L’évaluation est permanente et elle amène l’enseignant à s’ajuster, à transformer son travail. Elle peut naitre d’une simple observation sur des critères choisis, elle peut s’opérer via un exercice, un test ou un dialogue avec l’enfant. Cela permet de définir avec l’élève le contenu, le moment de l’évaluation, de laisser des temps d’étude, de mettre sur pied des « cliniques » qui permettront de poser les questions, de déstresser, de simplifier.
Cette évaluation-là est formative, c’est un tri sélectif. On recueille les erreurs, on les trie puis on les recycle et cela bannit, à mon sens, les moyennes arithmétiques des interros.
Cette semaine, nous avons pour mission de construire un texte sur le cirque. Chaque enfant possède une grille de critères orthographiques qui rappelle les erreurs à éviter, mais aussi où trouver les informations en cas de problème. L’élève négocie avec le professeur trois critères qui devront être parfaitement aboutis une fois le texte achevé (par exemple : les marques du pluriel, les accords et les signes orthographiques). Ce choix est dicté par les besoins de l’élève et reconnu par les deux parties. Ces trois types d’erreurs choisies constitueront les fautes « rouges », les autres constitueront les fautes « vertes ». À terme, ces fautes rouges sont amenées à disparaitre et feront l’objet d’exercices ciblés, de corrections et de contrôles le cas échéant. Évidemment, cette grille est renégociée au fil du temps.
Cet exemple simple d’observation se vit aussi dans les exercices sur feuilles. Construites sur les compétences et objectifs visés, les feuilles pourtant communes à chacun, sont constituées de parties prioritaires fluorées pour chaque enfant. La feuille est nominative, l’enseignant y fluore ce qui doit être montré comme maitrisé ou appliqué avec une attention particulière. Ces parties sont appelées « prioritaires ». L’élève devra y démontrer une maitrise ou un progrès spécifique qui fera trace dans le rapport ou le bulletin sans pour cela être cotée. Un simple modèle de maitrise (ou non).
Le temps venu, la matière à maitriser est déterminée avec les enfants et l’évaluation est fixée au niveau de la date, du contenu et même parfois au niveau de la forme (analyser la matière avec les enfants et les amener à construire eux-mêmes les questions qui leur semblent reprendre l’essentiel à maitriser).
Toutes ces infos sont consignées dans le cahier d’étude. Ce cahier permet à l’enfant et aux parents de se construire un planning. Un temps d’étude d’environ 25 minutes est organisé quotidiennement en classe. L’enfant y apprend à gérer son temps, son matériel et apprend divers processus de mémorisation. L’enfant est invité à le prolonger et le partager à la maison.
Il est demandé aux enfants de marquer d’une croix sur la feuille d’étude les processus utilisés pour la mémorisation. Les temps d’évocation et de contrôle sont des temps souvent sacrifiés par les enfants. Il est important pour nous de les guider dans ces étapes.
Ce temps d’étude peut aussi être utilisé par l’enfant qui se sent prêt pour déjà passer son contrôle ou, au contraire, demander l’aide d’un adulte ou d’un pair (miniprof).
Exemple de feuille d’étude dans le cahier
À mi-parcours, un exercice permet aux enfants de s’essayer « juste pour savoir si on est prêt ».
Le jour fixé pour l’évaluation, les enfants sont invités à résoudre la tâche, l’exercice test. Le résultat permet de savoir si l’enfant est arrivé à maitriser la connaissance attendue et sera ainsi invité à la réinvestir dans diverses activités futures. Ces principes permettent bien des aménagements.
Par exemple, Marc, neuf ans, n’arrive pas à réussir ses « orthomémos ». Ensemble, pendant les temps d’étude, nous projetons de visiter les cahiers d’études et de lister les stratégies d’étude de chacun. Pour la prochaine « orthomémo », Marc partage sa liste de mots en deux parties qu’il travaillera selon deux stratégies différentes (avec les conseils des copains, bien entendu). Durant les temps d’étude quotidiens, Marc étudie sous le contrôle de ses copains spécialistes des deux procédures choisies. Ensuite, le groupe construit des tests en lien avec les processus utilisés : dictée mémoire « épelée » autodictée, mots-images, etc. Finalement, Marc varie ses stratégies, se rassure et gagne en performance. Voilà un évènement dignement fêté par le groupe.
La farde musée est organisée, selon certains critères, par l’enfant (avec ou sans l’aide d’un référent adulte). Elle comporte plusieurs parties qui s’organisent autour des apprentissages (exemple : ce que j’ai appris, ce dont je suis fier, là où je dois encore progresser, là où je me sens capable d’être « miniprof », ce qui m’a semblé facile, etc.)
Les enfants y apprennent à poser un regard réflexif, à s’autoévaluer, à organiser leurs connaissances, à construire une ligne du temps de leur apprentissage, à construire un outil de communication avec les différents intervenants du triangle scolaire : enfants, enseignants, parents.
Ainsi, Valérie, dix ans, ne voit dans son parcours que du mauvais et doute de ses capacités. Il nous reste six mois pour lui donner les moyens de se percevoir autrement. Elle accepte la farde musée et choisit de la structurer en quatre parties : ce que je sais faire, ce qui est difficile, ce dont je suis fière, ce que je dois m’améliorer. Deux fois par semaine, elle dispose de temps pour trier et choisir ce qu’elle place dans ces parties. Une fois par mois, elle accueille sa maman en classe pour lui montrer sa farde et la commenter. Vers la fin de l’année, la farde s’étoffe et lui permet de distinguer ce qui va et ce qu’il faut encore faire progresser. Mieux encore, elle accepte de rédiger avec moi un commentaire personnel dans son bulletin. À la fin de ce savoir écrire « particulier », nous décidons d’organiser en commun la réunion de parents qu’elle animera elle-même. Elle y présentera ses réussites et ses défis pour l’année suivante et le rapport sera transmis au collègue suivant. Ce fut un sacré moment…
En cours ou en fin de parcours (selon l’avancée et le niveau), les enfants sont invités à laisser une trace de cette maitrise. Il leur est alors proposé de passer des tests construits par l’équipe des instituteurs. Ces tests répondent à des critères stricts et demandent une réussite à 80 % pour être considérés comme une trace de maitrise des acquis. En deçà, le contenu du test est considéré comme non acquis et appellera une négociation/action pour améliorer la mémorisation et/ou la pratique. Ces évaluations sont alors marquées d’un non acquis (NA) ou d’un signe « attention ». Les contenus devront alors être retravaillés. Ces résultats sont consignés avec l’enfant dans le bulletin qui reprend la liste de toutes les compétences attendues en cours de cycle. Cette communication n’est que la trace écrite d’un moment donné d’un niveau d’acquisition.
Pour passer ces tests, j’organise des temps de travail pendant lesquels je propose aux enfants une série d’épreuves. Le conseil de classe en débat et organise la passation. Les feuilles sont distribuées et chacun se met au travail. Cette façon permet à chacun d’avancer à son rythme. Les plus rapides réinvestissant du temps sur des exercices complémentaires, sur la création d’exercices d’entrainement pour le reste du groupe ou en devenant miniprof pour ceux qui en ont besoin.