Pacte d’excellence : les conditions sont-elles réunies pour changer l’école ?

Les réformes futures ont la capacité de faire évoluer l’école. Mais cela nécessitera la contribution de tous.

J’ai lu ce 20 mai l’opinion “Comment faire pour réintégrer un cancre à sa classe”, et je ne résiste pas au besoin de répondre et de prolonger la réflexion pour arriver à d’autres conclusions.

Des moyens pour éviter les blessés

Comment conclure avant même le déploiement des nouveaux moyens et dispositifs (qui feront suite au Pacte d’excellence) que “pas de chance, il n’y aura pas les moyens et nous allons être obligés de continuer à faire de la gestion de troupeaux” ? Les moyens, il y en a : pour le renforcement de l’apprentissage du “français langue d’apprentissage”, pour l’accompagnement personnalisé, la coordination pédagogique, dans le maternel et pour les écoles en écarts de performances. Et le suivi de ces moyens est prévu : s’ils ne suffisent pas ou ne conviennent pas, il faudra les réorienter ou les augmenter, mais cette évaluation est prévue et on imagine bien que les syndicats et les PO seront au taquet.

Par ailleurs, c’est comme si nous n’avions pas lu le même décret. Non, il n’y a pas de sanctions si on n’atteint pas les objectifs qu’on s’est fixés. La seule conséquence sera de revoir les stratégies et actions mises en œuvre pour essayer d’atteindre mieux les objectifs que se fixe l’école pour tenter d’améliorer la qualité de son enseignement et de réduire les inégalités en son sein. Il n’y a de sanctions prévues que pour les écoles qui refusent obstinément de poursuivre les objectifs d’amélioration fixés par les pouvoirs publics comme la lutte contre les inégalités par exemple. Mais n’est-ce pas normal et juste ?

Changer de lunettes

Ensuite, le tronc commun, ce n’est pas mieux s’occuper des cancres, c’est penser que tous les élèves sont capables si on se préoccupe de ce qui fait obstacle aux apprentissages pour eux dans les dispositifs existants. Il va falloir travailler avec les nouveaux référentiels, changer les pratiques : entrer dans la différenciation et l’évaluation formative, utiliser les deux périodes par semaine et par élève d’accompagnement personnalisé et il va falloir repenser la progression des apprentissages.

Donner plus d’argent a priori et diminuer la taille des classes ne servira à rien si on reste dans le modèle de la séparation en fonction des “types d’élèves” et l’adaptation des “apprentissages” plutôt que l’adaptation des dispositifs. Pas sûr, donc, que les 300 millions d’investissement prévus suffiront, mais on ne peut pas appeler ça faire des économies sur le dos de l’école.

Vo i r le “cancre” autrement

Le cancre, n’est-ce pas une vision caricaturale des difficultés scolaires qui nous évite de nous poser la question du fonctionnement de l’école et des blessés – non des cancres – qu’elle produit ?

Mais “que va-t-on faire de cet élève”, vous demandez-vous ? Ne pas en arriver là d’abord : éviter les blessés de l’école, nous pouvons le faire, à condition de revisiter complètement le début de sa scolarité. Vous l’aurez lu, via le Pacte et les travaux de la Fondation Roi Baudouin, l’entrée dans la culture de l’école et dans les apprentissages est en train d’être totalement revisitée. Et puis il y a les blessés de la vie… Là, l’école, les profs ne peuvent pas tout mais il y a des acteurs, des services autour dont c’est et ce devra être plus encore le boulot de prendre le temps de voir avec ces enfants et leur famille ce qui se passe, comment les soutenir pour qu’ils puissent être là et en condition d’apprendre.

Oui, la réintégration de cet élève dans la classe va nécessiter du temps et de l’écoute, mais pas pour lui faire comprendre que son attitude est vaine, d’abord pour comprendre ce qui se joue pour lui, et comment nous pouvons l’aider. Sans ce changement de posture, nous n’irons nulle part d’autre que dans les impasses actuelles de notre système scolaire.

Pour y arriver, et si on ne passait pas notre énergie à expliquer pourquoi ça n’ira pas, mais à relever ensemble le défi qui est devant nous de transformer profondément notre système scolaire pour permettre aux “perdus de l’école” d’apprendre beaucoup mieux ? Nous pourrions y puiser aussi une fierté retrouvée du métier d’enseignant, non ?