D’abord parce que cela implique de rompre avec cette représentation dominante de la relation pédagogique selon laquelle l’enseignant (« celui qui sait ») serait celui qui « apporterait » le savoir à l’élève (« celui qui ne sait pas »).
Cette conception est d’autant plus difficile à abandonner qu’elle a quelque chose d’apparemment très confortable pour l’enseignant : il lui suffirait de bien connaitre sa matière et de la transmettre avec clarté et une progression calculée (du plus simple au plus compliqué) pour que l’élève soit en mesure d’apprendre. Si ces conditions sont remplies, la responsabilité de l’apprentissage est complètement du côté de l’élève. Et s’il n’apprend pas, c’est qu’il est de mauvaise volonté (il « n’écoute pas » et/ou « n’étudie pas ») ou qu’il est intellectuellement « limité ». Cette manière simpliste de concevoir le processus d’apprentissage conduit les enseignants qui l’adoptent à se contenter de constater les réussites et les échecs, en renonçant à s’attaquer aux obstacles cognitifs que rencontrent leurs élèves.
Ensuite, parce que, pour l’enseignant, la pratique de pédagogies socioconstructivistes implique la maitrise d’une série de compétences relativement complexes. En effet, pour concevoir et faire vivre des « situations-problèmes » l’enseignant devra, entre autres, avoir acquis les « macrocompétences » [1]Une « macrocompétence » est une compétence particulièrement complexe dont l’appropriation implique celle de plusieurs autres. suivantes :
– Maitriser parfaitement les savoir-faire, attitudes [2]Attitude : ce mot renvoie à une manière d’évaluer une famille de situations ; elle entraine une manière particulière d’y réagir. Une attitude installée devient un automatisme qui … Continue reading ou concepts concernés ;
– Faire émerger les conceptions spontanées de chacun des élèves, en rapport avec les savoirs à faire apprendre ;
– Construire des « situations-problèmes » susceptibles de confronter les apprenants à de nouveaux savoirs et de les amener à remettre en question leurs conceptions préalables, fausses ou simplistes, en la matière ;
– Organiser et accompagner les activités des élèves quand ils travaillent seuls, en sous-groupes de pairs ou en groupe-classe ;
– Gérer les conflits relationnels ;
– Etc.
On voit bien, par ces quelques exemples, qu’une bonne connaissance de la discipline à enseigner est totalement insuffisante : l’enseignant socioconstructiviste devra également avoir reçu une bonne formation en didactique de sa discipline, mais aussi en pédagogie générale, en psychologie sociale et en psychologie de l’enfance ou de l’adolescence.
Notes de bas de page
↑1 | Une « macrocompétence » est une compétence particulièrement complexe dont l’appropriation implique celle de plusieurs autres. |
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↑2 | Attitude : ce mot renvoie à une manière d’évaluer une famille de situations ; elle entraine une manière particulière d’y réagir. Une attitude installée devient un automatisme qui peut échapper à la conscience (notion à rapprocher du concept d’« habitus » de Pierre Bourdieu). |