Réaction de CGé à l’avis n°3 du Groupe central du pacte pour un Enseignement d’excellence

Notre boussole est encore et toujours celle de la lutte contre le traitement qui est fait par l’école à la question des inégalités sociales. Et donc, c’est à cette aune-là que nous avons lu cet avis.
Et avec quoi en ressortons-nous ?

Considérations générales sur l’avis n°3

A la lecture de l’avis n°3, on pourrait dire à la fois qu’on a vraiment progressé mais que le plus difficile reste à venir : les options positives qui étaient esquissées sont confirmées mais il reste des marges interprétatives tellement énormes dans leur application.
Et certaines mesures, très positives dans la perspective de gagner en égalité, sont contrebalancées par d’autres qui maintiennent ou ré-ouvrent des perspectives de diversification précoce qui ont un furieux goût de déjà vu.

Prendre pleinement conscience et assumer de dire publiquement que l’enseignement en FWB est terriblement inégalitaire et qu’il doit donc changer est un acquis indiscutable et fondamental du Pacte.
Mais ce qui continue à ne pas apparaître clairement dans les textes, c’est la question pédagogique de « pourquoi les enfants de milieux populaires ont beaucoup plus de mal à entrer dans les apprentissages tels qu’ils sont organisés actuellement et de ce qu’on va faire pour y remédier » : elle n’est pratiquement pas traitée alors qu’elle est capitale si l’on veut réellement réduire les inégalités.
Par contre, il y a l’émergence d’un dispositif dont on n’avait pas vraiment parlé dans le Pacte : le dispositif « remédiation – consolidation – dépassement » et il nous inquiète car, annoncé comme dispositif organisationnel de la gestion de la diversité, il conforte notre impression : il signe le fait que la question pédagogique du rapport au savoir est passée au bleu (pas comprise ou pas voulue ?) et l’angle d’attaque qui est adopté nous paraît une erreur : l’idée que les enfants de milieux populaires ont un handicap qu’il faut combler et donc, que pour réduire les inégalités, il faut faire de la remédiation !
Remédiation et dépassement sentent vraiment le compromis entre « on soutient les plus fragiles » mais en échange, on met en place une filière de circulation à plus grande vitesse car on a la conviction que si on veut faire apprendre tout le monde, les plus « rapides / favorisés » … s’ennuieront et qu’on les pénalisera => ne peut-on imaginer d’essayer vraiment et de faire grandir/avancer les plus rapides autrement, dans la solidarité avec le reste de la cohorte ?

Quid de l’évaluation de l’expérience RCD menée dans un 20taine d’écoles pilotes ?

Il faut d’abord enseigner autrement et il y aura beaucoup moins besoin de remédiation.

Enseigner autrement, c’est :
• tenir compte du fait que ce qui crée et renforce les inégalités scolaires, c’est la question du rapport au savoir et à l’école qui diffère en fonction des origines sociales des enfants : il y a ceux qui partagent les évidences scolaires et mobilisent spontanément les bonnes postures intellectuelles – une grosse partie des enfants de famille favorisée – et les autres – une grosse partie des enfants de famille pauvre ;
• considérer donc que l’élève « normal » est celui qui a besoin de transformer ses façons de raisonner en s’appropriant l’attitude intellectuelle requise à l’école et propre à la culture écrite. Et la question du cadrage de l’activité intellectuelle et de l’explicitation des attendus doit être pensée systématiquement par les enseignants ;
• créer une culture commune (en termes de contenu et de vécu) dans la classe dès la première maternelle – sans se reposer sur les apports du domicile car ils sont discriminants – et partir de cette culture commune pour proposer les situations d’apprentissage ;

Donc, prendre conscience qu’il faut que l’école enseigne ce qu’elle exige et le faire : transmettre à chacun ce qui est exigé de tous dans la scolarité unique, quitte à ce que, dans cette hypothèse, les enfants de familles cultivées révisent.

