Plans de pilotage : un levier de réduction des inégalités ?

Article paru dans le dossier « Pilotage des écoles, comment atterrir ? » de la Revue Nouvelle 2022/01

La réforme des plans de pilotage répond avec d’autres mesures du Pacte d’excellence à la volonté politique de rendre notre enseignement plus efficace, efficient et équitable. Ces plans de pilotage sont élaborés au sein des écoles à partir d’indicateurs multiples recueillis par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi par l’école elle-même. Les écoles doivent choisir trois objectifs d’amélioration minimum parmi les sept ciblés par le Pacte. Après avoir fait valider ce plan par un ou une délégué·e au contrat d’objectifs le plan devient un contrat d’objectifs qui détermine les actions à mener pour les six années qui suivent et qui est évalué à mi-parcours. Mais, ce modèle de pilotage, tel qu’il a été imaginé et mis en place jusqu’à présent a-t-il réellement les moyens de contribuer à la réduction des inégalités entre élèves ?

Il est encore tôt pour se prononcer, mais ce texte aimerait au moins évo- quer plusieurs situations, observées en première vague d’élaboration des plans, pour apporter des éléments de réponse critique à cette question. Ces situations portent respectivement sur la com- préhension souvent non partagée des enjeux des plans, un dispositif d’élaboration qui mobilise trop peu la pédagogie, une impuissance à agir et des stratégies de détournement diffciles à contrer.

Partager le sens de la réforme

Quand on veut déterminer un cap commun à l’ensemble des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), il parait essentiel que ses membres en aient connaissance. Déjà en 1997, avec le décret mission, une tentative d’orientation commune avait été faite et il a fallu bien du temps pour que chaque enseignant prenne petit à petit conscience de ses missions. On sait donc à quel point il est difficile de mobiliser les enseignants pour qu’ils acquièrent de nouvelles connaissances qui touchent directement à leur fonction.

Le pari du Pacte est de miser sur l’analyse collective de la situation et l’autonomie laissée aux écoles pour choisir leurs objectifs d’amélioration et leurs stratégies pour y parvenir. C’est donc miser sur le travail collaboratif, la prise de décision collective, le leadeurship partagé, toutes compétences qui ne sont pas à priori au cœur du métier d’enseignant. Ce sont là, au-delà des connaissances à acquérir, de nouvelles compétences à mettre en œuvre. Or, depuis longtemps, on sait que les compétences c’est ce qu’il y a de plus diffcile à acquérir.

Il aurait donc fallu, dans chaque école :
“ Faire comprendre les objectifs d’amélioration pour l’ensemble du système scolaire.
“ Faire prendre conscience de la place spécifique de leur école dans ce système.
“ Développer les compétences de collaboration et de prise de décision collective.
“ Analyser la situation de l’école au regard des indicateurs.
“ Tenter de comprendre pourquoi c’est comme ça (causes racines).
“ Chercher des pistes de solution et mettre en place des stratégies, à savoir élaborer le plan de pilotage.

Pour réaliser ces plans, les écoles avaient trois jours de travail collectif (journées pédagogiques) avec le soutien des conseillers soutien accompagnement (CSA)[1]Les CSA sont sous l’autorité des fédérations de pouvoirs organisateurs. qui lors de la première vague s’appelaient encore souvent « conseillers pédagogiques » (mais qui avaient pour consigne de ne pas donner de conseil pédagogique).

Il est clair qu’en trois jours, il n’était pas possible de faire tout le chemin avec tous. Il a donc fallu tabler sur l’autonomie des personnes et des équipes pour s’approprier les trois premiers points dans une étape qui a été dénommée « mobilisation initiale » et qui était de la responsabilité des directions. Les CSA sont arrivés dans les écoles avec le projet de consacrer une journée à chacun des trois derniers points. Si on peut comprendre la logique qui amène ce choix, on en constate également tous les effets pervers.

Dans les faits, le sens donné aux plans, à leurs objectifs et à la démarche est loin d’avoir été partagé. Beaucoup d’exemples nous montrent que les participants n’avaient souvent pas compris le sens de ce qu’ils faisaient là, ne comprenant pas ce à quoi cela devrait servir, voire parfois, ne partageant pas les valeurs présentes dans les objectifs d’amélioration.

