Sous les étiquettes, quelles pratiques ?

Nous reviendrons dans la Revue sur les remous et conflits récents suscités par le projet d’école à « pédagogie active » à Forest. Le dossier est complexe et soulève beaucoup de questions intéressantes. Dans le cadre de ce billet, je me limiterai à quelques réflexions disons « socio-pédagogiques ».

Je note au passage que d’autres projets d’écoles alternatives sont en gestation en Communauté française et particulièrement à Bruxelles. Des personnes de qualité, des progressistes en général, manifestent par là leurs vives inquiétudes face aux maladies graves du système scolaire. Ces citoyens vont plus loin et veulent contribuer à la mise en œuvre de changements. Bon courage ! Les obstacles à surmonter ne manqueront pas.

Aujourd’hui, je voudrais nourrir le débat en soulevant quelques questions à propos de deux « étiquettes » récurrentes. « Pédagogie active » qui est loin de faire l’unanimité et « mixité sociale » que tout le monde semble souhaiter … du moins à l’école.

« Mixité sociale ». En avant toutes voiles dehors ! Restons prudents. Il ne faudrait pas croire que l’inscription de quelques centaines de jeunes des quartiers défavorisés dans des écoles (secondaires) de la périphérie riche va réaliser l’objectif de mixité. Il y a la question délicate du départ des forces vives (« bons » élèves et familles plus stratèges que d’autres) qui entraine encore une diminution du peu de mixité existante. Mais le véritable critère de réussite de l’opération sera de voir ce qu’on va mettre en place dans les écoles « accueillantes » (on l’espère) pour que ces jeunes y restent plus d’un an ou deux. Et surtout pour qu’ils y passent des années épanouissantes sur les plans scolaire et citoyen. Cela ne se fera pas d’un coup de baguette magique …ou décrétale. Cela nécessitera des changements profonds dans les cultures d’établissements et dans les pratiques pédagogiques. On en parle trop peu.

Benoit Galand, relayant les recherches menées au Québec et en Australie, souligne dans un article éclairant que les pratiques d’enseignement sont les facteurs les plus déterminants pour les apprentissages des élèves. Beaucoup plus que les facteurs structurels (financement, nombre d’élèves/classe, …). « Juger de la pertinence d’une proposition de réforme pourrait notamment être de se demander en quoi (et à quelles conditions) celle-ci a des chances d’affecter les pratiques de classe en vue d’améliorer les apprentissages des élèves ». Il ajoute même, plus interpellant encore : « la plus grande source scolaire d’inégalité entre élèves étant l’enseignant qui leur est attribué » ((Benoît GALAND, Qui a peur de l’évaluation ? Évaluer les élèves ou évaluer les politiques ? dans TRACeS de Changements, 199, fév. 2011 ou http://www.changement-egalite.be/spip.php?article1982].

« Pédagogie active » est l’autre étiquette qu’il faudrait décortiquer avec soin. Quels sont les ingrédients de la potion que d’aucuns espèrent magique ? Pas sûr du tout que celles et ceux qui pratiquent la pédagogie institutionnelle ou se réclament de Célestin Freinet se retrouvent dans les méthodes des écoles Steiner. Par exemple. Et puis il est indispensable d’observer à quels élèves profitent les pédagogies évoquées. Bernard Charlot et beaucoup d’autres chercheurs ont mis en lumière que le rapport aux savoirs des enfants des familles pauvres n’était évidemment pas celui des enfants nés avec tout l’équipement du petit écolier à côté du berceau. Cette différence fondamentale de posture des enfants et des parents devrait aussi être très sérieusement prise en compte. Et surtout traduite dans des pratiques nouvelles. Pas une mince affaire !

La lutte contre les inégalités et les changements nécessaires du système scolaire ne sont pas seulement affaire de bonne volonté ou de générosité. Ni de position idéologique. Ils requièrent un travail en profondeur sur les pratiques au quotidien.