Une scolarité solide et de meilleurs résultats pour les enfants de milieux défavorisés : quels sont les moyens mis en œuvre en Communauté flamande pour tendre vers ces objectifs et en quoi sont-ils une avancée par rapport à la situation précédente ? Avec Gunther VAN NESTE[1]Actuellement directeur de la Huis van het nederlands Brussel et précédemment travailleur pour la VMC (Vlaams minderhedencentrum – Centre flamand pour les minorités)., nous en avons tracé et commenté le paysage.
Le décret Gelijke onderwijskansen (GOK) ou Chances égales d’enseignement est sorti en septembre 2002. Ce décret combine différentes lignes de force. D’abord, il régule les inscriptions en déterminant le droit pour tous à être inscrits dans une école de leur choix (cfr le Post-Scriptum). Pour rappel, avec d’autres dénominations, les différenciations entre écoles sont semblables à celles rencontrées en Communauté française : witte scholen ou écoles renommées avec public favorisé qui, avant la sortie du décret, n’inscrivaient pas tous les publics afin de préserver leur « qualité » et concentratiescholen ou écoles avec public socio-économiquement défavorisé, issu des migrations ou non.
Ensuite, le décret assure des moyens supplémentaires aux écoles qui reçoivent ce public : des fonds pour l’aménagement des bâtiments, souvent plus délabrés dans ces écoles pauvres, des enseignants supplémentaires (GOK-leraars) nommés spécifiquement pour l’accompagnement individuel d’enfants, par rapport à la langue d’enseignement, par rapport aux comportements, à des difficultés psychologiques ou sociales, toutes problématiques souvent plus importantes pour les enfants de familles socio-économiquement faibles. Le nombre de ces enseignants est déterminé en fonction du nombre d’enfants faisant partie du groupe cible, les élèves GOK[2]Les critères des GOK sont semblables à ceux des écoles en D+ : niveau scolaire des parents, revenus du travail ou de remplacement, origines, modes de logement, enfants relevant de la protection de … Continue reading.
Ils sont aussi une aide pour les enseignants en place. Les GOK-leraars reçoivent une formation spécifique d’ordre socioculturel, autour du travail d’intégration et de développement, soit en formation initiale, soit en formation continuée. Ces accompagnements permettent également aux écoles plus favorisées de travailler avec les nouveaux publics qu’elles inscrivent, puisque les moyens sont attribués en fonction des élèves GOK, dans chaque école et pas uniquement dans les écoles recevant un public majoritairement défavorisé.
Enfin, troisième volet du décret, les LOP, Lokale overvleg platforms, ou Plateformes locales de concertation. Dans ces plateformes initiées depuis 2003, on essaie de « cartographier » les inégalités à un échelon local et les acteurs, dans et hors école, ont pour mission de se concerter en vue de réduire les inégalités liées à l’école. Par ville ou par ensemble de communes, les écoles sont mises en contact avec ce regroupement de partenaires : directions, représentants des PO, des parents, des syndicats et de diverses associations, telles des centres d’intégration[3]Les centres d’intégration sont des centres qui travaillent autour de la participation et de l’émancipation des minorités ethno-culturelles., des associations communautaires allochtones, ATD quart monde… L’intention est de décentrer l’école d’elle-même et de favoriser égalité et diversité entre écoles. C’est une manière, plus structurelle qu’en Communauté française, de favoriser le travail de partenariat avec le tissu associatif. Cela fait penser aux zones d’éducation prioritaires (ZEP) expérimentées trop timidement du côté francophone au début des années 90 et dont les effets n’ont jamais été vraiment évalués. En tout cas, on trouve ici une piste intéressante, abordant le décloisonnement de l’école et la responsabilisation des acteurs locaux.
Pour Gunther VAN NESTE, l’avantage de ce décret est d’avoir assemblé instances partenaires et moyens de les rendre plus structurels, plutôt que de continuer à coller des rustines ici et là. Ce type d’organisation permet aussi de prendre en compte, via les associations, la parole des publics concernés, soit dans les instances, soit directement dans les écoles, quand par exemple des témoins de l’immigration et/ou de la pauvreté ou de l’échec scolaire participent à des journées pédagogiques pour éclairer les enseignants souvent ignorants de ces réalités.
Il existe aussi un volet appelé Schoolopbouwwerk (projet de développement scolaire) à la VGC, Vlaamse gemeenschap commissie, pendant néerlandophone de la Cocof, Commission communautaire francophone. Cette instance travaille avec les écoles selon une convention afin d’assurer des liens avec les parents. Les animateurs sont souvent des assistants sociaux, entre autres issus des différentes communautés. Ils partagent avec les enseignants pistes et méthodes pour favoriser les contacts avec les parents et animer les réunions.
Des liens avec l’école et les parents peuvent aussi être établis via la Maison du néerlandais[4]10 000 personnes s’y adressent chaque année, dont 90 % d’allochtones à la recherche d’emploi.. On y offre, dès 18 ans, la possibilité d’apprendre le néerlandais. Il existe aussi une Maison du néerlandais par province, mais la plus grande se trouve à Bruxelles, étant donné le contexte socio-économique. En effet, beaucoup de personnes y sont sans emploi, alors qu’il manque du personnel dans la périphérie flamande. Des projets spécifiques concernant la langue sont donc conçus en lien avec certaines entreprises. Il s’agit d’apprendre un néerlandais plutôt fonctionnel, en vue de trouver du travail.
Avec les écoles, un projet est également en cours et concerne les parents non néerlandophones, afin que ceux-ci puissent mieux suivre leurs enfants. Ils ont d’ailleurs le choix entre des modules qui permettent d’apprendre la terminologie plus spécifiquement scolaire ou un cours classique plus général. Les parents demandeurs passent un test de niveau et, s’ils sont assez nombreux, des cours sont organisés dans l’école de leur enfant. Si ce n’est pas le cas, la Maison du néerlandais leur renseigne un cours adapté, proche de leur domicile. Ces cours sont gratuits et de qualité. Ils sont plus intéressants pour les demandeurs d’emploi que les écoles genre Berlitz, payantes et dont méthodes sont adaptées à un public plus scolarisé.
La Maison du néerlandais a aussi un service pédagogique. Des animateurs proposent aux enseignants des formations, non pas à propos des façons d’apprendre le néerlandais aux enfants, mais à propos des façons d’adapter leur propre langue pour entrer en contact avec parents et enfants.
Notes de bas de page
↑1 | Actuellement directeur de la Huis van het nederlands Brussel et précédemment travailleur pour la VMC (Vlaams minderhedencentrum – Centre flamand pour les minorités). |
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↑2 | Les critères des GOK sont semblables à ceux des écoles en D+ : niveau scolaire des parents, revenus du travail ou de remplacement, origines, modes de logement, enfants relevant de la protection de la jeunesse. |
↑3 | Les centres d’intégration sont des centres qui travaillent autour de la participation et de l’émancipation des minorités ethno-culturelles. |
↑4 | 10 000 personnes s’y adressent chaque année, dont 90 % d’allochtones à la recherche d’emploi. |