Dans les observations que nous avons pu faire dans des écoles, dans le cadre de l’étude en 2019, nous n’avons fait aucun entretien de conseillers, enseignants, parents, agents PMS ou directions qui illustrent, au démarrage du travail, une compréhension précise de la réforme, de son « pourquoi » et « comment ».

Chez les parents qui ont été sollicités par les écoles au travers de questionnaires (le plus fréquemment), nous avons pu observer les situations suivantes :
“ Un parent a été invité, par mail, à remplir un questionnaire, sans savoir dans quelle logique sa participation s’inscrivait.
“ Des représentants de parents ont entendu d’une direction, lors d’une réunion du conseil de participation, qu’ils « devaient répondre à des questions dans le cadre du plan de pilotage », sans obtenir plus d’informations que celles qui concernaient le code couleur du questionnaire.

Chez les enseignants :
“ Une équipe d’instituteurs est arrivée à une première concertation sans savoir ce qui l’attendait, notamment parce qu’aucune information n’avait été donnée, autre que celle des documents officiels placés dans une farde « fourretout », dans la salle des profs.
“ Bon nombre de conseillers aux plans de pilotage avec qui nous avons travaillé disent avoir dû suspendre leur travail autour des indicateurs, causes racines ou pistes d’actions, pour revenir sur le sens de la réforme et des objectifs du gouvernement, quand il ne s’agissait pas de présenter les quatre missions du décret de 1997.
“ Une présidente d’un pouvoir organisateur (PO) regrette de son côté la faible liberté donnée aux équipes. « Ils nous ont laissé croire qu’on pouvait choisir, mais en réalité les plans servent surtout à améliorer la réussite au CE1D, au CESS et éventuellement l’un ou l’autre point, ce qui n’est pas mal, mais n’est pas la même chose qu’un vrai choix. À la limite, ils nous auraient donné un plan, en nous disant voilà ça, ça devrait être vos objectifs, on aurait gagné du temps ». Ce qui pose fondamentalement la question du lien entre les objectifs de l’école et les objectifs du gouvernement ” un enjeu aussi pour les DCO et DZ (les directeurs de zone, qui coordonnent le travail des DCO au niveau d’une des neuf zones géographiques en FWB).

Le sens ambigu de l’évaluation par contrats d’objectifs se joue également sur la compréhension du rôle de chacun dans le processus d’élaboration, et des jeux de pouvoir éventuels qui apparaissent. Qui est qui, qui fait quoi avec quel pouvoir, quel mandat, quelle marge de manœuvre ? Un conseiller a pu être assimilé dans une école à un« représentant de l’État » ; une direction a pu se mettre fortement en retrait au profit d’un conseiller du PO, laissant entendre à l’équipe que pour les plans, il fallait voir avec lui ; plusieurs DZ et DCO ont pu nous dire que leur mandat ne portait pas sur le pédagogique, au contraire des conseillers, alors même que ceux-ci se disent « garants des outils » et de la bonne marche de la procédure, mais plus du « pédagogique ». Il y a là de sacrés malentendus.

Et puis il y a les outils utilisés, outils qui ne sont pas exempts eux-mêmes de difficultés ou d’ambigüité pour les acteurs qui les manipulent. Les questionnaires envoyés aux parents pour faire le miroir de l’école « s’adressaient à des gens huppés », « même les profs éprouvaient des difficultés parfois à comprendre les questions », « ils ciblaient clairement un public de parents francophones qui comprennent les nuances de la langue et qui ont investi dans l’école », dira une direction, confirmée dans son propos par plusieurs parents et agents PMS interviewés. Que fait-on des parents les plus éloignés de la culture scolaire ? Les questionnaires envoyés aux enseignants ne sont pas beaucoup plus clairs dans le sens où il n’est pas spécifié la manière d’aborder les questions posées, ou l’échelle à laquelle se situer (ma classe ? mon école ?). Le vocabulaire est parfois peu explicite : « soutenir les élèves en difficulté », « un usage pertinent des outils numériques », « une bonne entente entre élèves ».

