Que faire des articles 70 et 71 du décret « fourre-tout » sur les établissements scolaires en difficultés ? Comment les écoles et les enseignants peuvent-ils les prendre ? Cette question fait débat y compris au sein de CGé ! Jacques Liesenborghs a livré sa vision dans l’impolitique précédent. En voici une autre.
Nier qu’il y ait aujourd’hui des écoles en difficultés serait grotesque, mais des écoles en difficultés, qu’est-ce que c’est ? Des écoles où les conditions ne sont pas/plus réunies pour enseigner et pour apprendre, ou alors où on apprend si peu…
Diagnostic
Peut-on fermer les yeux et les laisser continuer comme ça ? Lever le voile et nommer les difficultés est la première condition indispensable, mais absolument pas suffisante pour sortir de l’impasse actuelle.
Nous entendons et partageons l’inquiétude de ceux qui doutent de l’efficacité et de la pertinence des seuls dispositifs de pilotage par les résultats, les risques de dérives et l’énergie de travail que cela demande au détriment du travail sur les pratiques en classe étant réels. Nous partageons aussi la crainte de stigmatisation pointée par d’autres, mais, en même temps, le mal est fait : les difficultés sont avérées et connues de tous. L’enjeu porte donc sur l’analyse et ce qui sera mis en place.
Selon moi, le gouvernement et l’administration n’ont ni le pouvoir ni la volonté de produire un diagnostic à charge des enseignants ou de la direction. Faisons-leur le crédit qu’ils veulent donner le pouvoir aux acteurs des écoles d’en produire un vrai, non complaisant, sur ce qui est en jeu et qu’ils le prendront au sérieux.
Il y a gros à parier que ce qui en sortira, c’est que ces écoles ne sont pas le problème, mais la conséquence du fonctionnement de notre système scolaire qui sélectionne et qui relègue.
Et ce fonctionnement perdurera tant que la mission explicitement attribuée à l’enseignement obligatoire ne sera pas de donner un bagage de connaissances et de compétences pour tous, en garantissant une période pendant laquelle on apprend sereinement sans entrer dans la compétition. Tant qu’on acceptera, au nom de la sacrosainte liberté de choix constitutionnelle, que les parents trient les écoles et que les écoles trient discrètement leurs élèves en produisant des écoles ghettos. Tant que les formateurs d’enseignants ne formeront pas les futurs enseignants à faire entrer tous les enfants dans les apprentissages, y compris ceux qui n’ont pas les codes de l’école. Et tant qu’on n’investira pas massivement dans l’enseignement maternel et primaire, période-clé où se joue l’entrée dans les apprentissages…
Collectif
Repenser le projet d’école en terme collectif nécessite :
que les réseaux acceptent de collaborer en ouvrant le jeu et en partageant leurs compétences ;
que les enseignants et leurs syndicats acceptent de consacrer le temps nécessaire au travail collectif au sein des écoles pour pouvoir s’épauler dans la gestion pédagogique des difficultés ;
que les parents acceptent qu’une bonne école est une école qui fait réussir tous les enfants, et pas celle qui élimine ceux qui ne peuvent pas suivre ;
que les élèves puissent découvrir dans leur classe qu’on réussit mieux avec les autres que contre les autres.
en osant poser un regard sur les pratiques pédagogiques au sein de classes qui sont le lieu où se rejouent les inégalités quotidiennement, en posant des choix structurels forts en faveur de l’hétérogénéité des écoles et en valorisant clairement les écoles qui emmènent tous leurs élèves jusqu’au bout du parcours.
Au front des classes[1]Clin d’œil au livre de N. De Smet, Couleurs livres, 2009., l’urgence est totale : pouvons-nous convenir d’une trêve et d’une alliance au profit des enfants et des enseignants aujourd’hui maltraités par l’école ?
Nous proposons aux acteurs de ces écoles de se saisir de cette mesure, de ne pas se laisser coincer dans une mission impossible, de prendre une part de responsabilité pour faire bouger le système afin le rendre plus ambitieux et respectueux des enfants de milieux populaires. Les professionnels de l’école se doivent d’interpeler le politique et les acteurs institutionnels pour que ces changements fondamentaux et nécessaires se concrétisent.
Notes de bas de page
↑1 | Clin d’œil au livre de N. De Smet, Couleurs livres, 2009. |
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