Dominic est un (des rares) instituteur paternel. Quand les enfants parlent de lui, ils disent « Dominic le garçon » car il y a une Dominique (« la fille »).
De même, il y a une Michèle et un Michel, appelés aussi « Michèle la fille » et « Michel le garçon ». Heureusement, il n’y a qu’une Pascale et pas d’André !
Être instituteur paternel, c’est vivre un métier « féminin » ou féminisé, est-ce facile ?
Aucun problème. C’est un réel bonheur. J’ai l’impression d’apporter une autre dimension dans un milieu où les câlins et les douceurs ont déjà leur place (et elle est importante). J’amène dans notre école fondamentale des projets plus « bricolage », de grandes sculptures, le potager, la construction de robots, l’élevage de coccinelles ou de fourmis, des projets qui demandent des constructions, du matériel. J’en parle à mes collègues maternelles. Je les rassure en organisant les achats, les plans. Je suis très organisé.
Cela voudrait dire que les femmes sont bordéliques ?
Non, je connais des hommes désordonnés aussi. Je crois que c’est plus dans ma personnalité. Comme père, je me sens aussi ordonné dans le ménage, quand je fais la vaisselle, quand je fais la cuisine.
C’est sans doute pour cela que ça marche ! C’est un peu comme ici dans l’équipe, tu y es bien car tu y as ta place reconnue, on apprécie ton apport.
Oui, c’est exactement ça ! Et finalement, ça n’a rien à voir avec le fait d’être un homme au milieu de femmes. C’est simplement être comme je suis, au milieu de personnes qui sont différentes de moi. C’est plutôt la complémentarité qui se joue et nous apaise, nous enrichit.
Ici, à l’école, tu n’es pas le seul homme, mais en journée pédagogique, par exemple, tu dois être le seul.
Oui, et au café, je me sens un peu étranger ! Les sujets de discussion sont très « ménages-layettes » mais dès qu’on se met à parler éducation au sens large, comment gérer les ados, par exemple, là j’ai ma place et j’ai des choses à partager, des questions aussi, comme tout le monde !
Est-ce que les parents de jeunes enfants ont confiance en toi ?
Leur plus grande crainte est que je ne sache pas m’y prendre, pour les changer, par exemple, en cas d’accident. Je dois beaucoup les rassurer. La première réunion de l’année est importante. Je partage tous mes projets. Ils peuvent se dire : « Ce ne sera pas comme avec une femme, ce sera différent, mais bien aussi ! » Je sens que j’ai dû apprendre ce métier. Ce n’est pas évident de savoir réagir quand un enfant pique une colère, quand il pleure pendant des heures. Maintenant, je supporte mieux les pleurs, je les accompagne. Mais de nouveau, c’est vrai pour un homme ou pour une femme. On est tous touchés par un enfant qui pleure !
Les papas viennent plus facilement me trouver que les mamans. C’est comme si j’étais sur leur territoire ! Quand je sens que ça ne va pas, j’interpelle ! « Il me semble que ce n’est pas facile avec Gaspard, pour le moment ». Beaucoup de mamans m’ont confié, soulagées, « je n’osais pas en parler, je ne sais pas si vous comprendriez ! »
Vis-à-vis des enfants, sens-tu que tu es masculin ?
Je suis masculin et féminin en même temps ! Je me sens stable, structuré, un peu comme la classe. C’est la sécurité qui est rassurante. Les enfants le sentent. Ils ont besoin en même temps de libertés et de limites. La classe verticale a beaucoup d’avantages ! Ça tourne tout seul. La tradition orale transmet les habitudes et les rituels. La structure est présente et modifiable. Je pense que ce métier m’a fait évoluer. J’ai dû être attentif à moi pour être (vraiment) attentif aux enfants. Tout cela mérite des « soins ». Alors, femme ou homme ?