Un livre dans son sac

Fatima aime la lecture. « Depuis très longtemps », m’avait-elle confié quand elle était mon élève, en 5e et 6e primaire. Fatima est maintenant en 2e année de secondaire général et elle lit toujours autant.

Pourquoi ? Pourquoi, Fatima aime-t-elle tant lire alors que d’autres jeunes de son âge avouent n’ouvrir un livre que quand l’école l’exige ? C’est la question que je lui ai posée quand nous nous sommes rencontrées pour écrire cette interview.

Fatima a d’abord parlé des bibliothèques. Celle de sa commune, Saint-Gilles, qu’elle fréquente depuis l’âge de 10 ans, à la suite d’informations données par l’école : « Elle est grande, pleine de livres et de revues. Je pourrai bientôt aller aussi dans la section adulte. » Celle des Riches-Claires, qu’elle vient de découvrir, où il y a « des livres en néerlandais, des conférences sur la lecture, des gens qui lisent, de la documentation. » Celle de notre école, aussi, où elle se souvient avoir lu tous les Max et Lili, des BDs, beaucoup de BDs, surtout celles de Mélusine.

Elle ne se souvient pas du premier roman qu’elle a lu, mais elle n’a pas oublié les livres de la collection La cabane magique. Elle les a tous lus. Et aujourd’hui, c’est la collection de L’Apprenti épouvanteur qui la passionne, c’est le fantastique !
Transmissions
« La lecture, ça commence dès qu’on est petit. Quand on regarde un livre, on voit les images et à un moment donné, on a envie de regarder ce qu’il y a en dessous, ce qui est écrit. » C’est peut-être parce qu’elle a été consciente très tôt de ce plaisir que Fatima lit régulièrement des livres à sa petite sœur de 6 ans, Zaynab. Elle lui raconte les livres qui sont à la maison (des « collections » de livres, achetées sur une brocante ou dans des magasins de seconde main). C’est souvent des histoires de Walt Disney, mais aussi le livre que Zaynab a reçu en 3e maternelle et qu’elle veut entendre et réentendre ! Zaynab accompagne parfois Fatima à la bibliothèque et Fatima lui permet d’emprunter un livre sur son compte. Zaynab fait parfois des commandes et Fatima lui ramène le livre.

La maman de Fatima ne lui a pas lu d’histoire : « Elle n’avait pas le temps ; elle travaille la nuit. » Fatima ne l’a jamais vue lire en français. « Pourtant, elle parle le français parce que le français, au Maroc, c’est comme le néerlandais pour nous, ici. Ils l’apprennent à l’école. Ma maman, elle était la plus intelligente de sa famille. Ma grand-mère maternelle s’est mariée à 16 ans et a eu 7 enfants. Ma mère, elle a fait des études jusqu’au bac et puis elle est devenue secrétaire, au Maroc, hein ! Ici, elle est femme de ménage. Elle sait se débrouiller et résoudre ses problèmes toute seule. Elle connait ses droits et les lois. Mais elle ne lit pas, parfois en arabe. Elle commence à lire le métro et elle a dit qu’elle allait venir avec moi à la bibliothèque. C’est payant pour les personnes qui ont plus de 18 ans, mais ce n’est que 8 € ! »

Fatima dit qu’elle, elle lit, d’abord parce qu’elle aime ça. « Quand je lis, j’aime imaginer les personnages, ce n’est pas comme à la télé, où c’est le réalisateur qui a tout imaginé ! Je lis le soir, dans mon lit et si je n’ai plus de livres à lire, je ne dors pas bien ! J’ai aussi beaucoup de plaisir à lire parce que j’apprends plein de choses sur tout. J’aime les histoires qui vivent ! » Elle est beaucoup encouragée par sa mère qui lui rappelle l’importance de lire des livres en français pour apprendre le français (Fatima est arrivée en Belgique à l’âge de 5 ans, sans connaitre le français).

Passions

Aujourd’hui, Fatima commence à lire des livres en néerlandais et en anglais. En arabe ? « Non, l’arabe je le parle, mais je n’ai pas envie de lire des livres en arabe. » Sa maman a aussi exigé qu’elle lise et Fatima pense que c’est important que les parents exigent. « Il ne faut pas que les parents lâchent leurs enfants. » Fatima dit avoir eu envie de lire parce qu’elle a vu beaucoup de gens lire dans les trams et les métros. Elle a d’ailleurs un livre dans son sac pour lire pendant les trajets.

Avant de terminer l’entretien, je lui demande ce qu’elle fait en lecture à l’école. « Oh !, on doit lire un livre et puis on a un test. La dernière question du test, c’est toujours pour demander si on a aimé le livre, mais ça ce n’est pas pour des points. C’est obliger de lire qu’ils font, ce n’est pas montrer la joie de lire ! Mais il y a une chose de chouette, c’est le manuel de français. Il y a plein d’extraits de livres. Alors je vais à la bibliothèque et je demande ces livres-là. Et c’est souvent des livres que j’aime bien ! J’ai adoré Baby-sitter blues, L’indien du placard, Les chats, La balafre, L’enfant des ombres. »

C’était à la veille des grandes vacances. Je termine l’interview en lui souhaitant de beaux et longs moments de lecture pendant les vacances. « Ah, non », dit-elle, « pendant les vacances, je ne lis pas. Je pars au Maroc et là, c’est la fête tout le temps, avec les cousins et les cousines. On joue, on parle, mais je ne lis pas ». Et pendant le trajet ? C’est long jusqu’au Maroc, en voiture ! « Non, on a des petits lecteurs vidéos et on regarde des vidéos ».