Grand’ place » de Louvain-la-Neuve. Nous avons déjà appris beaucoup de choses sur la Colombie, en classe avec nos professeurs. Nous avons vu des reportages sur ta maman, on nous a expliqué ce qu’est la corruption.

Je te souhaite bonne chance et nous te soutenons tous !

Bon courage, bonne chance !


François, 11 ans

Chère Mélanie,

Je trouve que tu as une maman dont tu peux être fier.

Sans elle, les Colombiens vivraient pendant des milliards d’années dans le mensonge. Elle a le courage de dire la vérité dans n’importe quelle condition, même quand elle a des lettres menaçantes de la tuer, elle n’a pas peur pour son pays, elle donne sa vie !

C’est une femme que toute la terre devrait admirer. J’espère que tu vas bientôt la serrer dans tes bras. On n’oubliera jamais son combat.

Je suis de tout cœur avec toi.


Lou, 10 ans