Programmer en 3e année primaire, c’est possible !

Le matériel informatique est de plus en plus présent dans les classes. Son utilisation pose encore des problèmes aux élèves et aux enseignants. Entre la connexion qui foire, la mise à jour intempestive et l’utilisation du matériel en binôme, les apprentissages sont quand même au rendez-vous.

— Madaaaaaame, la tablette ne s’allume pas chez nous !
— Et la nôtre n’a presque plus de batterie…
— Ce n’est pas possible ! Ça ne marche pas comme je veux !
— Madame, mon binôme ne me laisse rien faire.
— Oooooh noooon, elle fait une mise à jour, on ne sait plus rien faire.
— Pffff… c’est trop lent…
— Héééé, il m’énerve, il ne m’écoute jamais !
— Madame, on n’y arrive pas…
— Oh tout s’est effacé chez nous !

Du matériel et une application pour faire

Notre école dispose de matériel numérique : une malle contenant douze tablettes. Elle permet de recharger les douze tablettes en même temps, avec une seule alimentation électrique. J’évite donc la galère des multiprises en cascade. Elle permet un accès internet par wifi que les tablettes reconnaissent toutes seules. Il est donc très aisé de les utiliser partout dans l’école, tant qu’on reste à proximité de la valise.
Depuis quelques années, je propose à mes élèves d’inventer de petites histoires sur Scratch Junior [1]. C’est une application qui permet assez intuitivement de créer des petits dessins animés et de se familiariser avec le codage informatique. Les élèves peuvent choisir différents personnages, décors et actions. Ces actions sont représentées par des « blocs » ; un bloc indique au personnage une action précise à réaliser, comme avancer d’un pas. Pas besoin d’avoir de petits génies, Scratch Junior peut s’utiliser à partir de cinq ans. Tout le code est directement inscrit sous forme de briques. Ces briques permettent de mettre en œuvre visuellement des concepts de base de la programmation telles que les boucles.

Des contraintes pour apprendre

Les possibilités sont immenses et les enfants s’éparpillent assez vite, tant ils sont pris par leur créativité. C’est là que le rôle de l’enseignant entre en jeu pour canaliser cette imagination débordante.
Les variations sont infinies. Je peux simplement leur demander d’écrire leur petit scénario au cahier de travail. À eux ensuite de le respecter, sans rien y ajouter. Il m’arrive d’imposer le décor : « Je veux que l’histoire se passe dans l’espace » ou d’imposer le scénario : « Je veux que le magicien fasse disparaitre quelque chose » Je peux obliger l’utilisation d’un bloc : « Vous devez utiliser le bloc rétrécir, ou limiter le nombre de personnages, le nombre de blocs utilisés : “Créez une histoire rigolote avec dix blocs maximum.” Je peux aussi leur demander d’utiliser le moins de blocs possible. À eux d’être inventifs pour trouver la meilleure manière d’économiser des blocs, en utilisant des instructions en boucle par exemple.

Parfois, j’interdis certains blocs, comme l’utilisation du micro par exemple. Les élèves peuvent enregistrer leur propre voix et demander à un personnage de répéter le message enregistré. Vous imaginez bien le bazar que ça peut donner dans une classe quand douze tablettes parlent en même temps.

Rester praticien chercheur

Personnellement, je n’ai rien inventé de neuf, je m’inspire énormément des activités proposées par le réseau Canopé [2] et par le GEM [3].
J’aime bien commencer par mettre les élèves à deux sur une tablette pour une découverte libre de l’application, sans consigne particulière pendant deux ou trois courtes séances. Si un binôme découvre quelque chose qui semble intéressant pour faire avancer le groupe, on le partage avec la classe. Je trouve que les élèves entrent plus facilement dans des consignes fermées après avoir pu explorer par eux-mêmes.
Il est très intéressant pour moi de pouvoir visionner les productions des autres élèves pour ensuite pouvoir enrichir sa réalisation. Je n’ai malheureusement pas encore trouvé comment projeter facilement leurs créations sur mon TBI. Je cherche encore beaucoup.

Qu’est-ce que ça leur apporte ?

Dès le départ, les enfants vont développer des compétences d’écoute, de partage, de collaboration quand ils travaillent à deux. Ce qui n’est pas toujours facile… même pour des adultes ! Ils apprennent à anticiper lorsque je leur demande de réfléchir sur feuille avant d’essayer sur la tablette. Si je n’autorise que deux essais sur tablette, je leur complique encore plus la tâche. Ils doivent accepter de se tromper, de se corriger, de réessayer.
Comprendre « ce qui a foiré » est la clé de la réussite (résoudre des problèmes, comme ils disent) : dans un ensemble de commandes, un tout petit oubli peut tout changer ! Ils doivent alors trouver comment solutionner les erreurs dans le déroulement de leur histoire animée. Dans leurs échanges, les élèves apprennent également à argumenter lorsqu’ils doivent convaincre leur copain que leur idée est peut-être la meilleure.

Et le programme dans tout ça ?

Je n’ai pas encore reçu les nouveaux programmes prévus pour le tronc commun. Espérons qu’on y trouvera quelque chose à propos de l’intérêt de faire du codage avec nos élèves du fondamental…