Cette année, et sans doute pour la première fois, je me suis organisée une classe comme un deuxième chez moi.
Quand je ne suis pas chez moi, je suis dans ma classe, j’y habite chaque jour de 8h à 15h30 à peu près. Alors, autant m’y sentir bien.
Je pense n’avoir jamais réellement habité ma classe avant cette année-ci. Un concours de circonstance, le parcours d’une vie professionnelle un peu chaotique, le retour dans mon école après un an passé ailleurs, la reprise d’un temps plein, et en plus un déménagement de local m’ont fait réagir. Envie de poser mes valises, envie de m’approprier cet espace prêté pour un temps, envie d’avoir envie de me lever chaque matin pour m’y rendre.
J’avais de la chance, la classe avait été récemment repeinte, en jaune et mauve – couleurs de la communication et de la spiritualité qu’on m’a dit, parfait, c’est tout ce qui me fallait ! Des armoires encastrées, d’autres récupérées à gauche et à droite, des vieilles tables et chaises qui trainaient dans le grenier de l’école et un chevalet de peinture antique. Un évier avec de l’eau chaude et un coin toilette avec une porte qui ferme, c’est tout confort je vous dis ! D’ailleurs j’ai vite fait de débarrasser ce petit coin toilette devenu au fil des années un débarras, j’y ai trouvé une sorte de planche posée sur deux armoires et voilà une pièce bureau installée à côté du petit wc. Pas grave, ce sera l’occasion de l’entretenir quotidiennement, je le fais bien chez moi, alors…
Comme pour moi
Pour habiter dans ma classe, j’ai fait comme les enfants de parents divorcés : j’ai acheté en double ce qui me paraissait utile au bon fonctionnement de ma petite personne. J’ai une paire de lentilles à la maison et une autre à l’école, les produits qui vont avec ; ma crème spécial visage antirides et mon spray gel pour mes cheveux ; mes vitamines pour les jours de déprime et une petite pharmacie personnelle qui commence à prendre de la place. Et puis aussi un stock de collations, des cakes (que je partage régulièrement avec les enfants), une réserve de bouteilles d’eau de ma marque favorite. Bref de quoi tenir au cas où j’y resterais coincée un jour, sait-on jamais. J’ai dédoublé ma garde-robe en y apportant quelques vêtements utiles : un pull, une veste, un manteau de pluie, une écharpe, un foulard, des chaussettes. Même mes photos, je les développe en double et tapisse copieusement les murs de mon « coin bureau ». Ma famille, mes amis habitent avec moi.
Je me suis même intéressée au feng shui. Du coup, un aquarium est entré dans ma classe, mais pas n’importe où ni n’importe comment. Il faut savoir comment stimuler la zone « argent ». Un carillon par-ci par-là pour faire circuler le « chi » ; le globe terrestre a pris sa place dans la zone « connaissance »… Une peinture d’enfant représentant un soleil a été placé dans la zone « réputation » et des fleurs fraiches entretiennent la zone « amour ». Ben quoi ? On n’a que le bien qu’on se donne après tout !
Et pour me sentir encore mieux dans ma classe, j’y ai mis des odeurs. Je possède une panoplie d’huiles essentielles que je fais régulièrement diffuser au gré de mes fantaisies… ou de mes maladies. « Tiens, t’as un rhume ? » me lance une collègue en passant « ça sent l’eucalyptus aujourd’hui ! ». En même temps je soigne les enfants ! Et quand ils sont trop nerveux j’embaume avec de la mandarine. Qui a dit qu’une école n’avait pas d’odeur ?
Je ne vous cache pas que je suis contente de quitter ma classe à 15h30 pour retrouver ma maison de campagne avec ses vieux meubles et ses murs jaunes. Et quand je la quitterai demain matin ce sera pour rejoindre avec gaieté ce prolongement de mon « chez moi », cet espace investi « comme pour moi », où je ne me sens plus seulement une simple locatrice des lieux mais bien propriétaire d’un bien partagé, ne fut-ce qu’un temps et le temps que ça durera. Vivement demain !