Tant que notre système scolaire n’aura pas compris, admis et digéré ces réalités, il s’obstinera dans le développement de pédagogies censées adaptées au « handicap » des enfants de milieux populaires. Adaptation et indifférence aux différences étant, selon Stéphane Bonnery, les 2 facettes de la même idéologie sélective : les façons d’enseigner dans les classes ordinaires étant constituées d’un mélange non pensé de ces 2 logiques : d’un côté les pratiques « pour tous », indifférentes aux différences (reposant sur le modèle « élève brillant cultivé ») et de l’autre, des pratiques pensées comme adaptées – parce que portant une attention particulariste aux différences – qui enferment les élèves concernés dans des attitudes de conformité, avec un cadrage très étroit de l’activité intellectuelle sur des tâches dissociées des savoirs. Les enseignants développent des pratiques qui modulent les exigences en pensant bien faire ou faute de savoir faire autrement. Mais ils répondent aussi aux politiques officielles qui encouragent l’adaptation : elle dispense l’institution de penser comment enseigner d’une manière qui permette à tous d’apprendre.

En synthèse : c’est d’abord la première étape, celle du moment collectif d’apprendre qui est à transformer. Et si on veut vraiment la réussite du TC, un groupe de travail sur le sujet nous semble indispensable pour faire des recommandations sur ce qu’il y a lieu de faire au niveau didactique et pédagogique, comment articuler évaluation formative, travail collaboratif et dispositifs d’apprentissage dans la classe.

Et c’est une des choses sur lesquelles la coalition de parents de milieux populaires et des organisations qui les soutiennent ont insisté en rencontrant la Ministre et rien ne semble en avoir été fait.

Si vous en restez là, si vous ne franchissez pas ce pas, vous n’aurez rien changé fondamentalement à la transformation des inégalités sociales en inégalités scolaires => CGé demande au groupe central que cette discussion pédagogique spécifique ait lieu.

Et nous avons déjà indiqué à plusieurs reprises qu’une vaste campagne de sensibilisation et de communication positive sur ce qui se dégage du Pacte est indispensable, en particulier sur le lien entre ce qui change dans le métier d’enseignant et ce qu’on peut légitimement en attendre dans la lutte contre les inégalités scolaires.

Nous mesurons toutes les initiatives qui ont été prises pour écouter, faire participer et débattre avec les citoyens et les acteurs de l’école mais on est loin du compte… que faudrait-il imaginer de plus ?
– Nous préconisons de décréter 2 jours dans toutes les écoles de la CFWB pour partager et débattre de ce qui sortira du Pacte ;
– Nous préconisons aussi la réalisation de plusieurs émissions de qualité dans les medias de service public pour présenter constats, analyses et propositions de façon pédagogique et susciter en tous cas la réduction des craintes et idéalement de la confiance et de la positivité pour les réformes à venir : faire prendre conscience à la population que c’est aussi son attitude qui est en jeu dans la transformation de l’école.

OS 1.1. Concernant le maternel :

Manque selon nous le fait que, pour ne pas creuser et renforcer les inégalités, il faut :
– faire de la classe une communauté apprenante et se baser exclusivement sur des choses vécues par cette communauté comme expérience commune à partir de laquelle construire des apprentissages
– intégrer dans la Formation continuée et initiale de tous les enseignants la question du rapport au savoir et aux codes des enfants.
Attention, l’avis considère le 5-8 comme un fait acquis mais c’est loin d’être le cas sur le terrain.
Et favoriser un partenariat éducatif durable et constructif entre les équipes éducatives et les parents d’enfants/élèves de tous les milieux socio-économiques et culturels est très important mais si on veut dépasser les intentions, il faudra non seulement du temps, de l’investissement d’acteurs autour de l’école (CPMS etc comme proposé plus loin) mais aussi un travail de co-construction avec des acteurs comme le RWLP, ATD ¼ monde et la Coalition des parents de milieux populaires et des organisations qui les soutiennent.

