Travailler une compétence méthodologique
pour aborder un chapitre indigeste : un bon plan ?
Pas sûr : ce cours sur la rivière ne fut pas un long fleuve tranquille…
Je donne des cours d’option au sein d’une filière de technique de qualification (TQ). Aucun de mes élèves inscrits cette année — et c’est une tendance constatée quasiment tous les ans — ne souhaite exercer le métier pour lequel il se forme. Ils aspirent plutôt à poursuivre leurs études dans le supérieur. Ce à quoi nous les encourageons.
Cependant, une réalité s’impose à nous : le taux global de réussite des étudiants, en première année du supérieur, issus du secondaire technique de qualification oscille autour de 27 %. Ce taux de réussite tombe à 4 % pour les étudiants du TQ inscrits à l’université.
« Je suis tiraillé entre ma volonté de suivre le programme et l’envie de travailler des questions de méthode de travail. »
Je suis donc tiraillé entre ma volonté de suivre le programme de formation qui vise à apprendre un métier et l’envie de travailler des questions de méthode de travail avec ces élèves pour qui l’école n’a pas su développer ou repérer la majorité des gestes types de l’apprentissage scolaire.
J’essaie donc de travailler conjointement ces deux objectifs. Je leur demande, par exemple, de sélectionner et de structurer des informations sur le terrain, mais aussi à partir de différents types de documents (rapports scientifiques, plans d’action politique, rapports d’incidence environnementale, documentaires), de réaliser des cartes mentales pour la mise en œuvre d’un projet environnemental, de rédiger des argumentaires en faveur d’un projet d’aménagement… Ici, je raconte une tentative visant à proposer l’outil de plan de texte[1]Je considère le plan de texte comme un outil d’aide à la répétition et à la vérification autonome des acquis. Il permet également de développer une vue d’ensemble de la matière. .
Dans le cadre de la préparation à une épreuve intégrée portant sur la gestion des ressources en eau à l’échelle du bassin versant, j’estime utile que les élèves maitrisent le vocabulaire de description des composantes physiques des cours d’eau. Je présente ce vocabulaire en une vingtaine de pages illustrées de schémas légendés et composées de nombreuses définitions. Je leur demande donc de l’étudier par cœur pour une date fixe. Pour y parvenir, je leur demande de réaliser un plan de texte et de se préparer à un exposé oral d’une partie du chapitre, et ce, avant l’évaluation écrite portant sur la connaissance de ce vocabulaire.
Au bout d’une vingtaine de minutes de travail individuel en classe, je sens les élèves désorientés. Ils me disent ne jamais avoir réalisé de plan. Bien qu’étonné, je me lance dans l’explication de la manière avec laquelle je réalise un plan. Ils reprennent ensuite l’exercice.
Me disant que mes explications sont incomplètes, je rédige une fiche méthodologique que je leur remets au cours suivant. Je reçois leurs plans terminés par la suite. Ils ne correspondent pas à ce que j’imaginais. La structure parfois m’échappe, les notions et les schémas à connaitre n’apparaissent pas toujours clairement, les phénomènes présentés en font rarement partie. Que faire alors ?
Par rapport au calendrier des évaluations préparatoires à l’épreuve intégrée, je ne peux me permettre de passer trop de temps sur ce chapitre. Je leur remets alors le plan de chaque partie du chapitre que j’ai réalisé moi-même. Je leur demande ensuite de relever les différences observées entre leurs plans et le mien et d’essayer d’expliquer la logique et l’intérêt de l’un ou de l’autre.
Me disant qu’alors, ils sont suffisamment outillés pour poursuivre le planning établi, chacun réalise l’exposé oral du contenu qu’il a travaillé. Bien qu’à l’oral, les exposés tiennent globalement la route, je constate qu’ils n’aideront pas à l’acquisition de la matière, du fait du manque d’éléments importants, d’erreurs ou de confusion voire d’incompréhensions de certaines parties.
Je maintiens la date de l’évaluation prévue, malgré les craintes exprimées par les élèves. Les résultats ne sont, en moyenne, pas bons. Certains se retranchent derrière l’argument du volume trop important de matière, d’autres sur le manque de temps pour étudier puisqu’ils ont dû passer du temps à réaliser leur plan et à préparer leur exposé oral.
Nous fixons donc une deuxième possibilité de réussir cette évaluation. Les résultats sont un peu meilleurs dans l’ensemble, mais pas du tout convaincants par rapport à l’efficacité du dispositif testé ici.
Aujourd’hui, ces élèves qui sont maintenant en 6e me reparlent, en rigolant, de ce chapitre sur les cours d’eau. Nous savons tous que l’objectif de maitrise du vocabulaire hydrographique n’a pas été atteint. Ils me disent que l’exercice leur a permis de bien connaitre la partie qu’ils ont dû travailler par eux-mêmes, mais ce n’est pas le cas des parties présentées par les autres.
Les résultats décevants à l’évaluation et un intérêt faible de la part des élèves pour le chapitre vu me révèlent que, si c’était à refaire, je chercherais à adapter davantage la séquence de cours au niveau des élèves, et j’instaurerais des moments d’analyse réflexive de manière institutionnalisée.
Pour un nouveau plan d’action
J’en tire comme constat que travailler la réalisation d’un plan de texte ne se fait pas en un seul exercice. Mais il m’a semblé quand même utile d’amener les élèves à le faire. Rechercher l’appropriation personnelle de cet outil, afin qu’il leur soit utile dans leurs apprentissages demande sans doute d’avancer progressivement dans l’exercice de la compétence : un texte court d’abord, pour ensuite, pouvoir aborder des textes plus longs. Mais aussi, davantage d’interactions (individuelles et collectives) sur la manière de cerner les liens logiques d’un texte, de rendre compte d’une structure, de hiérarchiser l’information, de distinguer l’essentiel de l’accessoire…
Lors des échanges réalisés durant notre weekend d’écriture, je suis invité à proposer une collaboration avec le prof de français. Dans le prolongement de cet objectif, il m’a été proposé de chercher à définir, avec les autres profs qui travaillent avec cette classe, une compétence transversale que les élèves devraient acquérir. Nous pourrions alors travailler, ensemble, sur l’acquisition de cette compétence, dans le cadre de nos différents cours et en faire, par exemple, le bilan au terme d’un trimestre.
Une autre piste qui m’a été suggérée pour travailler une compétence est de solliciter ceux qui se débrouillent bien en leur demandant d’expliquer au reste de la classe comment ils font. Ils peuvent aussi devenir personnes-relais pour accompagner et aider ceux qui le souhaitent. En terminant, par exemple, par la rédaction collective d’une fiche de structuration. La maitrise du vocabulaire en sera-t-elle meilleure ? À vérifier. En tous cas, j’aime bien l’idée d’approfondir ce travail sur le plan de texte, même dans un cours technique.
Enfin, travailler sur la méthodologie de travail ou sur une compétence dite transversale m’apparait maintenant avec évidence comme étant un objectif à travailler en équipe. J’envisage de telles collaborations avec enthousiasme. Il reste à voir si mes collègues trouveront, comme moi, que c’est un bon plan. ó
Notes de bas de page
↑1 | Je considère le plan de texte comme un outil d’aide à la répétition et à la vérification autonome des acquis. Il permet également de développer une vue d’ensemble de la matière. |
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