Immigration

Face à ces vécus, la contradiction entre le beau discours égalitariste de nos sociétés et les pratiques silencieuses de relégations économiques, sociales, culturelles, ethniques est insupportable pour ces jeunes. Ils ont le sentiment de vivre une hypocrisie et un mensonge collectifs : « Les jeunes de famille immigrée doutent toujours que ce qu’on leur dit soit vrai. S’ils ressentent un petit doute, ça démarre, ils attaquent, ils disent que tu mens », disait un éducateur. Cette dissonance entre ce qui est dit aux jeunes et ce qui leur est fait, comme violence raciale et sociale au quotidien, est-elle la source de cette méfiance si fréquente à l’égard des autorités et du succès des théories du complot ?
Parfois, ironie suprême, ces jeunes sont même amenés à participer à des mascarades d’insertion par le scolaire pour protéger les parents : « On est prisonnier des rêves des parents. Mon diplôme, c’est pour eux. Pour moi, c’est un bout de papier qui n’a pas de valeur. Si je suis à l’école, c’est pour la famille, car tu représentes l’éducation de tes parents. Si tu as un diplôme, les grands peuvent dire : moi mon fils il est bien éduqué. J’ai souffert toute ma vie, mais lui il va devenir un homme. Le respect rejaillit sur eux. Mon père, je l’ai déçu à cause de mon parcours scolaire. Alors je suis obligé de continuer, pour lui montrer ma reconnaissance. Ils se sont battus pour nous, je leur dois bien ça. Pour faire briller leurs yeux », nous disait un jeune. (Miguel L. Lloreda)