OS 1.2.-> 1.5. Concernant le Tronc commun, etc :

De belles avancées déjà mais beaucoup de questions restent pendantes sur ce point important de réforme :
– d’abord sur la révision des contenus : où et comment vont se passer les délibérations nécessaires sur ce qu’on ne va plus enseigner et sur les matières qu’on va décider d’enseigner ?
– comment allez-vous faire pour éviter une guerre des lobbys disciplinaires et arriver à soutenir la construction de la dimension forcément interdisciplinaire ? la difficulté et l’intérêt de cette dimension étant qu’elle renvoie à une autre question fondamentale qui est celle du développement du travail collaboratif des enseignants.
– Tout ce qui est dit dans le préalable vaut pour le TC : être en capacité de mettre en œuvre un TC où tous vont pouvoir apprendre sans diminuer les exigences n’est possible que si l’école change de posture et revisite sa pédagogie et la RCD est une fausse planche de salut qui donne l’occasion de redifférencier les parcours et donc de contourner l’enjeu ambitieux et nécessaire de faire avec l’hétérogénéité sociale et scolaire.
– Avec ce dispositif RCD, l’approche orientante et la possibilité d’obtenir un Certificat du Tronc Commun réduit à certains domaines, n’est-on pas en train de remettre en place le système actuel de filières relooké autrement ?

OS 1.6. Concernant la transition numérique :

Part-on suffisamment de l’existant : existe-t-il un état des lieux du numérique en FWB ? De ce qui fait blocage chez les enseignants ?
Attention à ne pas s’enfermer dans une vision très opérationnelle et top-down de la transition numérique : Se donner comme guidelines les 3 conditions pointées par Meirieu pour que les technologies contribuent à l’émergence de la pensée :
à condition que l’horizontalité des échanges qu’elles promeuvent n’écarte pas l’exigence de vérité ( il faut que le maitre enseigne en interrogeant ses propres savoirs du point de vue de la vérité, …)
à condition que l’immédiateté qu’elles promeuvent n’écarte pas l’exigence du sursis (apprendre, ça prend du temps … l’Ecole doit se saisir du numérique et travailler sur ses usages, elle doit s’instituer à leur égard comme espace de décélération …)
à condition que l’éducation se donne pour fin d’aider les élèves à entrer dans le symbolique (la pensée symbolique permet de se dégager de la reproduction de l’image pour ouvrir la voie à l’imaginaire, (…) il faut subordonner les outils technologiques à l’aventure intellectuelle et non l’inverse (…) faire du numérique non seulement un outil de travail, mais véritablement un objet de travail).

Et ne pas perdre de vue que le budget ne peut être one shot (équipement – maintenance – mise à jour etc…) => le prévoir de façon récurrente sous peine de voir les investissements consentis péricliter.

Axe stratégique 2 : Concernant la réforme du pilotage du système éducatif :

Bel effort de trouver un juste équilibre entre, d’une part,
– la nécessité pour le pouvoir politique (autorité centrale) de monter en puissance dans sa fonction de régulation – en tant que responsable de l’enseignement public – pour garantir plus d’égalité de traitement, de qualité et une même ambition pour tous les enfants via les mêmes objectifs généraux tout en composant avec l’histoire de notre enseignement belge et ses différents réseaux qui laisse une marge de manœuvre considérable aux fédérations de PO,
et d’autre part,
– le renforcement du leadership du directeur et la valorisation du rôle des enseignants au sein de la dynamique collective de l’établissement.

Ce champ du pacte est évidemment celui sur lequel les corps intermédiaires (réseaux et syndicats) ont le plus d’intérêts spécifiques à défendre. Pour que cette énorme machine scolaire avance au profit d’abord de l’intérêt et de la réussite de tous les élèves, il va falloir que tous les groupes d’acteurs fassent preuve de beaucoup de loyauté …

Beaucoup de changements et de réajustements en vue donc (pour les inspecteurs, les fédérations de PO, les directions et les enseignants) qui vont nécessiter du temps et le développement de nouvelles compétences.

