Il est impossible de donner une image fidèle de cet ouvrage, tant le propos est nuancé et ample, nourri de références et de recherches (notamment, une enquête auprès de parents dyslexiques), avec des analyses de parcours d’enfants tout en finesse.
Il vise, comme son sous-titre l’indique — naturaliser ou combattre l’échec scolaire —, à démonter comment la dyslexie est devenue un diagnostic récurrent dans le monde de l’école. En quelque sorte, il est le pendant malheureux de l’ouvrage de Wilfried Lignier qui avait travaillé quant à lui sur les enfants déclarés surdoués.
Sandrine Garcia interroge cette médicalisation croissante de l’école, où, sous couvert de reconnaitre le handicap des troubles d’apprentissage, on offre un cadeau empoisonné aux enfants, aux familles et aux enseignants… Aux enfants, puisque les difficultés d’apprentissage sont rapportées à leurs incapacités cognitives ; aux familles dont certaines s’interrogeront sur leur part de responsabilité ; aux enseignants, qui se voient dépossédés des compétences susceptibles de combattre ces troubles.
Vécu entre douleur et soulagement, ce diagnostic permet de trouver une explication objective aux troubles de l’enfant, voire de les négocier avec l’école. Elle permet aussi de dédouaner l’école en renvoyant les problèmes vers des intervenants extérieurs.
La recherche notamment en didactique de la lecture n’aurait-elle plus rien à dire sur la question ? L’ouvrage expose les débats pédagogiques qui ont précédé et accompagné l’émergence du diagnostic de dyslexie. Il analyse les pratiques pédagogiques ou éducatives actuelles gravitant autour de la dyslexie.
Il se termine sur l’évocation de trois pistes de recherche : comment se produit l’incorporation des dispositions lectorales, c’est-à-dire non seulement par quel type d’activité, mais aussi moyennant quel type d’intervention de l’adulte ? Ensuite, à l’aide d’enquêtes ethnographiques au sein de l’institution scolaire, il s’agirait d’étudier comment les enfants sont identifiés en difficulté, et quels types d’intervention leur sont proposés. Quels sont les effets du diagnostic sur leurs parcours, leurs identités, leurs investissements scolaires, sur les relations avec les pairs et les enseignants ? Enfin, comment la famille se constitue (ou pas) comme institution didactique et/ou productrice de dispositions qui se construisent dans le plus quotidien des interactions parents/enfants ?
Un livre essentiel.
Sandrine Garcia, À l’école des dyslexiques. Naturaliser ou combattre l’échec scolaire ?, La Découverte, 2013.