Postposer, prendre du recul,…
Après un stage de pédagogie institutionnelle aux Rencontres pédagogiques d’été fin aout, j’ ai décidé de mettre en place quelques institutions dans ma classe de 5e/6e d’un athénée de la région bruxelloise : Ça va, ça ne va pas, conseil de classe, tour des responsabilités. Le conseil de classe a lieu tous les vendredis en fin de journée scolaire. C’est un début.
Dans ma classe, plusieurs nationalités sont représentées, plusieurs religions ou options philosophiques aussi. Le 11 septembre, l’émotion est vive après les évènements aux États-Unis. Les élèves veulent en parler. Je les renvoie au conseil de classe du vendredi. J’ai moi-même besoin de recul pour aborder une discussion à propos de cet évènement. Je veux que les choses se décantent un peu et ne pas réagir sous le coup de l’émotion.
Vendredi 13/9 à 10 heures, les élèves et les instituteurs du fondamental sont réunis dans un préau et, à ma grande surprise, invités à respecter deux minutes de silence, quelles que soient les options philosophiques de chacun, pour les victimes des attentats aux États-Unis. Bien que sensible à la douleur des personnes touchées par ces attentats, je ne suis pas d’accord avec cette décision et suis choquée que l’on n’ait pas demandé l’avis des personnes concernées, élèves et instituteurs. Je trouve toutefois impossible d’afficher mon désaccord, là, devant mes élèves. Le moment est mal choisi, j’en discuterai avec la direction dans les heures qui suivent.
Les deux minutes de silence se passent, nous regagnons nos classes. Les questions fusent, je propose d’en parler lors du conseil de l’après-midi. J’établis l’ordre du jour du conseil en prévoyant un moment que j’intitule « Mes sentiments par rapport à… »
Deux minutes, chaque fois
Nous arrivons à ce point de l’ordre du jour et les questions ou les affirmations viennent : pourquoi n’a-t-on pas fait deux minutes de silence pour les victimes de la guerre du Rwanda, les victimes des inondations, des tremblements de terre,… Et pourquoi ne le fait-on pas pour les Palestiniens qui vivent dans des conditions inadmissibles ?
Je leur dis avoir été aussi surprise qu’eux, que leurs questions sont aussi les miennes, que je n’ai pas eu l’occasion d’exprimer mon désaccord par rapport à ces deux minutes, que je ferai part de leur désaccord et du mien à la direction. Ce que j’ai fait.
Je leur exprime que, pour moi, le respect de la vie est quelque chose d’essentiel, que j’aspire à ce que le droit à la vie soit respecté partout dans le monde et que je me suis engagée personnellement pour faire respecter ce droit dans les évènements qu’ils ont cités. Puisque ces deux minutes de silence ont eu lieu, je prends l’engagement de leur proposer de faire deux minutes de silence si, à l’avenir, où que ce soit dans le monde, le droit à la vie n’est pas respecté et qu’ils me demandent de consacrer par la pensée un moment aux victimes.
Lors du début des frappes américaines, au conseil de classe, je leur ai proposé deux minutes de silence pour le peuple afghan. Ils ont donné leur accord d’autant plus, m’ont-ils dit, qu’une des élèves, Afghane, avait de la famille en Afghanistan…