Où sont les leviers de régulation ? Dans le pilotage du système et dans les articles 70 & 71 du décret fourre-tout sur les écoles en difficultés et dans la définition des objectifs contractualisés entre le Pouvoir Régulateur et les PO. Les critères de définition des écoles à fort écart de performance sont donc cruciaux.

Et un espace sur lequel il faudra certainement retravailler, c’est celui de la relation entre les enseignants et les directions dans le triangle/les tensions entre autonomie, responsabilité et reddition de comptes. Les défis à relever vont être énormes et il ne faudrait pas qu’on puisse faire porter le chapeau d’objectifs non atteints aux seuls enseignants via la procédure d’évaluation sanction individuelle.

Nous trouvons que cette procédure d’évaluation sanction pose deux problèmes :
Le premier problème est qu’elle vient empêcher toute forme d’évaluation formative collective fondée sur l’analyse des pratiques parce que si l’évaluation sanction est articulée à l’évaluation formative collective, les positions des uns et des autres seront entachées de méfiance. En gros, si l’évaluation formative peut déboucher pour certains sur une procédure d’évaluation sanction menée par la direction, dans la relation de travail, la seule position possible est l’allégeance à la direction, et chacun fera dès lors ce qu’il faut pour que cette allégeance lui coûte le moins possible en estime de soi.
Le deuxième problème est qu’elle est formulée en termes de contrôle (mauvaise volonté manifeste et manquements répétés). Il s’agit donc bien d’une procédure disciplinaire et dans ce cas, elle doit respecter les règles de droit qui prévalent pour ce type de procédure (procédure contradictoire, possibilité de recours auprès d’un tiers, etc)
On comprend bien qu’il faille une possibilité de sanctionner la mauvaise volonté manifeste et les manquements graves sur base de ce qui lie l’enseignant à son employeur (le contrat de travail, le statut, le règlement de travail) mais il est contreproductif d’aborder cette question dans le cadre de l’évaluation. Il faudrait d’une part des processus d’évaluation, formative et collective, en intervision et en supervision, centrés sur l’amélioration des pratiques et d’autre part une procédure qui s’inscrit dans le cadre disciplinaire pour ceux qui ne font pas leur travail.

Axe stratégique 3 : Concernant le qualifiant :

Globalement, ce qui est difficile et insuffisamment exploré à ce stade nous semble-t-il, c’est de penser et baliser la transition entre ce qui est en cours actuellement (décisions prises ou en train d’être prises) dans l’enseignement professionnel et de technique de qualification et les textes, c’est à dire ce qui devrait être modifié après implémentation du Tronc commun…
Est-ce réaliste de faire ce double mouvement sur un laps de temps si court ?

Quant aux propositions ayant trait à la réforme du qualifiant dans le Pacte, nous y trouvons à la fois la perspective de changements et d’avancées importants et des bémols :
• Ici aussi, le dispositif RCD est mis en avant et nous craignons qu’il soit le cheval de Troie annonçant le retour de toutes les hiérarchisations d’élèves que nous combattons et donc, sans doute, le retour des évaluations (au sens très actuel des pratiques de sélection) à tout bout de champ.
• Oui évidemment à donner de l’importance à la langue d’enseignement mais attention à ne pas confondre une fois de plus « Français Langue Etrangère » pour les primo arrivants et maîtrise du « Français Langue de Scolarisation » pour la plupart des élèves de milieux populaires (belges et d’origine étrangère). Il nous semble qu’on est une fois de plus dans la confusion.
• Et oui à une évaluation sérieuse préalable à toute implémentation plus large de la CPU car les avis des enseignants du qualifiant sur la question sont à tout le moins partagés et mitigés. Ce qui est clair en tous cas, c’est que le morcellement de la formation provoque un renforcement de la responsabilité individuelle de l’apprenant et individualise l’enseignement.
Il nous semble qu’il faudra prendre le temps de regarder de plus près les contenus des différentes sections d’enseignement technique de qualification avant de décider de celles qui seront basculées vers la filière de transition technologique et celles qui basculeront en qualifiant.
Et si nous approuvons l’idée de renforcer le pilotage de l’enseignement qualifiant, nous demandons que soit réglé dans la foulée un problème récurrent : l’opacité de ce pilotage ! Qui décide ? Dans quelles instances ? Et sur base de quelles informations ? Il y a du boulot et il est indispensable.
Quant à revoir le répertoire des Options de base groupées : oui, vraisemblablement, mais dans la clarté et pas les habituels marchandages entre réseaux. D’où la nécessité de disposer de données dites objectives.

