Un contre l’autre (L’)

Face à face ou la rencontre de deux aimants

Pénibles, mes face à face. Fréquents, épuisants et mystérieux.
Je les vois comme le contact entre deux aimants (polysémie, polysémie, quand tu nous tiens !) attirés l’un vers l’autre sans volonté consciente, tellement puissamment que ce contact se concrétise en un choc violent. Comme ces aimants vivants que nous sommes sont capables de sensations et de sentiments, ces rencontres trop brutales sont douloureusement ressenties.
Mais, après tout, le face à face, si douloureux qu’il soit, m’est de loin préférable au vide relationnel, à l’indifférence, qui provoquent en moi le sentiment de ne pas exister, ou si peu (« je ne comprends pas » ; « que je sois là ou non, tout le monde s’en fout »).
Qu’est-ce qui pourrait rendre ces rencontres d’aimants moins violentes, moins agressives ? « Pourquoi tant de haine ? » Pourquoi faut-il un gagnant et un perdant ? Quel est l’enjeu ? Mon bonheur (ma survie ?) nécessite-t-il (elle) le malheur (la mort ?) d’un autre ? Est-ce que je perds ma place si je laisse la sienne à l’autre ? L’autre veut-il vraiment prendre la mienne ? D’où me vient ce sentiment si fréquent de devoir me battre pour avoir (garder) ma place ? Est-ce que j’en exige trop ? C’est quoi trop ? Qui décide ?
J’ai parfois l’impression que d’autres aimants me vivent comme menaçant. Est-ce quand je me sens moi-même menacé, non écouté, non entendu, non reconnu ?

Comment déjouer les pièges du face à face dans un groupe à tâche ?

(ce que je crois savoir… et un rêve)
Le face à face fait très bon ménage avec la certitude que nous avons parfois de détenir seul la vérité (le savoir, l’expertise) dans un domaine.
Dans un groupe, celui qui croit que lui seul sait ou qu’il sait le mieux de tous, tend à vouloir y prendre toute la place. Rompre le face à face implique d’admettre que nos vérités sont partielles, relatives, provisoires ; que la rencontre (et non l’opposition) de nos savoirs, de nos expériences forcément fragmentaires vaut la peine ; que tous, nous y avons à gagner, partout et tout le temps.
Nous renonçons au face à face quand nous nous « mettons en jeu » (polysémie, polysémie quand tu nous tiens !!). C’est comme quand nous participons à un jeu de société : le face à face est évité par le respect des règles du jeu et la conscience commune qu’ont les joueurs du but à atteindre. Lorsque les règles sont connues, comprises et acceptées par tous, pas de problème.
Mais, dans un groupe à tâche, que faire pour que les règles soient connues de tous ?
Les écrire
Que faire pour qu’elles soient comprises par tous de la même manière ?
Le vérifier en en parlant avant qu’elles n’entrent en vigueur.
Et si, tout de même, un problème d’interprétation surgit ?
S’arrêter, en parler et rechercher le consensus.
Qu’est-ce qui fait que des règles ne sont pas acceptées par tous ?
Le sentiment qu’elles favorisent les uns ou les autres.
Le sentiment qu’elles sont inutiles, qu’elles freinent l’action.
Qu’est-ce qui fait naître ces sentiments-là ?
Probablement, en grande partie, le fait de ne pas avoir participé à leur élaboration, à leur négociation, de ne pas se les être appropriées.
D’où l’intérêt de « travailler » les règles avec ceux qu’elles concernent. Je rêve d’une école dont les règlements seraient l’enjeu de négociations serrées entre les représentants élus des différents groupes constituant la communauté scolaire : élèves, enseignants, personnel non enseignant, direction.
Je rêve de groupes-classes qui négocieraient leurs règles de fonctionnement.
Je rêve de cours dont les règles du jeu seraient explicites, négociables et négociées.
Je rêve d’écoles-laboratoires de la démocratie citoyenne.

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