Dans le fondamental comme dans le secondaire, il y a eu des ajustements concernant les outils d’animation. Efficaces pour les uns, violents pour les autres, les outils liés à l’élaboration des plans sont appréciés de façon très variable. Certaines directions inquiètes s’appuient volontiers sur eux et se disent reconnaissantes du soutien de leur conseiller aux plans de pilotage. D’autres y voient des instruments qui visent la « rentabilité » et font fi du travail « avec de l’humain ». Cette difficulté à manipuler les outils proposés par les fédérations de PO est particulièrement vive lors de la lecture des indicateurs du gouvernement, durant la première journée pédagogique. Le dispositif d’animation confronte dans des délais courts les équipes à un amas de données chiffrées et à des termes très techniques, et il leur demande qui plus est d’objectiver à froid des forces et faiblesses, sans compter sur l’affectivité qui accompagne le processus ou sur la tendance évidente à chercher immédiatement le « pourquoi ».

Le sens donné aux plans n’a en définitive rien d’évident. C’est un sens qui se cherche dans un va-et-vient entre la communication du gouvernement, le travail des fédérations de PO, celui des équipes, directions, DCO, celui véhiculé dans la presse, etc. Il y a encore beaucoup d’ambigüité ici. L’urgence de la réforme en est pour une bonne part responsable, mais pas seulement. La compréhension difficile et souvent minimale des plans ne tient pas seulement à un défaut de communication, elle provient également de craintes et résistances légitimes du point de vue des acteurs (crainte du regard des parents, crainte d’une nouvelle forme d’évaluation, injonctions paradoxales…). Certains résistent à une procédure « imposée d’en haut » qui semble remettre en question leurs pratiques individuelles et/ou collectives, en présupposant que ce qu’ils font ne répond pas à un « changement ».

Si les enseignants ne partagent pas le sens de la réforme, s’ils ne voient pas à quoi elle doit servir, s’ils n’en partagent pas les valeurs, le risque est grand qu’ils n’adhèrent pas au projet de réduire les inégalités ou qu’ils rejettent cette responsabilité vers d’autres sphères que leur classe.

Le pédagogique

Pour mettre en œuvre les plans de pilotage, les réseaux ont obtenu des moyens qu’ils ont mis en œuvre en envoyant les CSA accompagner les écoles dans la réalisation des plans de pilotage. Mais pour mettre tout ce monde en ordre de bataille, il a fallu concevoir des dispositifs formatés qui ont pris de ce fait des aspects procéduriers : jour 1 ” analyse des indicateurs, jour 2 ” causes racines, jour 3 ” recherche de solutions. Les outils utilisés aux différentes étapes étant plus ou moins standardisés d’un réseau et d’une équipe à l’autre.

La réforme des plans cherche à professionnaliser davantage les équipes éducatives, en déplaçant leurs représentations et pratiques. Elle les invite à changer de posture, pratiquer le travail collaboratif, identifier des faiblesses pour cibler des besoins futurs en formations… Mais ces différents ressorts n’ont pas, à notre sens, permis de mobiliser suffisamment de vrais échanges de fond autour des gestes professionnels.

Le pédagogique semble trop souvent avoir été relégué au second plan, au profit de tâches techniques (arbres à pourquoi, objectifs SWOT, etc.). Or, la pédagogie est bien ce qui fait le cœur du métier d’enseignant. En laissant cette question sur le côté, on a privé les participants de leur compétence principale en leur demandant de se prononcer de but en blanc sur des aspects ne relevant pas de leurs compétences actuelles. En les privant de ce point d’appui, on a pu déstabiliser, de manière trop radicale, des enseignants qui sont alors entrés en posture de résistance.

Dans un nouveau paysage institutionnel, il était aussi difficile de discerner qui peut questionner quoi. Comment alors garantir un cadre suffisamment serein pour que les enseignants puissent questionner leur pratique sans pour autant prendre sur eux toute la responsabilité des inégalités scolaires. S’engager subjectivement dans ce travail est une condition indispensable pour que les pratiques de classe évoluent réellement. Sans questionner les pratiques pédagogiques on loupe l’essentiel, en ne questionnant que le pédagogique on fait porter la responsabilité/culpabilité aux seuls enseignants.

Le danger est grand que les aspects techniques des plans prennent le pas sur le reste, en faisant finalement oublier les enjeux de fond. Les équipes glissent alors d’un projet d’autonomie à un exercice d’exécutant et d’équilibriste entre leurs intentions et celles de leur PO et DCO. Dans cet exercice, la question pédagogique essentielle de « comment faire pour que tous les enfants apprennent en classe ? » s’efface et la question des inégalités est rejetée comme une « cause externe » sur laquelle les enseignants estiment ne pas avoir de pouvoir d’action.