Et quant aux stages, les difficultés à dépasser ne sont pas que l’insuffisance de l’offre des lieux de stage : il faut aussi garantir ce que les stagiaires vont y faire et donc y apprendre car ils sont trop souvent utilisés comme « hommes/femmes à tout faire de longue durée ».

Axe stratégique 4 : Sur mixité, école inclusive, lutte contre l’échec, le redoublement et le décrochage

Nous comprenons la tentation de fixer un objectif chiffré de diminution du redoublement mais nous pensons qu’il n’est que la conséquence (chère et douloureuse) du fonctionnement actuel du système scolaire en FWB et que c’est un repère insuffisant et paradoxal :
– Insuffisant car on pourrait (même si c’est suicidaire) diminuer le redoublement sans augmenter la qualité des apprentissages des élèves et nous préférerions que l’objectif chiffré porte sur l’augmentation significative de la maitrise des savoirs et compétences de tous les élèves au terme du TC ;
– Et paradoxal car peut-on nous expliquer l’objectif de diminution de 50% du redoublement d’ici 2030 ? cela veut dire que les auteurs de cette note imaginent l’implémentation du TC et, parallèlement, le maintien du redoublement donc du fonctionnement par classe ?
– Encore le RCD… au sein de la classe ou en dehors ? différenciation ou individualisation ? ce qui est dit ne semble pas construit à l’intérieur de la classe.
– Il nous semble que la note ne dit pas qu’on va travailler autrement avec tous mais juste qu’on va travailler autrement avec les largués…

Sur les relations « école-famille » : il n’y a rien ou presque sur les attentes / demandes / exigences de l’Ecole envers les Familles quant à l’intendance nécessaire, au suivi scolaire, à la transformation éducative, à l’impérialisme scolaire …
En demandant aux familles de devenir une succursale scolaire, l’Ecole rate l’objectif de partenariat, qui consiste à viser le même objectif (l’éducation) en employant chacun ses propres moyens, ses propres manières de faire. L’Ecole externalise sa mission qui consiste à « faire apprendre » et elle s’étonne que les inégalités subsistent voire se renforcent !
De plus, elle s’empêche ainsi de mettre en valeur les richesses de la diversité des familles, elle uniformise son enseignement sans assurer le transfert des savoirs dans la société et dans la création de réelles compétences sociales.
Nous invitons à creuser la phrase : « En outre, l’externalisation d’une partie de l’apprentissage peut nuire à la relation de confiance famille-école » à la page 261.

Sur la lutte contre le décrochage : c’est une lutte posthume, conséquence et symptôme du non-accrochage, de la non-entrée dans les apprentissages et la valorisation que cela confère : l’important est de mettre les moyens pour assurer l’accrochage, dès le maternel, essentiellement par rapport à l’enseignement et l’acquisition des gestes intellectuels, psychiques et physiques qui correspondent aux principes de fonctionnement de l’institution scolaire (on doit entrer dans le registre cognitif, professionnel, universel et évaluatif).

Il s’agit donc de faire remonter tous les acteurs autour de l’école (il y en a pléthore, et dont les missions sont insuffisamment articulées : CPMS, SAS, Médiateurs, AMO, services accrochage scolaire communaux etc…) bien plus en amont : en soutien des élèves et de leurs familles pour que l’accrochage et la réussite soient possibles.

