Si les abris de Nif Nif et Naf Naf résistent mal au souffle du grand loup, il vaut mieux en abandonner la structure au profit d’un édifice solide comme celui de Nouf Nouf.
L’enseignement n’est certes pas une affaire de grand loup et de petits cochons. Mais pour abriter le tronc commun, est-il concevable de garder des maisons de paille et de bois, ne faut-il pas une institution solide basée sur des structures nouvelles ?
Que fait-on des anciennes structures tant du qualifiant que de l’ordinaire et des écoles devenues obsolètes ? Comment faire du neuf dans du vieux ? D’autant plus que ce vieux est ranci et porte les fragrances de la sélection, de l’orientation, de l’échec, du parcage, de la ghettoïsation ? Certains lieux nécessitent un fameux relooking avant d’apparaitre comme de nouvelles écoles qui promeuvent l’apprentissage et le vivre ensemble pour tous.
Comment sont affectés les élèves à une école ? En dehors de ses effets bénéfiques sur les résultats moyens, la mixité sociale s’impose comme une condition pour reconstruire du tissu social. Mais elle n’est pas naturelle pour beaucoup de nos concitoyens. Que du contraire, elle est évitée et combattue par les stratégies individuelles et familiales. Elle ne peut donc s’installer sans un système de régulation.
L’aménagement du temps et de l’espace… Comment organiser la scolarité entre 3 et 16 ans ? Faut-il maintenir les cycles actuels ou en proposer d’autres ? Comment composer des horaires pour faire de la place à l’artistique, au sportif, au polytechnique, aux sciences sociales, aux disciplines traditionnelles, à l’interdisciplinaire ?
D’une part, l’école nouvelle devra pouvoir casser les heures, les classes traditionnelles, les dispositifs anciens pour inventer des moments et des lieux qui permettent, en alternance, des apprentissages collectifs et d’autres plus spécifiques liés aux difficultés particulières des élèves. D’autre part, les injonctions du pouvoir subsidiant sur les publics, les contenus et les niveaux seront plus contraignantes. Liberté et régulation, autonomie et responsabilité sont des tensions qu’il faudra clarifier en assignant aux divers acteurs, droits et devoirs.
L’évaluation colle à l’enseignement comme un vernis à un vieux bois. Il est temps de décaper. Adieu les bulletins, les cotes, les interrogations, les examens et les redoublements. Place à une évaluation formative et valorisante.
Aïe, « Ils en feront encore moins ! », « Pourquoi s’inquièteraient-ils puisqu’ils passeront de toute façon dans l’année supérieure ? » Voilà ce que disent de nombreux citoyens, enseignants, directeurs… Même des enseignants et des directeurs du qualifiant !
Quand un enfant de première primaire a, au premier bulletin 1/20 en math et en français, quand un élève de 15 ans n’a toujours pas réussi son certificat d’études de base primaire après l’avoir passé plusieurs fois, croyez-vous que la motivation au travail va venir de quelques points qu’il peut grappiller pour faire bulletin honorable ? Les points, c’est une carotte pour ceux qui ont de beaux résultats, un bâton pour ceux qui ont des résultats juste satisfaisants et qui ont peur de basculer dans l’échec. Mais pour ceux qui y sont déjà, surtout s’ils y sont depuis très longtemps, c’est une matraque qui les achève à petit feu.
Ceci étant dit, de nombreuses questions se posent pour le tronc commun. La première certification intervient-elle au terme du tronc ? Ou pas ? En cas d’objectifs non atteints, l’élève doit-il refaire une année supplémentaire ? Et s’il échoue une deuxième fois ? Sur quels critères se fait cette évaluation ? Mais à quoi sert vraiment cette évaluation ? Surtout, si le tronc commun est transitoire et ne mène qu’à des études ultérieures ? Une production personnelle à présenter (genre chef-d’œuvre) ne pourrait-elle remplacer des examens ? Des évaluations à l’échelle de la Fédération sont indispensables pour le pilotage ? S’agit-il aussi d’une mesure de l’établissement scolaire ?
L’affectation des moyens suivant les niveaux, l’encadrement, la taille des groupes… Et pour les répartir, il faut les avoir… Où va-t-on chercher l’argent ? Peut-on transformer l’école sans investissement conséquent ? Tout au moins pour la période de transition d’une petite quinzaine d’années où deux systèmes cohabitent ?
Le budget annuel de la fédération Wallonie-Bruxelles est de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros dont les trois quarts vont à l’enseignement. Le déficit budgétaire annoncé pour 2017 serait de 200 millions (habituellement, il grandit en cours d’année). Le cout du redoublement serait estimé à 400 millions. L’enseignement obligatoire compte 190 000 enfants en maternelle, 331 000 élèves en primaire et 368 000 en secondaire. Une centaine de milliers d’enseignants en activité sont rémunérés par la FWB.
Au budget 2017 : « L’enseignement recevra 21 millions pour le Pacte d’excellence. » (L’écho du 4 octobre 2016) Peut-on mener une réforme en injectant un montant qui correspond à 2 millièmes (ou dixièmes de pourcents) du budget annuel ?
Prenons un exemple tout simple. Il est reconnu que le niveau de maitrise de la langue de scolarisation par les élèves de maternelle est corrélé au niveau de maitrise de la langue de leur institutrice (instituteur) et il est tout aussi connu que ce dernier est loin d’être satisfaisant à l’heure actuelle. Que croyez-vous que coute la réforme de la formation initiale ?
« Le cout des mesures serait de 1,4 milliard d’euros :
– 700 millions pour l’allongement de la formation initiale des profs. ;
– L’égalité de traitement et la gratuité de l’école pourraient couter 485 millions d’euros ;
– L’encadrement en maternelle (73 millions) ;
– L’aide administrative et éducative au fondamental (40 millions), le défi démographique (43 millions), des travaux prioritaires (urgence, sécurité rénovations, 20 millions), l’intégration de conseillers en prévention (8 millions). » (Nathalie Bamps, 150 propositions pour rénover l’enseignement (mais c’est impayable), L’Écho du 18 mai 2016).
Ravaler la façade, casser les murs, reconstruire et payer, c’est difficile dans le carcan budgétaire fixé par l’Europe et admis par les politiques belges de tous bords. Pourtant des économistes qu’on ne peut qualifier de gauchistes attardés nous disent qu’au vu des taux bas et de la morosité économique, c’est le temps de grands investissements pour l’avenir…