Impuissance organisée : l’externalisation

Tout le dispositif d’élaboration des plans, de l’analyse des indicateurs aux conditions de réussite des actions envisagées est marqué par un effort pour délimiter ce qui relève du pouvoir de l’école et ce qui ne dépend pas d’elle. L’externalisation est le fait de placer hors de son champ d’action, hors de sa responsabilité, un enjeu rencontré. Et la tendance a été fréquente de renvoyer des indicateurs qui étaient dans le rouge à des causes exogènes : la faute aux élèves, aux parents, au PO, à d’autres écoles, au quasi-marché scolaire…

Ainsi des indicateurs, que les DCO prennent pourtant en compte, comme ceux qui concernent le taux de redoublement des écoles, ont été négligés par certaines équipes disant ne pas avoir de prise sur cette réalité, parce que ce sont les autres écoles qui leur envoient un public difficile, ou parce que ce sont des élèves « qui ne travaillent pas », ou après tout parce que ce taux est finalement légèrement meilleur à la moyenne des autres écoles de même ISE, même s’il approche des 40 %.

La tendance inverse apparait aussi, sans forcément entrer en contradiction avec la première. Plusieurs enseignants interrogés se sentent mis en cause par le processus, culpabilisés par des données qu’ils reconnaissent par ailleurs, et sur lesquelles ils s’efforcent déjà d’agir à titre individuel. Une direction souligne ce phénomène : « individuellement, il y en a énormément qui se sont mis en cause, mais que ça devienne collectif, ça, ça n’a pas réussi ». Plusieurs ont été dans une même impasse ici : comment éviter l’externalisation sans tomber dans la culpabilisation ? Comment amener une rupture sans dire quoi faire ou faire à la place de ? Problème similaire que l’on soit à la tête d’une école, un conseiller, un groupe d’enseignants ou un DCO.

L’élaboration des plans reste pensée, organisée et fréquemment vécue à la hauteur du seul établissement. Or, pour réduire les phénomènes d’externalisation, il faudrait pouvoir agir à d’autres niveaux qu’au niveau local. En l’état, les équipes sont invitées à mettre de côté ce qui leur est « exogène », tout ce qui dans le diagnostic de leur école, la compréhension de leurs faiblesses et la recherche d’actions échappe à leur pouvoir. On met actuellement à la poubelle des enjeux essentiels à la lutte contre les inégalités, faute de se situer à la bonne échelle… Comment faire autrement ? Engager la responsabilité et le pouvoir d’autres acteurs ? À quand un véritable travail au niveau des zones pour réduire la concurrence entre établissements ?

À un autre niveau, les plans font ressurgir le besoin de faire des parents de vrais partenaires scolaires. Ce partenariat est difficile, voire non désiré, pour beaucoup d’écoles… Sur le terrain, la concertation est rarement à la hauteur du prescrit et des intentions du Pacte (cf. avis n° 3). Comment utiliser les plans comme un levier pour transformer, plutôt que reproduire, des liens famille-école pour qu’ils aident à soutenir les apprentissages des jeunes des milieux populaires ?

Détournements ?

L’élitisme assumé de certaines écoles, les stratégies de contournement ou encore la démultiplication d’activités hors classe au détriment du pédagogique sont aussi des enjeux à questionner.

Parce qu’à côté d’écoles qui disent que ceci n’est pas leur problème, certaines diront que ceci n’est pas un problème. « Si nos élèves ne réussissent pas, c’est qu’ils ne travaillent pas ». « En finir avec le redoublement c’est faire du nivèlement par le bas ». Des témoignages nombreux de conseillers indiquent que « le redoublement est vu comme une pratique normale, un mal pour un bien, en gros, la réorientation vers le spécialisé aussi. Ils pensent qu’on va arriver à un nivèlement par le bas très important ». Dans ce registre, plusieurs conseillers nous ont relaté des cas de données chiffrées pourtant significatives mises à l’écart par les équipes éducatives. Des données qui élevaient par exemple un taux important de sortie d’élèves. Justification donnée par exemple par une direction : il s’agit souvent d’élèves en difficulté qui ne trouvent pas leur place dans notre école en immersion. Contourner stratégiquement certains des objectifs du gouvernement ? Certaines équipes chercheront aussi à limiter leurs activités l’année qui précède leur plan afin de pouvoir valoriser ensuite toute une série de projets. D’autres encore expriment sur un ton ironique que si elles doivent limiter leur taux de redoublement, elles seront surtout moins exigeantes et feront passer tout le monde. Enfin, il y a également ces plans de pilotage qui révèlent un diagnostic honnête des difficultés rencontrées par l’équipe, mais dont le plan d’action va tout azimut et implique surtout des activités hors classe. Les conseillers partagent pour leur part plusieurs incidents critiques où l’angoisse de l’équipe génère une flopée de pistes hors classe, et la volonté de faire « toujours plus de » ce qu’on fait déjà, sans prendre la mesure des causes premières qui expliquent le problème, et sans induire un changement de posture.