OS 4.3. et OS 4.4. : Répondre aux besoins spécifiques des élèves dans l’enseignement ordinaire & Décloisonner et recentrer l’enseignement spécialisé

D’accord pour renforcer l’évaluation et l’identification des besoins des élèves, afin d’y donner une réponse pertinente, que ce soit pour des difficultés scolaires, un trouble, une déficience, un handicap si on arrête d’abord de s’empresser de nommer des difficultés scolaires en termes médicaux et si les enseignants sont mieux formés aux problématiques des troubles de l’apprentissage pour distinguer de manière plus fine ce qui relève de difficultés scolaires et ce qui relève de troubles, déficiences et handicaps. Autrement dit, si on se pose d’abord la question de la pertinence de la situation d’apprentissage avant de se poser celle des “dys”fonctionnements de l’enfant ou de l’élève.

Mais pour espérer réellement rompre avec le fonctionnement actuel, il faut d’abord se poser la question de savoir, d’une part :
– si la confusion entre difficultés scolaires, troubles des apprentissages, déficiences (de quoi de qui?) et handicap n’est pas sciemment entretenue par tous ceux qui veulent continuer à dédouaner l’école de toute responsabilité dans les inégalités scolaires en considérant tout cela comme des handicaps (sociaux, culturels, éducatifs, psychiques et physiques) et en recommandant de les “traiter” de la même manière: des moyens et des situations “adaptées” sans bousculer la norme qui leur est favorable ;
et d’autre part,
– si la volonté de mener en parallèle le tronc commun comme un continuum avec des apprentissages exigeants pour tous et l’école inclusive n’a pas pour objectif de faire la démonstration que et le TC et l’école inclusive ne sont que des utopies généreuses.

Si ces deux questions sont réglées, alors, nous sommes évidemment « pour » décloisonner l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire en favorisant toutes les possibilités de socialisation commune des élèves qui relèvent de ces deux types d’enseignement.

OS 4.5. : Concernant la mission des CPMS :

Maintenir les CPMS hors école est essentiel. Le CPMS fait tiers et est – quand il remplit pleinement sa mission – un interface fondamental entre les familles et l’école.
• Se greffer à l’école via un contrat a du sens pour sa gouvernance mais aussi et surtout pour travailler de manière articulée, en donnant du sens. Et oui à un seul type de CPMS par bassin et en inter-réseaux : comme d’autres corps professionnels, les désinféoder est nécessaire pour sortir de la dépendance qui tord la relation professionnelle mais c’est visiblement difficilement audible par les réseaux => à travailler selon nous.
• La production d’indicateurs pour l’évaluation est nécessaire à condition qu’ils soient adaptés.
• Libérer les CPMS de la mission d’information sur les filières est une bonne chose.
• Un seul type de CPMS: ok et même par bassin, inter-réseau mais c’est difficilement audible par les réseaux.
• Revoir les règles de financement est une nécessité.
• Par rapport à l’articulation avec les autres acteurs autour de l’école: l’expérience montre qu’un protocole de collaboration  n’est pas suffisant : les protocoles existants sont mal connus et non-appliqués. Autre hypothèse de travail à explorer : pourquoi ne pas refondre ces services? Cela complique la vie des familles et provoque une logique de marché dans les écoles (« qui m’offrira ce que je veux? »). Et créer  une nouvelle plate-forme démultipliera  encore les rencontres.
• Oui à l’idée de fusion CPMS/SPSE : c’est beaucoup plus simple pour les écoles et ça permet de mutualiser les ressources.
• Renforcer la communication avec les équipes pédagogiques est essentiel mais avec aménagement des modalités. Le secret professionnel garantit aux familles et aux élèves une confidentialité nécessaire à la relation d’aide. Ce qui peut se partager avec les équipes pédagogiques doit être négocié avec les usagers toujours dans leur intérêt. Et les enseignants ne sont pas tenus au secret professionnel.
• Associer les CPMS au plan de pilotage est nécessaire et il est fondamental également que le temps de concertation soit défini et intégré dans le temps de travail des enseignants.
• Quant à l’idée de ligne d’urgence, nous ne comprenons pas l’enjeu de cette proposition. Le CPMS n’est pas un service d’urgence. Que les directions soient appelables en cas de fait extraordinaire, oui mais pourquoi un service 24h/24?

