Trop plein

Découverte et gestion des énergies corporelles, mentales et affectives.

Sens dessus-dessous
Sens dessus-dessous
Un nom barbare et pompeux pour une expérience bien modeste, lancée dans notre école il y a maintenant trois ans et qui, petit à petit, a fait son chemin.

Karaté prof

Suite à une demande de ma direction, je cherchais, avec quelques collègues, des pistes pour gérer le ” trop plein ” d’énergie de classes de 2e Professionnelle Coiffure particulièrement remuantes. Il m’avait été demandé si un cours de self-défense pourrait canaliser positivement l’énergie des élèves. Personnellement je ne voyais pas la self-défense comme une pratique adaptée à ces élèves. Par contre, une approche pluridisciplinaire des arts martiaux, avec leur courtoisie et la dépense physique qu’ils exigent ainsi que leur philosophie, me semblait un bon vecteur de découverte de soi et des autres. J’avais déjà participé à des ateliers ” duo-duel ” avec des collègues d’éducation physique lors des semaines culturelles organisées dans notre Institut, et ma pratique, déjà ancienne, de l’enseignement de l’Aïkido et du Kendo me semblait un outil adéquat. Je présentai mon projet et carte blanche me fut donnée par la direction. L’enthousiasme !

Le cours fut donc placé dans la grille horaire : 2 heures/semaine, avec la collaboration d’un collègue professeur d’éducation physique. Première année, premier bilan : résultats mitigés. Des élèves, preneurs du projet, étaient heureux, satisfaits, mais d’autres, n’y adhérant pas du tout, trainaient les pieds. Il fallait ajuster le tir. Un gros progrès fut d’en faire un cours à option. Présentée en parallèle avec des activités artistiques ou des cours d’artisanat, l’option ne draine plus que des élèves motivés, curieux et participants. D’autant que la possibilité de changer d’option reste offerte à chacun au bout de chaque trimestre.

Kiaï et danse irlandaise

Le programme est assez varié afin d’offrir une palette d’approches multiples. Il s’articule jusqu’à présent selon quatre axes :
– Approche des arts martiaux. Aïkido, Kendo, Bojutsu (bâton) et bases de Taï Chichua. Il constitue une approche très douce et progressive de ces arts avec pour objectifs de découvrir son corps, ses limites, sa place dans l’espace et par rapport aux autres. On y insiste sur l’importance de la respiration, du contact, de la relaxation et de l’action. On y approche l’utilisation du ” Ki ” de la voix et du cri. On y apprend à décoder les agressions, à les analyser, à les maitriser et à ne pas confondre ” détruire l’agression ” et ” détruire l’agresseur ” ; le respect de la personne étant la base de la philosophie du cours. Il s’agit aussi d’y découvrir les sentiments de ” gêne “, physique ou sociale, de les définir, de prendre conscience et de verbaliser ces émotions, de chercher aussi des pistes pour les dépasser ou, tout au moins, les gérer mieux. Au passage, un des objectifs mineurs est de clarifier la notion d’arts martiaux, souvent à cent lieues de l’image donnée par certains films, image trop souvent négative ou caricaturale.
– Découverte de soi et des autres par les danses folk. Une découverte, en général, pour tous les élèves ; toujours un gros succès une fois passée la surprise et franchie la barrière psychologique : « Quoi ? Danser avec un prof ! Danser sur ça ? »
Des danses parfois en couple mais le plus souvent en groupe, une découverte du rôle sociabilisant et récréatif de cette activité rythmique et festive, hors des habitudes musicales et culturelles de la plupart des élèves.
– Découverte et initiation au chant. Dans le cadre du travail sur le souffle et l’expression, une place est laissée au chant, simple ou polyphonique. Une approche modeste mais qui permet, par ses exercices respiratoires, ses essais de voix, son écoute de sa propre voix et de celle des autres, de prendre du plaisir, de découvrir la difficulté de l’art du chant et sa beauté. La difficulté majeure consiste à vaincre la timidité de chacun, mais, venant en fin de parcours, un grand travail a déjà été fait sur ce point précis.
– Atelier Art dramatique. Une des activités de conclusion des ateliers consiste souvent en une ou deux séances de jeu théâtral d’improvisation sur le modèle du jeu de société Comedia, où l’on essaie d’utiliser toutes les ressources des activités précédentes, mêlées à ses talents personnels : des petites improvisations en solo ou en groupe, préparées par des jeux d’expression physique ou orale des sentiments, des émotions, voire aussi par des jeux de rôles.

Bien sûr, tout n’est pas toujours rose. Une des difficultés majeures, non résolue à ce jour, c’est de disposer d’un local adapté (le local d’éducation physique est sur-occupé ; dès lors, pas de tatamis, pas de vestiaires,…). D’autre part, les classes voisines n’apprécient pas toujours le « Kiaï » des élèves ou le rythme des danses irlandaises. Une autre difficulté, c’est aussi les différences culturelles et les barrières psychologiques de chacun ; mais étant la matière première de la démarche, c’est aussi un puissant moteur.

Le soutien de la direction constitue cependant une aide appréciée pour ce projet qui, s’il en est encore à ses premières armes, trouve peu à peu son rythme, soutenu et nourri par l’enthousiasme des élèves. À ce jour, l’expérience n’est ouverte qu’aux élèves de 2e Professionnelle. Mais l’intérêt manifesté par les élèves de 3e qui y ont déjà participé ou qui en ont eu des échos, laisse penser qu’il serait peut-être envisageable et utile de l’étendre à ces derniers ; à un âge où il est parfois difficile de vivre ses émotions, ses découvertes et ses sentiments dans son corps, dans sa tête et dans sa classe.

N.B. Un grand merci à tous les avatars de la Star Academy et Cie qui auront, au moins, rendu l’image du chant plus accessible au commun des élèves (avec toutes les réserves qui s’imposent, bien entendu).