Quelles pistes ?

Si on peut se dire qu’il faut donner du temps pour que la réforme prenne tout son sens, il ne faut pas non plus laisser faire tout et dans tous les sens. Depuis l’étude de CGé, une deuxième vague de plans de pilotage a eu lieu et une troisième s’est installée dans la longueur du fait des conditions sanitaires. À chaque étape, les acteurs étaient un peu plus au fait des enjeux de la réforme. On peut donc se dire que petit à petit le sens se diffuse, dans certaines écoles plus vite que dans d’autres. Mais la société et les médias eux-mêmes deviennent porteurs des questions d’inégalité et toutes les écoles sont obligées de se la poser. C’est un pas important.

Au niveau pédagogique, il semblerait que même si la question s’est peu posée dans la phase d’analyse et de rédaction des plans, les écoles sont aujourd’hui en demande de formation pour réaliser leur contrat d’objectif. Or, l’offre de formation n’est pas toujours à la hauteur des demandes. Pour l’exemple, CGé ne pourra assurer en 2021-2022 que six formations sur la construction du nombre en mathématique sur les douze qui ont été demandées par des écoles de la première vague au CECP.

Pour que les choses évoluent au niveau pédagogique, il s’agit donc d’instruire des formateurs (en formation continue) qui seront à la fois au fait des questions didactiques qui préoccupent les écoles et des enjeux d’inégalités qui se jouent au sein des apprentissages.

Au niveau politique, il est indispensable de donner aux différents acteurs les moyens d’agir à d’autres niveaux que celui de leur propre école, sans quoi, l y a fort à parier que les inégalités ressurgiront dans la concurrence entre écoles. Le développement d’instances de contrôle au niveau des zones est annoncé, mais tarde à se mettre en œuvre et risque d’être bien trop peu contraignant pour être efficaces.

Enfin, il faudra être perpétuellement vigilant pour que l’école et le tronc commun en particulier soient bien le lieu où chacun peut apprendre et non où chacun doit se distinguer. Dans une société concurrentielle, avec un marché de l’emploi où les places sont chères, l’école reste un lieu privilégié pour se distinguer et gagner du crédit pour la suite de sa carrière. Dans un fonctionnement néocapitaliste, il y aura toujours des tentatives de certains pour favoriser l’élitisme dès les plus petites classes sans penser aux dégâts humains que cela représente pour tous ceux qui ne seront pas retenus.

Cet article fait partie d’un dossier consacré au Pilotage des écoles et est disponible sur le site de la Revue Nouvelle : https://www.revuenouvelle.be/2022-01

Ce texte s’appuie sur une étude réalisée en 2019 au sein de l’asbl ChanGements pour l’égalité (CGé) qui mobilise différentes sources empiriques : des entretiens semi-directifs menés auprès de directions, enseignants, parents, agents psycho-médico-sociaux, conseillers aux plans de pilotage, membres de pouvoir organisateur et représentants du pouvoir régulateur ; la collecte et l’analyse avec leur auteur, au sein d’un dispositif de formation, de récits d’incidents critiques rédigés par une soixantaine de conseillers ayant suivi chacun plusieurs équipes éducatives dans l’élaboration de leur plan de pilotage ; et, enfin, l’observation directe au sein de deux écoles fondamentales des concertations et journées pédagogiques organisées en vue d’élaborer leur plan. Cf. Plan de pilotage : essai de réflexivité collective, étude CGé 2019, https://www.changement-egalite.be/Plans-de-pilotage

 

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Les CSA sont sous l’autorité des fédérations de pouvoirs organisateurs.