Le CPMS doit se focaliser sur l’accompagnement des enfants, des familles et des enseignants et faciliter le passage entre les 2, de manière individuelle et collective.
En matière de travail collectif des PMS, 3 types d’actions nous paraissent particulièrement intéressants à leur confier : le DECE (Dispositif d’expression collective des élèves) ou la préparation du mandat des délégués de classes et la fonction d’interfaces entre l’école et le monde associatif.

OS 4.6. : Concernant le soutien aux écoles à fort écart de performance

Il y a évidemment tout l’enjeu de la définition des indicateurs, quant à la performance mesurée, quant au contexte dans lequel se trouve l’école etc. Cette réflexion, importante mais complexe, avait démarré avec l’administration il y a +/- 1 an. Il est impératif de la poursuivre avant tout démarrage d’actions de soutien et d’accompagnement d’écoles.
A ce propos, le GC pointe à raison l’importance de la prise en compte des aspects structurels et systémiques liés à la question des écoles en difficultés mais ne dit pas ce qu’il va en faire ? C’est l’occasion de rappeler la proposition de chantier que nous avons faite il y a plus d’un an :

Pour mémoire :
CGé et le grain ont proposé de mettre en place un cadre de réflexion et d’analyse commun à 3 écoles secondaires en grandes difficultés :
– 1 par réseau et sur Bruxelles, parce que c’est là (avec Charleroi) où les difficultés sont les plus fortes ;
– Faire un diagnostic fin et charnu de ce qui fait nœud dans ces écoles par et avec tous les acteurs concernés ;
– Ne surtout pas se donner une mission de « sauveur » : plutôt l’idée de regarder – en impliquant tous les acteurs concernés et idéalement dans un processus trans-écoles – comment ça se joue : qu’est ce qui foire où et analyser collectivement pourquoi pour reconnecter ce qu’on dit théoriquement au niveau du Pacte et ce qui se joue dans les 3 écoles avec l’intérêt de pouvoir comparer ce que produisent les 3 systèmes ;

Plus de détails sur le projet voir note ci-annexée intitulée : Recherche-action : Les inégalités scolaires vues par ceux qui les vivent (note CGé – Le Grain)

Nous pensons que ce projet garde sa pertinence.
Y a-t-il des projets pilotes en cours actuellement ?

OS 4.7 & 4.8 : Concernant l’encadrement différencié et la mixité :

Au moment où le groupe de travail du Pacte « réduire les inégalités » clôturait ses travaux, CGé était plus que perplexe : nous pensions que, outre l’évidence d’un ISE individuel qui est bien retenu dans les propositions de l’avis n°3, le restant des mesures proposées revenait à faire « un peu plus de la même chose » et ne changerait rien fondamentalement.

Dans l’intervalle, Nico Hirtt nous a rappelé l’existence d’une enquête étonnante de par son ampleur et ses résultats : l’enquête STAR qui indique on ne peut plus clairement les effets positifs provoqués par la réduction significative du nombre d’élèves par classe durant les premières années de la scolarité sur la réussite scolaire.

Cette piste intéressante – qui va totalement à l’encontre de ce qu’on nous affirme depuis 15 ans, à savoir que la politique de réduction des tailles des classes n’est pas efficace – a donc été proposée par la coalition à la Ministre le 8 septembre.

De ce que nous lisons dans l’avis n°3, cette piste n’a pas vraiment été explorée et est consignée une hypothèse intermédiaire sous forme de recommandation de ne pas dépasser 18 élèves/classe en milieux populaires => nous demandons donc que cette question soit étudiée plus avant.

Et ravis que l’idée de développer une approche pragmatique de type « LOP » soit retenue mais ne pas oublier de tenir compte des conditions qui font que les LOP marchent en Flandre.

OS 4.9 : S’assurer de la maîtrise de la langue de l’apprentissage par tous les élèves

2 remarques :
– Il faut enlever la condition de nationalité pour l’encadrement des Primo-Arrivants : on s’en fiche qu’ils soient ou pas européens, il faut pouvoir mettre en DASPA les élèves qui en ont besoin !
– attention à la confusion « Français Langue Etrangère » pour les primo arrivants et maîtrise du « Français Langue de Scolarisation » qui concerne, non pas les primo-arrivants mais bien un grand nombre si pas la plupart des élèves de milieux populaires belges et d’origine étrangère.

Axe 5 : infrastructures, rythmes, gratuité, qualité de vie et démocratie :

Nous nous réjouissons des orientations qui préconisent de rénover les infrastructures vétustes et construire de nouvelles écoles qui tiennent compte des évolutions visées (travail collaboratif, TC etc…).

Très bien aussi de viser une meilleure santé des enfants mais il n’y a rien sur les cantines scolaires qui sont pourtant le lieu où agir.

Belles avancées esquissées du côté du renforcement de la démocratie scolaire, à condition qu’on mesure toute la distance entre « le dire », « l’écrire » et « le mettre en place et le faire vivre réellement dans l’école ».

Et ce n’est pas rien, symboliquement, de terminer sur la question de la gratuité de l’école : enfin, il est reconnu que l’école coûte aux familles et l’objectif d’atteindre progressivement la gratuité est posé !

Concernant l’opérationnalisation :

À la lecture des principes directeurs relatifs à la mise en œuvre du Pacte et à son suivi  :
Au terme de ces 10 pages de questions et commentaires, nous vous disons quand même chapeau ! chapeau pour le travail accompli. C’est indéniablement la tentative de réforme la plus sérieuse de ces 20 dernières années et les 8 dernières pages qui proposent de se hâter lentement en phasant correctement les réformes avec tout ce qui doit les précéder et puis les encadrer pour qu’elles aient une chance d’aboutir à 15 ans sont très rassurantes.

Nous restent, à ce stade, une question et deux remarques / demandes :

– complètement d’accord avec le fait que «  la réforme du cadre de pilotage des écoles et du système scolaire suppose tout d’abord la mise en œuvre de la réforme de l’administration générale de l’enseignement  » mais de même que nous avons beaucoup invité à tenir compte de « pourquoi les réformes précédentes ont échoué » pour espérer ne pas re-trébucher sur les mêmes pierres avec le Pacte, avez-vous une analyse suffisante de ce qui a invalidé l’administration de l’enseignement afin d’espérer pouvoir lui rendre toute sa puissance d’agir ? Pour nous, l’invalidation doit être analysée de façon institutionnelle et systémique et il doit y être pallié. Car nous avons eu l’occasion de dire ce que nous pensions du recours massif à un consultant extérieur payé par un lobby d’entreprises : nous continuons à penser que cela pose un problème déontologique, démocratique et éthique et qu’il ne faudrait pas renouveler ce procédé.

– nous nous étonnons de l’absence totale de mesure de la progression de la mixité sociale dans les indicateurs de progression retenus : oublié ou intentionnel ? Pour nous, elle doit y être.

– Si il y a réellement accord et mise en œuvre de tout cet ambitieux plan de réforme sur 15 ans, ce plan doit être non seulement ratifié par les acteurs du GC mais aussi par toutes les formations politiques de la FWB, sinon la condition de continuité à 15 ans qui est le premier préalable ne sera pas réunie.

CGé
Décembre 2016